2016 restera comme l’année de toutes les réformes. A quelques mois de la fin du quinquennat, une accélération pousse tous les dispositifs et tous les services pour remplir les promesses. Si la politique ministérielle se détache bien des orientations de l’opposition, il n’en reste pas moins que toutes les promesses ne sont pas tenues et que le bilan a ses zones d’ombre…
10 711 postes
Avec 10 711 postes créés, la rentrée 2016 est bien un cru exceptionnel. Au total, 3911 équivalents temps plein arrivent dans les classes au primaire à cette rentrée alors que la pression démographique est au plus bas. L’essentiel de cette manne va permettre de recréer des postes de remplaçants (1200). Le reste est absorbé surtout par des dispositifs spéciaux (plus de maitres que de classes, décharges de direction, moins de 3 ans…). Au final, les enseignants ne connaitront pas d’allègements substantiels des effectifs classe. Il est vrai que pour ramener ceux ci à la moyenne européenne il faudrait des recrutements beaucoup plus massifs. Est ce possible ?
Dans le second degré 2804 équivalents temps pleins sont créés pour 50 à 70 000 élèves en plus dans les lycées. Au collège la situation démographique est favorable ce qui facilite l’application de la réforme.
La réforme du collège
De nouveaux programmes entrent en application du CP à la 3ème. A l’école élémentaire, ces programmes ont été peu contestés. Les cycles existent de puis des années. Les programmes de 2008 ont été mal vécus et leur remplacement est accueilli positivement. La nouveauté de la rentrée c’est l’introduction d’une langue vivante en CP qui est enseignée par le maître.
C’est au collège que le changement est le plus important. Les enseignants doivent faire face à de nouveaux programmes sur les 4 niveaux. En même temps, ils ont à faire avec une réforme qui bouleverse l’ordre des enseignements, l’évaluation et la façon d’enseigner.
Chaque collège dispose d’une marge d’autonomie correspondant à 20% de sa dotation horaire. Souvent elle sera gérée plus sur des critères administratifs que pédagogiques. Mais elle donne aux directions des moyens d’adapter les enseignements aux besoins. La réforme oblige les enseignants à travailler en interdisciplinarité avec les EPI. Là aussi des interférences administratives ne sont pas exclues… L’accompagnement « personnalisé », mais qui en fait se fait en classe entière, vise à introduire l’aide dans les enseignements. Pour le ministère cette réforme doit permettre « de tenir compte des spécificités de chaque élève ».
Même si un plan de formation massif a accompagné la réforme, il a été d’une qualité inégale et a du faire face à des réactions négatives. On peut penser qu’une large partie des collèges ne va appliquer que formellement la réforme soit par attentisme soit parce qu’une telle réforme nécessite des années d’acculturation…
Les classes spécifiques, qui permettaient aux collèges de maintenir des filières d’excellence ont été secouées par la réforme. Les classes latin grec vont disparaitre et l’enseignement des lettres classiques, quoiqu’en dise la ministre est réduit à portion congrue. L’enseignement de l’allemand survit plus ou moins bien selon les académies.
Toutes les promesses ne sont pas tenues
Si la revalorisation des enseignants est réelle et est un geste attendu des enseignants, sur d’autres points l’argumentaire développé par la ministre le 29 aout peut être pris en défaut.
La politique menée par la rue de Grenelle est bien sociale et cela est en relation avec la priorité au primaire. L’effort est réel et l’exemple des postes dans le 93 est éclairant. Mais les inégalités sont si fortes entre établissements et territoires qu’il peut apparaitre insuffisant. Le turn over systématique qui se maintient en Rep+ ruine les efforts de formation des enseignants. Le nombre d’élèves par classe reste très élevé en Rep+ et peu différent de ce qu’il est dans els établissements on prioritaires. Le taux de contractuels y reste très supérieur.
Le ministère n’a pas su entrainer les enseignants dans la réforme du collège. Et les annonces de l’opposition vont renforcer sinon une opposition majoritaire au moins un large attentisme. Les annonces de moyens supplémentaires dans les collèges restent peu convaincantes en l’absence de chiffres clairs. Si le ministère annonce 4000 créations de postes dans les collèges en deux ans c’est que c’est aussi une façon de ne pas donner de chiffre pour cette rentrée. En fait in ne sait pas ce qu’il en est ce qui laisse la porte ouverte aux affirmations syndicales contradictoires (mais pas plus argumentées).
La multiplication des réformes est particulièrement visible cette année. On change tous les programmes du CP à la 3ème. On multiplie les dispositifs et les plans en accélérant leur diffusion comme si on voulait exorciser 2017. Le résultats c’est le manque de visibilité des points forts et le fait que les dispositifs se combattent pour accéder aux moyens.
Là où la promesse présidentielle, à coup sur, ne sera pas tenue c’est sur le décrochage. François Hollande a promis de réduire de moitié le nombre des 140 000 décrocheurs. Répondant à une question du Café pédagogique la ministre a estimé que l’on atteindrait 110 000 décrocheurs par an. L’effort est réel mais en deçà des attentes.
François Jarraud
Le Guide de la rentrée du Café