Le Medef a présenté hier devant la presse ses propositions 2017 pour l’éducation et l’enseignement supérieur : plus d’apprentissage, plus d’autonomie, plus de liens avec l’entreprise… Rien qui surprenne hormis le ton très apaisé devant la querelle qui menace de ressurgir autour des Sciences économiques et sociales (SES).
Le Medef serait reparti en campagne contre les SES, cette matière enseignée par des gauchistes qui auraient l’entreprise en horreur ? Mais vous avez rêvé ! Ses trois représentants – Florence Poivey, la présidente de la commission Education et Formation, Alain Druelles, le directeur, et Sandrine Javelaud, la directrice de la mission Enseignement supérieur -, qui ont exposé hier les propositions 2017 de l’organisation patronale, étaient doux comme des agneaux. » La sociologie est utile à l’enseignement de l’économie, ne serait-ce que pour l’étude de la consommation « , a souligné Sandrine Javelaud.
Manuels
Interrogée sur la récente initiative de l’Académie des sciences morales et politiques, vieille ennemie des SES, d’examiner les manuels de six éditeurs, puis d’organiser le 30 janvier un colloque pour en exposer le bilan (critique), Forence Poivey a répondu sobrement : » nous suivons le travail de fond de l’académie, c’est un sujet auquel on est très attentif. «
A écouter ses représentants, le Medef ne veut pas relancer aujourd’hui une offensive, pour le moins frontale, contre les profs de SES, comme cela avait été le cas en 2008. Peut-être estime-t-il qu’il y a d’autres priorités en ces temps de campagne présidentielle et préfère-t-il mettre ses forces ailleurs. D’autant que le candidat de droite François Fillon apparaît bien plus concerné par l’histoire de France et par ses grands hommes.
Dépassionner
Un signe qui ne trompe pas : dans les 22 pages de la brochure du Medef sur ses propositions 2017, les sciences économiques et sociales ne sont pas citées une seule fois. Pas même dans le chapitre 3 » Faire connaître et aimer l’entreprise « . Il y est simplement rappelé que le Medef » exige un enseignement de l’économie et de la gestion pour tous » – deux options en seconde actuellement.
» Il faut dépassionner le débat « , a plaidé Florence Poivey après avoir rappelé, là encore sur un ton apaisé, que le Medef avait trouvé » un peu curieux, et même un peu maladroit de rendre facultative la thématique de l’économie de marché alors que chacun devrait être à même d’en comprendre les mécanismes « .
En fait, c’est le chapitre sur la formation des prix qui n’est plus obligatoire depuis la rentrée, afin d’alléger le programme de seconde jugé bien trop lourd. L’économie de marché est de nouveau abordée en première et en terminale.
L’entreprise
Se voulant résolument pragmatiques, les trois représentants du Medef, qui étaient invités par l’Association des journalistes Education (Ajéduc), ont, tout au long de la conférence de presse, revendiqué un discours » neutre » – » attention, il n’y a rien là de politique « , a souligné Florence Poivey – et constructif – » ce qui est fondamental, c’est que l’école et l’entreprise apprennent à mieux se connaître, à mieux se comprendre. Et quoi de mieux que des actions communes. «
Les intervenants ont longuement défendu le rôle accru de l’entreprise dans la formation professionnelle, les lycées pros et les CFA (centres de formation des apprentis) , une revendication chère au Medef. Pour que les jeunes soient » plus employables « , il s’estime être le mieux placé pour définir les attendus des formations et pour décider de l’ouverture de telle ou telle spécialité en fonction des débouchés et des besoins des branches.
L’apprentissage
Classique encore, les représentants du Medef ont plaidé en faveur d’une extension de l’apprentissage et de la simplification des règles. » C’est une voie d’excellence, une voie royale qui doit tenter chaque enfant quel qu’il soit « , selon Florence Poivey. Un discours en vogue sous Sarkozy et aussi sous Hollande.
Interrogés, les intervenants n’ont toutefois pas pu expliquer comment relancer l’apprentissage quand de nombreux jeunes, candidats à une formation par alternance, ne trouvent pas d’entreprise pour les accueillir et doivent alors renoncer.
100% employables
Sur l’école, ils ont repris ce qui fait aujourd’hui la quasi unanimité, au delà des partis : donner la priorité à l’école primaire dont trop d’enfants selon eux, sortent sans savoir lire, écrire et compter correctement. » Or 100% de jeunes employables, c’est zéro échec en primaire « , a résumé la présidente de la commission Education Formation. Pour ne pas dépenser plus, l’organisation patronale suggère de transférer au primaire des moyens dévolus au secondaire.
Pour rendre plus efficace un système scolaire en perte de vitesse, le Medef prône enfin une » vraie autonomie, avec des chefs d’établissement qui recrutent leurs enseignants et gèrent leurs budgets « , a précisé Florence Povey. Plus surprenante, l’ode du Medef à l’innovation pédagogique.
Mais c’est la voie professionnelle qui hier était au centre du discours. On a même entendu l’un des trois représentants du Medef, répondant à une question, reconnaître que » Jean-Luc Mélenchon ne l’avait pas si mal défendue « ….
Véronique Soulé