Tout d’abord, permettez-moi de vous présenter tous mes meilleurs vœux pour l’année 2017.
Alors que l’entre deux tours de la primaire de gauche a donné lieu à l’exposé de deux conceptions différentes de la laïcité, l’une plus proche « du terrain » que l’autre semble-t-il, il apparaît utile d’évoquer un arrêt de la Cour Européenne des droits de l’Homme du 10 janvier 2017 concernant les pratiques religieuses lors des cours de piscine mixtes et obligatoires.
L’affaire est d’importance puisque la Cour Européenne a dit à l’unanimité « qu’il n’y a pas eu violation de l’article 9 de la Convention », article 9 dont je rappelle ci-après les dispositions :
« Liberté de pensée, de conscience et de religion
1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Cette affaire est également très intéressante parce qu’elle a donné lieu à un échange d’arguments souvent pertinents, parfois surprenants, entre les parties.
C’est ce que je vous propose de découvrir maintenant… tout en vous laissant l’appréciation des arguments soulevés.
Les requérants Suisses sont parents de trois filles mais leur requête ne concernait que les deux premières filles, nées en 1999 et en 2001 et régulièrement inscrites à l’école primaire.
Ces deux parents, fervents pratiquants de la religion musulmane, refusèrent d’envoyer leurs filles aux cours de natation obligatoire au motif que leur croyance leur interdisait de laisser leurs enfants participer à des cours de natation mixtes. En effet, même si le Coran ne prescrit de couvrir le corps féminin qu’à partir de la puberté, leur croyance leur commandait de préparer leurs filles aux préceptes qui leur seraient appliqués à partir de leur puberté.
La directrice de l’école eut un entretien avec les parents afin de trouver une solution mais en vain. Par deux lettres, les parents furent donc à nouveau invités à envoyer leurs filles aux cours de natation mais, une fois encore, en vain.
La direction de l’école demanda alors au chef du département de l’instruction publique d’infliger une amende pour manquement aux responsabilités parentales aux deux parents, ce qui fut fait pour un montant d’environ 323 euros par parent et par enfant.
Finalement saisi, le Tribunal fédéral rejeta le recours des deux parents estimant que le refus des autorités de dispenser leurs filles des cours de natation mixtes à l’école primaire n’avait pas violé le droit des requérants à la liberté de conscience et de croyance.
Les parents saisirent donc la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Arguments des parents
Ils estimaient que l’obligation qui leur était faite d’envoyer leurs filles aux cours de natation mixtes constituait une ingérence dans leurs droits conférés par l’article 9 de la Convention.
Arguments du Gouvernement Suisse
Le gouvernement ne contestait pas que le refus de dispenser les filles des requérants des cours de natation mixtes dans le cadre de l’école primaire obligatoire et les amendes infligées aux intéressés constituaient une ingérence dans le droit de ceux-ci à la liberté de religion au sens de l’article 9 de la Convention.
En revanche, il considérait qu’il ne faisait aucun doute que seule la manifestation des convictions religieuses était touchée en l’espèce, dans la mesure où les décisions contestées portaient uniquement sur leur obligation d’envoyer les deux jeunes filles aux cours de natation, donc sur l’éducation que les parents entendaient donner à leurs filles en matière de pudeur à la lumière de leur interprétation stricte des préceptes de l’islam.
Le Gouvernement considérait donc que la croyance des requérants et leur choix en faveur d’un courant strict de l’islam n’ont pas été remis en question.
Appréciation de la Cour
Pour être qualifié de « manifestation » au sens de l’article 9, l’acte en question doit être étroitement lié à la religion ou à la conviction. Des actes du culte ou de dévotion relevant de la pratique d’une religion ou d’une conviction sous une forme généralement reconnue en constitueraient un exemple.
Toutefois, la manifestation d’une religion ou d’une conviction ne se limite pas aux actes de ce type : l’existence d’un lien suffisamment étroit et direct entre l’acte et la conviction qui en est à l’origine doit être établie au vu des circonstances de chaque cas d’espèce. En particulier, le requérant n’est aucunement tenu d’établir qu’il a agi conformément à un commandement de la religion en question.
