« C’étaient 8 années passionnantes ». A quelques jours du congrès national de Perpignan et du passage de témoin, Christian Chevalier, secrétaire générale du Se-Unsa, fait le point sur ses 8 années à la tête du second syndicat enseignant. Quel bilan des deux derniers quinquennats ? Quelles perspectives ? Malgré les craintes pour l’avenir, ni nostalgie, ni moral en berne. Christian Chevalier fait un bilan positif. « Il faut mesurer le chemin parcouru ».
Du 28 au 30 mars, le Se-Unsa tiendra son 9ème congrès national à Perpignan. Le congrès élira un nouveau bureau, notamment un nouveau secrétaire général, Christian Chevalier ne se représentant pas. En 2009 il quittait le Lot et son école pour s’installer à Paris. C’est maintenant l’occasion de revenir sur les 8 années où il a été à la tête du Se Unsa.
Vous avez fait un grand septennat à la tête du Se-Unsa. Quel bilan en tirez vous ?
C’est un bilan contrasté car j’ai vécu deux périodes bien différentes avec 3 années sous le quinquennat Sarkozy et ensuite la période Hollande. Ce sont deux périodes bien différentes au points de vue éducatif, des pratiques syndicales et du dialogue social.
Les années Darcos et Chatel (deux ministres de N Sarkozy) ont été dures et arides. On passait plus de temps dans la rue à contester des politiques et des budgets qu’à construire un projet éducatif.
Le quinquennat Hollande est d’une autre tonalité. Il a eu en amont, plusieurs années avant l’élection, tout un travail avec tous les syndicats pour échanger sur notre vision pour l’école.
Finalement quand je regarde ces années, je vois un quinquennat productif. Le dialogue social qui a existé durant ces années a permis d’être productif sur le plan éducatif. C’est le dialogue social qui a permis d’aboutir. On peut revendiquer une grande partie des projets qui ont été portés durant ces 5 années.
Mais la marque de cette période c’est qu’il a donné jour à un projet complexe et systémique : le socle commun, d’où le lien entre école et collège, la réforme du collège, les programmes. Tout se tient. Il faut comprendre que l’ancrage du collège dans un bloc réunissant école et collège c’est une revendication que le Se-unsa portait depuis 40 ans!
Au final on a une densité de réformes exceptionnelle, la plus importante des 50 dernières années. Le quinquennat est vraiment en rupture avec les années précédentes. Il a marque un vrai basculement.
Pourtant rien ne semble achevé et installé..
Un système s’est bien installé. Mais le temps politique ne s’accommode pas du temps éducatif. Si on a bien eu une continuité à travers les trois ministres de Hollande on le doit à la loi de refondation (2013). Elle a posé les rails dont les différents ministres n’ont pas pu s’écarter.
Ce qui donne le sentiment d’inachevé c’est aussi le fait qu’on accompagne insuffisamment les réformes. Il faudrait former les cadres, inscrire de la formation continue, deux domaines où on est en déficit.
Ensuite il faut aussi se donner du temps pour que la réforme s ‘installe. Or on voit bien que c’est une difficulté majeure.
Mais les candidats à la présidentielle menacent de remettre en question les réformes….
Le constat est pourtant clair. On a besoin de stabilité. Maintenant o est en pleine campagne et le débat politique se fait sur des éléments clivants. Ensuite la réalité va s’imposer et peut-être des compromis. Aujourd’hui on trouve plutôt des projets caricaturaux à droite et peu de cohérence à gauche.
Vous avez des contacts avec des candidats ?
On en a moins qu’en 2012où il y avait eu une longue préparation sur les trois années précédant l’élection. En 2017 les candidats se sont déclarés tardivement et les projets se construisent dans l’urgence. Par exemple on voit peu de choses sur le bac – 3 +3. Macron veut rénover le bac mais pour faire quoi ? Hamon en parle peu. Or c’est le bloc auquel le prochain gouvernement devra s’attaquer.
Plusieurs candidats affichent des politiques hostiles aux fonctionnaires donc aussi aux enseignants. Vous allez réagir ?
Le projet de Fillon est inacceptable. S’il supprime 500 000 emplois de fonctionnaires les enseignants seront mis à contribution. Hamon parle lui d’embaucher 35 000 enseignants. Macron est plus ambigu : il parle de 120 000 suppressions de postes dont 50 000 fonctionnaires d’Etat mais il veut dédoubler les classes de CP en Rep ce qui représente 12 000 postes. On va lui poser des questions.
Le moment n’est il pas venu pour les syndicats d’agir ensemble?
Le quinquennat a montré que les syndicats enseignants ont des visions opposées et peu compatibles sur les projets éducatifs. C’ets ce qu’on a vu à propos de la réforme du collège et de celle des rythmes scolaires. Maintenant si des emplois sont supprimés, si la liberté pédagogique st atteinte, si le nouveau gouvernement finance les écoles hors contrat on descendra dans la rue et on sera solidaires et on se rejoindra sur un objectif commun.
Aujourd’hui les enseignants semblent démobilisés et déroutés. N’est ce pas le moment de donner l’exemple de la combativité ?
Un des principes qui nous dirigent c’est de ne pas mélanger le syndical et le politique. Une fois l’élection faite, on indiquera aux politiques des lignes rouges à ne pas franchir. S’ils négocient nous seront à la table des discussions.
Vous allez quitter la direction du Se Unsa. Comment on se sent quand on tourne la page de 8 années d’action syndicale ?
Ces 8 années ont été passionnantes. Elles correspondent, pour les 5 dernières, à ce que j’avais imaginé être un dialogue social de qualité. On a pu travailler de façon constructive avec le ministère avec de vrais documents de travail. L’administration a joué le jeu et on a pu faire bouger des choses, aussi bien sur des questions pédagogiques, comme la réforme du collège, que sur des sujets corporatifs comme la revalorisation, le PPCR, les décrets de 1950. J’ai vécu une période intense, utile et productive.
Même s’ils ne sont pas toujours satisfaits, nos collègues doivent regarder le chemin parcouru par exemple sur les carrières ou sur l’état du système éducatif.
Si toute cette énergie finissait aux orties ce serait très décourageant. Ca voudrait dire que notre pays n’est pas réformable. Or notre système éducatif a besoin d’être réformé pour être socialement plus juste.
Propos recueillis par François Jarraud