Comment aider les élèves à dominer les mots pour exprimer leur rapport au monde ? Le numérique peut-il aider les enseignants dans cette tâche difficile? Au collège Pablo Picasso à Montesson, Aurélie de Mattéis explore des pistes en ce sens pour mettre en œuvre un apprentissage à la fois systématique et créatif du vocabulaire. Par exemple, les élèves réalisent des nuages de mots pour travailler de façon visuelle le lexique des sentiments. Ils utilisent un outil d’annotation en ligne pour enrichir ces nuages de tableaux, de photographies ou de morceaux de musique. Ils se lancent même dans des campagnes d’adoption de mots en voie de disparition. Eclairages sur les activités menées…
Pourquoi le choix de ce travail spécifique autour du vocabulaire des sentiments ?
La maitrise par les élèves du vocabulaire des sentiments est particulièrement difficile. Ils ne parviennent pas à exprimer les nuances d’un ressenti. J’ai essayé plusieurs méthodes : liste de mots à apprendre, carnet de vocabulaire… mais cela n’était pas concluant. J’ai donc décidé de passer par l’image afin de leur permettre d’acquérir une représentation visuelle de ce vocabulaire et les aider à alimenter leurs descriptions.
Quelles ont été les consignes et modalités de travail pour réaliser les nuages de mots ?
Les élèves ont été répartis en îlots : chaque groupe travaillait sur un sentiment. Les élèves avaient un travail de recherche à la maison autour du champ lexical. Ils devaient trouver 10 noms, 10 adjectifs et 10 verbes. En classe entière, ils devaient sélectionner les mots et les saisir sur un outil pour construire le nuage. Ils se mettaient ensuite d’accord sur la charte graphique qui devait être en lien avec le sentiment : quelle forme devait prendre le nuage de mots ? Quelles couleurs ?
Ces nuages ont ensuite été enrichis par les élèves : comment ont-ils procédé ? avec quels profits ?
Les élèves ont ensuite utilisé Thinglink afin d’enrichir le nuage. Pour cela, ils devaient chercher des tableaux, des photographies et des morceaux de musique. Chaque membre de l’îlot devait justifier son choix auprès des camarades en expliquant en quoi l’œuvre reflétait l’émotion travaillée. Ils sélectionnaient alors 5 œuvres qui leur semblaient pertinentes. L’objectif était de leur permettre de se forger une représentation visuelle et de comprendre que le ressenti d’un personnage influe sur le rythme des phrases, sur la description des lieux et des personnages.
L’une des difficultés, c’est peut-être aussi la réutilisation en situation du vocabulaire ainsi travaillé : comment avez-vous aidé les élèves à ce réinvestissement ?
La difficulté d’un travail numérique est de permettre aux élèves d’y avoir accès. Ce travail est publié sur le blog de français et sur mur virtuel (padlet). Des QR-codes leur permettent d’avoir un accès rapide. Il est ensuite directement réinvesti dans un travail de rédaction. Depuis la classe a le droit de le consulter à tous les travaux écrits.
Vos élèves mènent par ailleurs des « campagnes d’adoption de mots en voie de disparition » : en quoi consiste cette opération étonnante ? comment procédez-vous ?
Après la lecture de Suivez-moi jeune homme de Yael Hassan, nous avons décidé de lancer une campagne d’adoption de mots en voie de disparition. J’ai fourni aux élèves une liste de 35 mots désuets. Chaque élève devait en choisir un et le mettre en valeur dans une campagne de publicité, publiée sur un Padlet ou sur Twitter. Nous avons alors observé des publicités pour comprendre les procédés utilisés. Ils devaient ensuite employer leur mot. Avec la complicité de mes collègues et des parents, j’évaluais la réussite de ce travail. Nous avons enfin organisé un vote afin de savoir quels mots nous allions sauver.
Au final, quel bilan tirez-vous de ces activités lexicales ? Quel vous semble plus particulièrement l’intérêt du numérique pour le travail de la langue ?
Le travail de vocabulaire peut être fastidieux. Le numérique permet d’apporter une dimension ludique. Les élèves sont motivés par la réalisation d’un projet qui sera publié, lu et commenté par d’autres. Il permet de proposer des activités très variées autour d’un même projet. Le travail sur l’image ou sur la publicité met en jeu d’autres compétences.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
Sur le blog de français du collège Pablo Picasso
Propositions diverses sur la Page des Lettres de l’académie de Versailles