La Cour a donc estimé que l’on se trouvait en l’espèce dans une situation où le droit des requérants de manifester leur religion était en jeu. Ils étaient titulaires de l’autorité parentale et pouvaient disposer de l’éducation religieuse de leurs enfants. Les requérants pouvaient par conséquent se prévaloir de cet aspect de l’article 9 de la Convention.
Par ailleurs, elle a estimé que les requérants avaient effectivement subi une ingérence dans l’exercice de leur droit à la liberté de religion protégé par cette disposition.
A) Sur la base légale
Arguments des parents
Ils concédaient que l’enseignement de la gymnastique et du sport était obligatoire.
Ils observaient ensuite que l’on ne pouvait pas prétendre, en s’appuyant sur le plan d’études local, que l’enseignement de la natation forme une partie de l’enseignement obligatoire de la gymnastique et du sport puisque tous les établissements scolaires locaux ne proposent pas de cours de natation.
Ils indiquaient en outre que, en août 2008, la directive intitulée « Note sur le traitement à réserver aux questions religieuses à l’école », rédigée par le département de l’instruction, leur avait été distribuée mais qu’ils ne considéraient pas cette directive comme une base légale suffisante, au motif qu’elle n’aurait même pas le rang d’un simple règlement en droit suisse.
Arguments du Gouvernement Suisse
L’enseignement de base est obligatoire et la gymnastique fait partie des cours obligatoires.
Les élèves doivent participer aux cours dans toutes les matières obligatoires, même si une dispense peut être accordée par la direction de l’école sur demande des enseignants ou des personnes en charge de l’éducation des enfants.
Les modalités de la prise en compte des questions religieuses dans le cadre de l’école sont précisées dans une directive qui prévoit que, pour tenir compte des conceptions de la morale par l’islam, les élèves doivent avoir la possibilité de couvrir leur corps dans la mesure où leurs parents le souhaitent, qu’ils doivent pouvoir se changer à l’écart du reste de la classe et se doucher à l’abri des regards ou avec les seuls élèves de leur sexe, et qu’ils doivent avoir pour enseignants, dans la mesure du possible, des professeurs du même sexe qu’eux.
Appréciation de la Cour
Les mots « prévue par la loi » non seulement imposent que la mesure incriminée ait une base en droit interne, mais visent aussi la qualité de la loi en question.
Les deux conditions suivantes comptent parmi celles qui se dégagent des mots « prévue par la loi ». :
– Il faut que la « loi » soit suffisamment accessible : le citoyen doit pouvoir disposer de renseignements suffisants, dans les circonstances de la cause, sur les normes juridiques applicables à un cas donné.
– On ne peut considérer comme une « loi » qu’une norme énoncée avec assez de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite.
Le libellé de bien des lois n’est pas d’une précision absolue. Beaucoup d’entre elles, en raison de la nécessité d’éviter une rigidité excessive et de s’adapter aux changements de situation, se servent par la force des choses de formules plus ou moins floues. Aussi l’interprétation et l’application de pareils textes dépendent-elles de la pratique.
Dans la présente affaire, la Cour a donc estimé que la mesure litigieuse était fondée sur une base légale suffisante.
B) Sur le but légitime de la mesure
Argument des parents
Ils soutenaient qu’une dispense accordée à un élève pour les cours de natation ne risquait pas de restreindre sa formation au point que l’égalité des chances ne lui serait plus garantie. Ils estimaient que la natation ne représente qu’un volet de l’enseignement des sports et qu’une dispense ne remettait en cause aucun contenu d’apprentissage ni ne menaçait l’acquisition d’un diplôme scolaire et les chances professionnelles ultérieures.
Par ailleurs, ils rappelaient que leurs deux filles scolarisées fréquentaient à titre privé un cours de natation destiné à la communauté musulmane et qu’ils veillaient ainsi à ce que leurs enfants apprennent à nager. Ils estimaient dès lors que, s’agissant du mandat de formation, l’argument de l’intérêt public ne pouvait être invoqué par l’État défendeur.
En ce qui concerne l’objectif de la formation, à savoir la socialisation invoquée par les autorités, les parents estimaient que la socialisation de leurs filles se fait principalement en dehors des cours de natation. De leur point de vue, le simple fait qu’un élève ne participe pas à ces cours ne le marginalise pas pour autant.
