C’est devenu une antienne du débat politique. En favorisant la mixité sociale, le ministère encouragerait le nivellement par le bas. C’est justement cette question du rapport entre la mobilité sociale et l’efficacité scolaire que deux chercheurs belges, Jean Hindriks et Mattéo Godin, interrogent dans un nouveau numéro (n°106) des Cahiers de recherches du Girsef. Ils mettent en évidence un lien entre ces eux termes et concluent qu’il n’y a pas lieu d’opposer excellence et équité…
Dans cet article, Jean Hindriks et Mattéo Godin proposent une comparaison internationale des systèmes scolaires des pays de l’OCDE en termes de mobilité sociale à l’école sur la base des résultats des tests PISA entre 2003 et 2012 en mathématiques. Ils calculent pour chaque pays, la mobilité individuelle des élèves sur la base de leur rang social comparé à leur rang au test PISA en mathématiques dans leur pays. Ils établissent ainsi une nouvelle représentation qu’ils appellent la Courbe de Gatsby de l’école (référence à le courbe de Gatsby des revenus).
Réduction des inégalités et performances
Leur première conclusion c’est que » les pays avec une mobilité sociale à l’école supérieure à la moyenne sont aussi le plus souvent les pays qui produisent un niveau moyen d’enseignement supérieur à la moyenne ». Pour expliquer ce phénomène, ils recourent à une comparaison sportive. » Plus nombreux sont les prétendants à la victoire, plus intense sera la course et plus grande sera la performance d’ensemble ». Inversement les pays qui découragent la progression sociale et scolaire restreignent le nombre de coureurs et donc le niveau de la course. Autrement dit l’élitisme se marie très bien avec l’égalité.
Sur leur courbe de Gatsby, des pays comme la Finlande et le Canada ont à la fois une forte mobilité sociale et peu d’inégalités entre écoles. La France fait par contre partie des pays qui sont à l’opposé.
» La mobilité sociale d’un système scolaire est étroitement liée à l’inégalité scolaire », écrivent Jean Hindriks et Mattéo Godin. « Les pays comme la Belgique avec une forte inégalité entre écoles sont aussi caractérisés par une faible mobilité sociale à l’école. A l’inverse des pays comme la Pologne ou le Canada sont caractérisés par une faible inégalité entre écoles et une forte mobilité sociale à l’école ».
Dépasser les clivages idéologiques
» Ce que notre rapport révèle », poursuivent-ils, « c’est que si les pays ont tous adopté des mesures et politiques pour améliorer l’égalité des chances à l’école, certains pays y sont arrivés beaucoup mieux que d’autres. Notre analyse, en comparant différents systèmes scolaires, montre en outre que le changement est possible sans opposer l’excellence à l’équité, et sans opposer égalité et mobilité sociale à l’école. Cela doit nous conduire à dépasser les clivages idéologiques en matière de système scolaire pour aborder la question de la qualité de notre enseignement de façon pragmatique et concrète. »
Pour eux, » il semble possible d’améliorer durablement les résultats des élèves défavorisés en agissant sur ce groupe suffisamment tôt et suffisamment fort, comme nous le démontre les expériences au Canada, en Angleterre et au Japon ». Cela en vaut la peine : assurer plus d’égalité c’est aussi prendre le chemin vertueux d’un meilleur niveau pour tous ». C’ets le Girsef, un centre de recherche d el’université catholique de Louvain, qui le dit.
François Jarraud