Qu’est-ce qu’une manipulation réussie en SVT ? Quels travaux pratiques envisager avec les nouveaux programmes ? Vincent Darnet, professeur de SVT au collège Henri Sellier à Suresnes (92) est un spécialiste des manipulations efficaces. De ses gants villosités à la circulation sanguine chez le poisson rouge, l’enseignant propose sur son site toute une batterie d’expériences simples à mettre en place en classe. Son trio d’exigences : « le plus simple possible, le moins cher possible, le plus démonstratif possible ». Où trouve-t-il son inspiration ? Quelle est l’expérience la plus prisée par les enseignants ?
Que trouve-t-on sur le site internet « apsvtcol » ?
On trouve des idées de manipulations pour les professeurs de SVT en collège, toutes sortes d’idées issues de notre pratique et celles d’autres collègues. Ces idées sont sélectionnées avec toujours le même trio d’exigences : le plus simple possible, le moins cher possible, le plus démonstratif possible. C’est cela qui a fait le succès de notre stage.
Quelles sont les nouvelles manipulations proposées en lien avec les nouveaux programmes ?
Les connexions avec le programme de physique m’ont d’abord amené à rechercher des idées de manipulations en rapport avec l’eau. Par exemple, la mise en évidence de l’eau dans les aliments grâce au sulfate de cuivre anhydre est un grand classique des physiciens.
Il existe également quelques manipulations simples sur les changements d’état de l’eau telles que : « comment observer un nuage au microscope », « le gel détruit tout »… en attendant de nouvelles idées. Je montre aussi une manipulation archi simple sur l’effet de serre avec une lampe, deux thermomètres et trois récipients. A cela s’ajoutent de nombreuses manipulations mettant en scène des mélanges de toutes sortes.
Ensuite, je me suis intéressé à la planétologie en recherchant comment faire manipuler les élèves pour comparer les planètes du système solaire, expliquer la rotation de la Terre, les saisons, le cycle lunaire, etc. J’ai trouvé quelques idées intéressantes avec du matériel bon marché.
Et enfin, j’ai réalisé en classe une série de manipulations s’inscrivant dans une démarche d’investigation réunissant les trois disciplines scientifiques : la purification progressive d’un mélange imitant le contenu des égouts, en relation avec les stations d’épuration. Sa publication viendra bientôt.
Quelle manipulation remporte le plus grand succès ? Pour vous, qu’est-ce qu’une manipulation réussie en SVT ?
Un des tubes de notre stage, c’est l’observation de la circulation sanguine des capillaires de poisson rouge. C’est très spectaculaire. Ceci étant dit, rien ne m’assure qu’elle soit réellement pratiquée ensuite dans les classes. En effet, elle réclame malgré tout un peu de doigté et de concentration, pas toujours compatible avec le pilotage d’une classe.
Dans les faits, il nous est très difficile de savoir quelles manipulations fonctionnent réellement bien dans les classes, faute de retour. Quoiqu’il en soit, notre préférence va toujours à la manipulation qui fait que les élèves comprennent rapidement et avec enthousiasme sans que cela réclame du temps de préparation. Je pense aux matériels que je sors du tiroir trente secondes avant le début du cours (les traces d’alimentation, le gant muni de « villosités »…), aux photocopies de l’Inde qui illustrent en un quart d’heure la subduction et la collision ou encore à l’échantillon imprévu récolté dans la cour du collège et riche de questions fructueuses.
Vous proposez une sortie naturaliste en pleine ville. Quels sont les objectifs de cette sortie ? Quelles espèces déterminez-vous ?
Si on parle d’espèces à déterminer, il faut rester très modeste dans la mesure où la plupart des élèves de collège citent difficilement dix noms de plantes différentes. On peut dans un premier temps se contenter de leur faire réaliser un herbier à partir de quelques espèces d’arbres les plus courants des villes.
La sortie peut poursuivre deux autres buts. Le premier est de montrer que la biodiversité se cache dans les endroits les plus imprégnés d’urbanité. La pelouse d’un collège urbain peut abriter jusqu’à une vingtaine d’espèces différentes. Il ne s’agit pas de les déterminer – j’en serais bien incapable – mais de les différencier.
L’autre but est de rechercher des indices d’une vie animale ou végétale cachée : un troène dont les feuilles sont rongées par l’abeille mégachile, les dégâts laissés par la mineuse du marronnier, une samare d’érable très loin de son lieu d’émission, un excrément de renard, une trainée de bave d’escargot, etc. Tout est bon pourvu que l’énigme suscite la curiosité des élèves et une recherche fructueuse en classe.
Depuis 15 ans, vous animez un stage « activité pratique en SVT collège ». Que font les enseignants dans ce stage ? Avez-vous des retours suite à ces journées de formation ?
Les enseignants prennent surtout des notes ! Il s’agit de professeurs en début de carrière dont la formation universitaire a été très éloignée des conditions d’enseignement en collège. Ainsi, leurs connaissances naturalistes ou bien en géologie locale se résument souvent à très peu de chose. Et, bien entendu, ils ignorent en général tout des ressources insoupçonnées pour notre enseignement des brocantes et vides-greniers.
Une bonne partie de leur temps de stage est aussi consacré à des manipulations, des dissections notamment, dans le but de se familiariser avec le matériel qu’ils choisiront de présenter aux élèves. Le principal retour tangible, c’est celui des enseignants qui arrivent à notre stage et déclarent : »c’est un collègue qui m’a conseillé de m’inscrire ». Le bouche à oreille fonctionne semble-t-il très bien pour que nous fassions le plein chaque année.
Entretien par Julien Cabioch