Par ailleurs, les parents ne doutaient pas que le besoin d’intégration des populations étrangères avait augmenté significativement, et ils admettaient que c’est à juste titre que l’on attend des étrangers qu’ils soient disposés à cohabiter avec la population du pays d’accueil, et à accepter l’ordre juridique de l’Etat d’accueil et ses principes démocratiques et constitutionnels tout comme les données sociales et sociétales locales.
En revanche, ils reprochaient au Tribunal fédéral de placer l’intégration au-dessus de la question de la croyance. Ils estimaient que, lorsque le pays d’accueil fait preuve de tolérance envers leurs convictions religieuses, les étrangers sont prêts à s’intégrer dans la société locale et à accepter les règles de celle-ci, et que, par contre, lorsque les parents doivent finalement envoyer dans des écoles privées leurs enfants qui se sont vu nier dans les écoles nationales une identité basée sur leur religion musulmane, cela n’arrange ni l’intégration des enfants ni leur équilibre.
Ils étaient d’avis que c’est de cette manière que la formation de sociétés parallèles non désirées est favorisée et que, partant, la préoccupation de l’intégration ne pouvait être invoquée au titre de l’intérêt public.
Ils considéraient également qu’ils démontraient de manière convaincante que l’intégration ne dépend pas seulement de la participation à des cours de natation dispensés dans le cadre scolaire. Ils alléguaient que, depuis de nombreuses années, ils vivaient de manière parfaitement intégrée, et qu’ils acceptaient sans difficulté l’ordre juridique avec ses principes démocratiques et constitutionnels ainsi que les données sociales et sociétales locales.
Les parents soutenaient par ailleurs que rien ne montrait que le fonctionnement scolaire ne pouvait demeurer ordonné et efficace lorsque des dispenses de cours de natation mixtes étaient octroyées. Ils estimaient que, à Bâle, le nombre de musulmans de « croyance stricte » qui ne souhaitent pas envoyer leurs enfants au cours de natation mixtes était très faible. Ils ajoutaient encore qu’il n’est pas rare que des parents suisses, fondamentalistes chrétiens ou juifs orthodoxes, qui suivraient les mêmes règles en matière de pudeur, demandent des dispenses et que celles-ci leur soient accordées.
Arguments du Gouvernement Suisse
Le Tribunal fédéral a mis en avant l’intérêt public de l’intégration des écoliers, indépendamment de leur origine, de leur culture et de leur religion, ainsi que l’intérêt de leur socialisation par le biais de la participation aux cours obligatoires de l’école publique.
À ces intérêts s’ajoutent la garantie de l’égalité des chances entre les enfants et les sexes en matière de formation et d’éducation. D’une part, les intérêts retenus visent à garantir et favoriser une cohésion générale et une intégration réussie des minorités religieuses au sein de la société suisse. D’autre part, ils visent à protéger chaque élève contre tout phénomène d’exclusion sociale au sein de l’école, et à leur garantir une égalité des chances en matière d’éducation et de formation par rapport aux élèves appartenant à d’autres religions et, s’agissant des filles, par rapport aux élèves de sexe masculin.
Appréciation de la Cour
La Cour partage l’avis du Gouvernement selon lequel la mesure litigieuse a pour but l’intégration des enfants étrangers de différentes cultures et religions, ainsi que le bon déroulement de l’enseignement, le respect de la scolarité obligatoire et l’égalité entre les sexes. La mesure vise tout particulièrement à protéger les élèves étrangers contre tout phénomène d’exclusion sociale. La Cour est prête à accepter que ces éléments puissent être rattachés à la protection des droits et libertés d’autrui ou à la protection de l’ordre au sens de l’article 9 § 2 de la Convention
Il s’ensuit que le refus de dispenser les filles des requérants des cours de natation obligatoires poursuivait des buts légitimes au sens de l’article 9 § 2 de la Convention.
C) Sur la nécessité dans une société démocratique
Arguments des parents
Ils soutenaient que l’obligation pour leurs filles de suivre les cours de natation mixtes n’était pas appropriée et la participation à ce cours n’était pas requise pour atteindre les objectifs invoqués, à savoir leur formation et leur intégration, ainsi qu’un fonctionnement scolaire ordonné et efficace.
