Faut-il faire un détour vers l’avenir pour s’approprier l’espace présent ? C’est le pari de la géographie prospective, une géographie qui essaie d’imaginer et de construire les espaces du futur. Professeur d’histoire-géographie au lycée La Martinière Duchère à Lyon, Pascal Mériaux a mis au travail ses élèves sur l’avenir du quartier du lycée, la zone sensible de La Duchère.
La géographie prospective c’est quoi ?
C’est une démarche qui vise à partir de certains éléments du présent à essayer de penser les territoires à venir. Dans le cadre scolaire c’est l’idée d’adapter cette démarche scientifique du CGET. On a d’ailleurs été formé par l’équipe qui a travaillé sur « Territoire 2040 ». Ils nous ont initié à la démarche et on a essayé de la transposer dans la géographie scolaire. C’est une démarche au départ très pluridisciplinaire. Personnellement j’ai travaillé avec un collège de SES dans le cadre de l’accompagnement personnalisé. Tout cela se situe dans le cadre d’un programme soutenu par l’Inspection générale et l’Ifé qui est expérimenté dans 3 académies (Lyon, Lille, Aix Marseille).
La géographie c’est étudier le monde tel qu’il est. A quoi ça sert d’étudier sa ville telle qu’elle sera ?
Ca permet de réaliser un diagnostic territorial actuel et de réfléchir au monde tel qu’il est. Ca oblige à s’approprier le territoire dans lequel on est. C’est ce que j’ai pu voir dans le travail avec les élèves. La plupart de mes élèves traversent La Duchère, le quartier sur lequel ils ont travaillé, qui est une zone sensible. Mais ils n’y résident pas et ne le connaissent pas. Il sont appris à le connaitre.
Les élèves ont appris quoi ?
A établir un diagnostic territorial. Ils l’ont fait en sortant sur le terrain. Ils ont travaillé sur l’espace vécu, fait de la géolocalisation. Ils ont aussi rencontré des acteurs locaux. Par exemple les responsables du grand projet de ville Lyon La Duchère. Ils ont appris d’eux les diagnostics qui ont été faits, les enjeux locaux. Tout cela pour penser l’avenir du territoire. Ils ont aussi échangé avec des habitants. Il y a eu de nombreuses visites avec prises de photos et analyse dans un système d’information géographique.
En faisant cela ils se sont appropriés les notions du programme de seconde sur le développement durable et l’aménagement de la ville. Par exemple la notion de ségrégation socio-spatiale, de l’habitat, de l’importance d’un paysage, la question des mobilités, car le quartier est enclavé vers Lyon. Cela se lit dans le vocabulaire qu’ils emploient dans leurs articles.
Finalement ils ont réussi à définir des objectifs précis ?
Ils sont partis de l’idée qu’un événement important s’est produit à La Duchère en 2040 qui a un grand impact médiatique. Partant de cette idée, ils ont du imaginer l’événement et raconter ce qui avait amené cet événement. Il y a là une part de récit qui est très instructive et concrète.
Ils ont fait émerger des scénarios avec des évolutions souhaitables ou possibles. Ils ont fait apparaitre les menaces, par exemple d’émeutes urbaines et les atouts du territoire. Ou encore ils ont imagine le réaménagement du paysage urbain, trouvé des solutions aux questions d’accès.
Vous avez appris quoi en faisant cela ?
On apprend des élèves par exemple d’élèves qui vivent dan le quartier et qui vivent les transformations. La démarche est tellement intéressante que je l’utilise dans d’autres contextes. Par exemple en ce moment en terminale je demande aux élèves d’imaginer la carte de l’Europe de demain à partir du travail que l’on a fait sur la construction de l’Europe et du diagnostic actuel. Il y a une vraie appropriation par les élèves parce qu’ils sont acteurs dans cette démarche.
Propos recueillis par François Jarraud
Sur la géographie prospective :
On lira avec intérêt les travaux des élèves