Comment mettre en place un projet « génome à l’école » au lycée ? A travers un accompagnement personnalisé, Philippe Sovcik, enseignant de SVT lycée Clos-Maire de Beaune (21) fait travailler ses élèves sur la vigne de Bourgogne. Les lycéens enquêtent plus précisément sur la préservation de vieux clones de pinot noir. De sorties terrains à l’étude génétique, ses élèves utilisent des kits d’extraction, micropipettes, centrifugeuse et thermocycleur au cours de leurs investigations. Comment s’est-il formé ? Quelle approche favorise-t-il pour ses apprenants ? Rencontre avec cet enseignant qui a aussi emmené ses lycéens au concours « Faites de la sciences ».
Quel est ce projet « génome à l’école » mené dans votre lycée ?
Le projet « génome à l’école » que je mène dans mon lycée s’inscrit dans un projet à l’échelle nationale. C’est en répondant à un appel à candidature que le dossier que j’ai monté a été retenu par le comité scientifique de « Sciences à l’école ».
Travaillant à Beaune, j’ai naturellement pensé étudier la vigne. Elle fait partie de l’environnement de mes élèves. Néanmoins dans le projet, il y avait un passage obligatoire et nécessaire par l’étude du peuplier noir. L’équipe de formateurs de génome à l’école a choisi cette essence car elle est présente sur une grande partie du territoire, le génome du peuplier est connu et plusieurs scientifiques de l’INRA étaient prêts à tenter l’aventure à nos côtés.
Vos élèves ont dans un premier temps étudié le peuplier noir. Qu’ont-ils fait concrètement ?
Ils ont commencé par sortir sur le terrain, il a fallu trouver des arbres autres que ceux de culture, présents un peu partout. C’est dans la réserve naturelle de l’Ile du Girard que nous avons découvert et retenu une trentaine de peupliers noirs avec l’aide de son conservateur, M. Frédéric Topin. Les élèves ont échantillonné, étiqueté, réalisé une cartographie très précise des arbres et un relevé GPS pour chacun d’eux. Ceci a permis d’assurer la traçabilité nécessaire dans cette étude : On doit pouvoir retrouver sur le terrain après toutes les manipulations de labo, l’individu qui présente un intérêt génétique particulier, un SNP (single nucleotide polymorphism) par exemple.
Ils ont suivi au labo, l’extraction de l’ADN, l’amplification de plusieurs gènes de la floraison grâce au matériel dont le lycée a été doté : kits d’extraction, micropipettes, centrifugeuse, thermocycleur… Après vérification de leurs résultats par électrophorèse, les amplicons ont été envoyés au génoscope d’Evry afin d’y être séquencés.
Les élèves sont retournés sur le terrain pour suivre la floraison des arbres et déterminer à cette occasion leur sexe. Les variations des périodes de floraison de chaque individu montrent concrètement la diversité intraspécifique mise en évidence par l’étude génétique. Les élèves ont également présenté leur démarche et leurs résultats au concours « Faites de la science ».
Vous avez choisi d’étudier les vignes du domaine Dujac à Morey-Saint-Denis. Pourquoi ce choix ? Quelles sont les hypothèses éprouvées ?
Je souhaitais inscrire cette étude sur la vigne dans une problématique des plus actuelles, la préservation de vieux clones de pinot noir. Ce cépage est à l’origine des vins rouges de Bourgogne et la préservation de ces clones devrait pouvoir permettre de faire face aux changements climatiques à venir. Des associations regroupant les grands domaines de Bourgogne organisent la préservation de pieds de vieille vigne issus de la sélection massale ancestrale. C’est par leur intermédiaire que j’ai pris contact avec Jérémy Seysses. Dans ce domaine aux appellations prestigieuses, leur propriétaire a le souci de préserver ces vieux ceps et leur diversité génétique associée.
Ils nous ont ouvert leurs portes pour faire des prélèvements de feuilles sur une trentaine de pieds de vigne. Nous avons cherché à montrer cette diversité génétique intravariétale en réalisant l’amplification de certaines parties du génome. L’étude n’est pas encore achevée.
Quelle formation avez-vous suivi pour mettre en place ce projet ? En quoi les échanges avec d’autres collègues sont-ils formateurs ?
Ce projet de « science à l’école » prévoit une formation. Elle s’est passée sur deux périodes de trois jours. C’est l’Ecole de l’ADN à Nîmes, partenaire du projet, qui a organisé ces séquences, tant théoriques que pratiques. Pendant le deuxième temps de formation, nous avons également rendu compte des travaux réalisés et des résultats obtenus. Non seulement c’est enrichissant mais c’est également très motivant ! Chacun vient avec son projet et ses spécificités. Cela permet d’échanger sur les pratiques et les solutions pédagogiques et organisationnelles trouvées par chacun. Cela se poursuit sur un forum au quotidien.
Avez-vous des lycéens qui partent ensuite vers des études axées plutôt génétique ? Quels retours avez-vous des élèves après 3 années d’expérience ?
C’est encore un peu tôt pour le dire. Ceux qui ont travaillé sur le peuplier terminent seulement leur licence. Par contre ils ont quasiment tous choisi de poursuivre dans le domaine scientifique ou médical avec une proportion égale de filles et de garçons. Ce qui est certain, c’est qu’ils n’ont pas oublié leur passage par « l’AP génome ». Ils reviennent régulièrement au lycée pour donner de leurs nouvelles ou via les réseaux sociaux.
Des projets pour les prochaines années ?
Mes réflexions m’amènent vers un nouveau projet. La réserve naturelle nationale de la Combe Lavaux-Jean Rolland est à deux pas de mon nouveau lycée, le lycée Stephen Liégeard situé à Brochon. La biodiversité y est remarquable avec notamment une plante endémique, la biscutelle de Dijon. L’approche génétique de cette biodiversité me semble être une base intéressante pour de nouvelles problématiques.
Entretien par Julien Cabioch
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http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2016/08/25082016Article636077065121084429.aspx