Ils estimaient que l’objectif de formation visé par le cours de natation pouvait être atteint avec des moyens plus modérés, qui subordonneraient par exemple l’octroi d’une dispense à l’obligation des parents de faire suivre à leurs enfants des cours de natation à titre privé.
Par ailleurs, ils estimaient que le port du burkini ne contribuerait pas à la solution du problème en cause au motif qu’il stigmatiserait leurs filles (NDLR : !).
Arguments du Gouvernement Suisse
Il faut prendre en compte l’importance croissante que l’opinion publique accorde aux questions d’intégration. L’école est confrontée à une réalité multiculturelle. Dès lors, une telle société exige davantage d’efforts qu’auparavant pour que les enfants de cultures différentes s’adaptent au mode de vie suisse et trouvent leur place dans le cadre social du pays. C’est uniquement de cette manière que leur participation future à la vie économique, sociale et culturelle et, à travers celle-ci, la paix sociale et l’égalité des chances peuvent être garanties.
Toujours selon le Gouvernement, l’on peut et l’on doit attendre de personnes de nationalité étrangère qu’elles acceptent de vivre avec la population locale et qu’elles se soumettent à l’ordre juridique en vigueur. Les convictions religieuses ne peuvent pas exempter les personnes en question de leurs devoirs civiques. Cela n’implique pas un renoncement à la liberté religieuse, dans la mesure où l’exigence en question ne touche généralement pas au noyau dur de ce droit fondamental et où il s’agit de simples différends nés d’un conflit entre certaines normes de comportement – découlant de conceptions culturelles et/ou religieuses – et les règles applicables.
Le Gouvernement indiquait ensuite que l’école occupe une place particulière dans le processus d’intégration sociale. Il estimait qu’elle doit avant tout fournir un enseignement de base, ce qui impliquerait que les élèves soient astreints à suivre les cours obligatoires. En contrepartie, d’après le Gouvernement, l’école doit offrir un environnement ouvert représentatif de la société et s’en tenir strictement au principe de laïcité. Au regard de l’importance de l’enseignement obligatoire, l’école ne devrait pas prévoir d’exceptions à la règle pour prendre en compte des souhaits particuliers, y compris ceux fondés sur des motifs religieux en contradiction avec le programme scolaire. Par ailleurs, le Gouvernement considère que le sport à l’école revêt une importance particulière pour la socialisation des élèves et qu’il ne peut satisfaire à cet objectif que s’il est enseigné aux élèves en commun.
S’agissant de l’argument des requérants selon lequel seul un nombre restreint de familles demanderait une dispense des cours de natation obligatoires en raison de leur foi musulmane, le Gouvernement le rejetait, estimant que l’intérêt d’une intégration des personnes étrangères dans un pays concerne l’ensemble des personnes vivant dans ce pays, indépendamment du nombre d’individus qui se prévalent d’une exception.
Par ailleurs, le Gouvernement était également d’avis que l’intégration n’est pas seulement dans l’intérêt de la collectivité, mais aussi dans celui de l’enfant, dès lors qu’elle offrirait de meilleures possibilités d’adaptation à la vie en commun.
S’agissant des cours de natation respectueux des préceptes de leur croyance que les filles des requérants auraient suivis à titre privé, le Gouvernement estimait que cet élément ne pouvait être déterminant au motif que l’intérêt des cours de natation obligatoires ne réside pas seulement dans leur contenu mais également dans les conditions dans lesquelles ils se déroulent. En effet, selon le Gouvernement, s’il ne s’agissait que d’apprendre à nager, les cours de natation obligatoires cesseraient dès que tous les élèves sauraient nager. Outre cet apprentissage, le fait de pratiquer cette activité en commun avec les autres élèves de la classe constitue un aspect important de ces cours. Le fait pour des élèves de prendre des leçons de natation privées, séparément du reste de la classe, les isolerait et irait par conséquent à l’encontre de l’un des objectifs majeurs de l’enseignement public obligatoire.
S’agissant de l’argument des parents selon lequel les mesures d’accompagnement offertes n’étaient pas suffisantes au regard de l’éducation à la pudeur des musulmans de « croyance stricte », qui exigerait également que les enfants ne soient pas amenés à voir les corps non couverts ou peu couverts de personnes de l’autre sexe, le Gouvernement expliquait qu’il est fréquent, en Suisse, de voir des corps partiellement dénudés, que ce soit sur les plages, dans les médias ou dans l’espace public par grande chaleur. Il est ainsi d’autant plus important, de l’avis du Gouvernement, que les enfants apprennent dès leur jeune âge à gérer ces aspects de la vie en commun pour faciliter leur évolution dans la société.
