C’est une grille de 11 compétences, que le Café pédagogique vous propose de découvrir, qui servira à l’évaluation des enseignants. Liée à la revalorisation qui sera mise en place dans le cadre de l’accord PPCR, la réforme de l’évaluation des enseignants prévoit des rencontres fixes pour chaque enseignant. Surtout elle repose sur une grille de compétences qui prend en compte des pans nouveaux du métier. Une révolution ?
Une nouvelle grille d’évaluation des enseignants
On savait déjà que 4 rendez vous de carrière ponctueraient l’évaluation et l’avancement des enseignants. On savait qu’ils seraient fixés pour le premier au 6ème échelon, puis au 8ème, ensuite pour permettre l’accès à la hors classe lors de la seconde année du 9ème échelon et enfin pour envisager l’accès à la classe exceptionnelle. On savait aussi qu’aux 6ème et 8ème échelon seulement 30% des enseignants avanceraient plus vite. A tous les autres stades l’avancement se fera au même rythme pour tous.
La nouveauté c’est la grille d’ évaluation, que le Café pédagogique s’est procurée. Cette grille est remplie différemment dans le primaire et le secondaire. Au primaire l’inspecteur remplit l’intégralité de la grille. Dans le secondaire elle est remplie par l’IPR et le chef d’établissement. Ils doivent aussi porter une appréciation littérale séparément mais « après échange préalable entre eux ».
La grille d’évaluation repose sur 11 critères qui sont tirés du référentiel métier de 2013. L’inspecteur seul évaluera « la maitrise des savoirs disciplinaires », la capacité à adapter sa communication à son auditoire, la capacité à prendre en compte la diversité, l’évaluation des progrès, et l’engagement dans « une démarche individuelle et collective de développement professionnel ».
L’IEN au primaire ou le chef d’établissement au secondaire évaluera la capacité à coopérer dans une équipe, la contribution à la communauté éducative, la coopération avec les parents.
Enfin les deux ou l’IEN seul dans le premier degré, évalueront le fait d’agir selon des principes éthiques, de favoriser l’apprentissage et la socialisation des élèves, l’accompagnement des élèves dans leur parcours de formation.
Au final l’autorité académique émet un avis pour un avancement accéléré.
Une rupture pour l’Education nationale ?
Sur bien des points cette grille est une rupture. Le savoir disciplinaire ne compte que pour un seul critère. La capacité à faire cours également. La nouvelle grille prend en charge l’action de l’enseignant auprès des parents ou dans l’établissement et expressément la coopération.
Le fait d’évaluer les capacités à « Coopérer au sein d’une équipe », « Contribuer à l’action de la communauté éducative et coopérer avec les partenaires de l’école/l’établissement » et » Coopérer avec les parents d’élèves » renvoie à une conception large du métier. D’autres points renvoient à sa dimension sociale comme « Organiser et assurer un mode de fonctionnement du groupe favorisant l’apprentissage et la socialisation des élèves » ou « Accompagner les élèves dans leur parcours de formation ». Or c’est bien là que siège, au final, la noblesse et la satisfaction du métier. Son utilité.
La procédure est également nouvelle. Le professeur sait à la rentrée s’il est concerné par une évaluation. Il renseigne un document avant celle ci. Il connait la grille. Il a , dans le second degré uniquement, deux entretiens avec l’inspecteur ce qui permet un dialogue plus construit. Il peut bien sur porter ses remarques sur l’évaluation. La transparence semble être le maitre mot de la nouvelle procédure. La coopération, dans le second degré, de l’inspecteur et du chef d’établissement est un autre principe même si l’appréciation littérale est séparée. On ne sait d’ailleurs pas comment les deux rempliront ensemble les points communs de la grille…
Des critères à revoir ?
Pour F Sève, secrétaire général du Sgen Cfdt, qui juge très favorablement la réforme, c’est un problème. « On aurait aimé autre chose qu’une grille, nous a-t-il dit. « Et une évaluation littérale rédigée ensemble par le chef d’établissement et l’inspecteur. Il est important qu’il y ait une double évaluation commune et pas un seul regard. C’est dommage que celui ci reste au primaire ». D’un autre coté, les professeurs du secondaire se sentent mieux quand leurs deux supérieurs hiérarchiques ne s’entendent pas trop…
Mais cette transparence a aussi ses limites. François Portzer, secrétaire général du Snalc, déplore que la grille ne soit pas resserrée sur le coeur de métier. Pour lui, certaines compétences sont « fumeuses ». Et il est vrai que l’on peut mettre beaucoup de choses pour évaluer « S’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel » ou encore « Agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques ».
C’est aussi l’avis de Christian Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa qui trouve que la compétence « Adapter les modalités de sa communication en fonction de son auditoire, en visant sa maîtrise et son développement » fait double emploi avec la compétence 7.
Révolution pour les cadres ?
En principe, les inspecteurs sont dorénavant là pour « accompagner » les enseignants ou les équipes d’enseignants et donc éclaircir ces points. Un document décrit ce qu’est cet accompagnement. On sent que le ministère souhaite transformer les inspecteurs en gentils experts qui viendraient donner un coup de main aux enseignants, à la façon dont agissent les conseillers pédagogiques au primaire. Certains le font. Certains en sont capables. Mais pas tous. C’est à dire que la révolution est aussi pour eux.
« Il faudra que les cadres s’approprient la réforme de l’évaluation », nous a dit C Chevalier. « Aujourd’hui trop d’enseignants ont peur de l’inspection. Demain ils sauront à l’avance quand elle aura lieu et ils pourront s’y préparer et dialoguer avec l’inspecteur ».
Mais comment changer la culture centenaire des cadres ? « On a beaucoup limité les enjeux », explique C Chevalier. D’abord il n’ya plus que 4 rendez vous. Le reste du temps les enseignants avancent à l’ancienneté. Le passage du 6ème échelon au 7ème au choix ne rapportera que 1000 euros au final sur la carrière. Celui du 8ème échelon 2000. On est loin des inégalités de carrière qui existent actuellement quand certains avancent beaucoup plus vite que d’autres ». Des discussions seraient en cours pour encadrer les accès à la hors classe et à la classe exceptionnelle.
« Cet acte politique fort impose un vrai basculement », ajoute-il. Si l’enjeu de la réforme est le passage de l’Education nationale de la culture autoritaire à la gestion humaine et bienveillante, alors ça va être long.
François Jarraud
Les documents de travail du ministère :
La grille d’évaluation des enseignants
Le document à remplir avant inspection