Enfin, s’agissant de l’argument des parents selon lequel le port d’un burkini stigmatiserait leurs filles, le Gouvernement était d’avis que la dispense des cours peut être tout aussi stigmatisante, sinon davantage, que le port d’un vêtement adapté aux convictions religieuses.
Appréciation de la Cour
La Cour est amenée à examiner si le refus des autorités compétentes d’exempter les filles des requérants des cours de natation mixtes était nécessaire dans une société démocratique et, plus particulièrement, proportionné aux buts poursuivis par ces mêmes autorités.
La Cour estime convaincants les arguments avancés par le Gouvernement ainsi que par les tribunaux internes dans le cadre de leurs décisions bien étayées.
Elle partage l’argument du Gouvernement selon lequel l’école occupe une place particulière dans le processus d’intégration sociale, place d’autant plus décisive s’agissant d’enfants d’origine étrangère.
Elle accepte que, eu égard à l’importance de l’enseignement obligatoire pour le développement des enfants, l’octroi de dispenses pour certains cours ne se justifie que de manière très exceptionnelle, dans des conditions bien définies et dans le respect de l’égalité de traitement de tous les groupes religieux. À cet égard, la Cour estime que le fait que les autorités compétentes autorisent l’exemption de cours de natation pour des raisons médicales montre que leur approche n’est pas d’une rigidité excessive.
La Cour estime que l’intérêt des enfants à une scolarisation complète permettant une intégration sociale réussie selon les mœurs et coutumes locales prime sur le souhait des parents de voir leurs filles exemptées des cours de natation mixtes.
La Cour estime également que, certes, l’enseignement du sport, dont la natation faite partie intégrante dans l’école suivie par les filles des requérants, revêt une importance singulière pour le développement et la santé des enfants. Cela étant, l’intérêt de cet enseignement ne se limite pas pour les enfants à apprendre à nager et à exercer une activité physique, mais il réside surtout dans le fait de pratiquer cette activité en commun avec tous les autres élèves, en dehors de toute exception tirée de l’origine des enfants ou des convictions religieuses ou philosophiques de leurs parents.
S’agissant de l’argument des parents selon lequel leurs filles suivent des cours de natation privés, la Cour réitère ce qu’elle a observé plus haut, à savoir qu’il ne s’agit pas seulement pour les enfants de pratiquer une activité physique ou d’apprendre à nager – objectifs en soi légitimes –, mais davantage encore d’apprendre ensemble et de pratiquer cette activité en commun. Par ailleurs, la Cour estime qu’exempter des enfants dont les parents ont des moyens financiers suffisants pour leur assurer un enseignement privé créerait par rapport aux enfants dont les parents ne disposent pas de tels moyens une inégalité non admissible dans l’enseignement obligatoire.
La Cour relève que, dans la présente affaire, les autorités ont offert des aménagements significatifs aux parents, dont les filles avaient notamment la possibilité de couvrir leurs corps pendant les cours de natation en revêtant un burkini. Or les requérants ont soutenu que le port du burkini avait un effet stigmatisant sur leurs filles. Sur ce point, la Cour partage l’avis du Gouvernement selon lequel les requérants n’ont apporté aucune preuve à l’appui de leur affirmation. Elle note que, par ailleurs, les filles des requérants pouvaient se dévêtir et se doucher hors de la présence des garçons. Elle accepte que ces mesures d’accompagnement étaient à même de réduire l’impact litigieux de la participation des enfants aux cours de natation mixtes sur les convictions religieuses de leurs parents.
Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que, en faisant primer l’obligation pour les enfants de suivre intégralement la scolarité et la réussite de leur intégration sur l’intérêt privé des requérants de voir leurs filles dispensées des cours de natation mixtes pour des raisons religieuses, les autorités internes n’ont pas outrepassé la marge d’appréciation considérable dont elles jouissaient dans la présente affaire, qui porte sur l’instruction obligatoire.
« Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 9 de la Convention. »
Laurent Piau, juriste, est l’auteur de l’ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF
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