« Les collègues ne verront pas le changement ». En présentant la rentrée 2016, Francette Popineau, Régis Metzger et Christian Navarro, les nouveaux co-secrétaires généraux du Snuipp FSU, le premier syndicat des enseignants du primaire, n’ont pas mis l’accent sur les nouveaux programmes ou l’enseignement d’une langue vivante dès le CP. A la veille des présidentielles, ils ont souligné la nécessité de poursuivre les investissements au primaire. Surtout ils ont montré que, malgré les efforts réalisés depuis 2012, rien ne change dans les écoles. Paradoxe.
Un effort important qui ne se lit pas sur le terrain
« Il faut investir dans l’école primaire sur un temps long ». Francette Popineau, secrétaire générale et porte parole du Snuipp, insiste sur les retards non rattrapés de l’école française. « Entre les suppressions qui ont eu lieu sous Sarkozy et la démographie qui augmente, les collègue ne voient pas les postes en plus ».
Certes ce discours est renouvelé par le Snuipp depuis plusieurs années alors que le ministère multiplie les créations de postes: 3071 en 2013, 2432 en 2014, 2511 en 2015 et finalement 3911, un record, en 2016. Pour 2017, le Snuipp revendique même 7000 créations de postes pour le primaire pour atteindre les 20 000 promis par François Hollande.
Or face à cette montée des nouveaux enseignants, la rentrée 2016 aurait du s’annoncer meilleure. Car en 2016, comme en 2017, la pression démographique s’inverse. Il y aura 3000 élèves en moins au primaire à cette rentrée. Une occasion d’utiliser les créations de postes pour alléger les classes.
Mais ce que montre le Snuipp c’est la montée du nombre moyen d’élèves par classe depuis 2012. On est passé de 23.65 élèves en élémentaire en 2012 à 23.67 en 2015. Autrement dit les enseignants n’ont pas ressenti de changement.
Pire encore, le nombre d’élèves a réellement augmenté dans les écoles de l’éducation prioritaire passant de 22.4 à 23. La situation s’est aussi dégradée en maternelle où la moyenne du nombre d’élèves par classe est presque de 27 enfants. Comment nouer des relations confiantes avec eux et avec les parents dans cette situation, demande F Popineau.
A la rentrée 2016, sur les 3911 postes supplémentaires bien peu allègeront ces ratios. D’autres nécessités vont absorber les moyens. D’abord recréer un volant de remplaçants. Cela va consommer 1256 postes.
Ensuite participer aux politiques lancées en 2012 et qui se font concurrence. Les maitres surnuméraires prendront 817 postes et la scolarisation des moins de trois ans 207. 515 postes iront aux Rased et à l’ASH. Le soutien aux directeurs , la formation et d’autres politiques vont ponctionner 607 postes. Résultat : seulement 511 postes allègeront le ration prof / élèves, une goutte d’eau dans l’océan.
Symbole de ces difficultés : 34 départements recrutent maintenant des contractuels au primaire. Une situation nouvelle qui s’est imposée et qui, paradoxalement, contribue au sentiment que rien ne change positivement…
Maintenir l’effort d’investissement
Résultat aussi, la taille des classes en France dépasse largement la moyenne de l’OCDE. Le Snuipp s’appuie sur les études de l’OCDE et même sur celle de France Stratégie , un service du Premier ministre, pour justifier ses demandes.
La taille moyenne des classes en France est au dessus de la moyenne de l’OCDE et nettement supérieure à celle des pays européens. L’Allemagne, la Finlande, l’Espagne ont moins d’élèves par classe que nous par exemple. L’écart le plus fort est dans le rapport enseignant / élèves . On compte un enseignant pour 19 élèves en France contre un pour 13 en Finlande, un pour 15 en Allemagne, un pour 12 en Italie.
« L’effort budgétaire pour le primaire est incontournable », estime F Popineau. « C’est une question de choix. Il faut investir durablement ». Or elle s’inquiète de l’alternance politique. « Ce qui nous inquiète c’est le souvenir des années Sarkozy », explique-t-elle. « Les discours passéistes sur l’école reviennent. On craint que les discussions sur l’école n’aillent pas dans le sens souhaité de l’investissement par l’OCDE mais tournent autour des blouses grises ».
Quels nouveaux programmes ?
Mais la rentrée ce sont aussi les nouveaux programmes de l’école élémentaire, la mise en place de l’enseignement d’une langue vivante en CP et un nouveau cycle à cheval sur école et collège. « Seulement 7 départements ont formé aux nouveaux programmes » , dénonce F Popineau. « La formation ne suit pas l’évolution de l’école ». Les conseils école collège n’ont pas les moyens de fonctionner souligne le Snuipp qui demande justement que les temps des APC soit donné aux équipes enseignantes. Les nouveaux programmes sont mis en place « sans aide et sans formation et avec la peur que dans deux ans on en ait d’autres ». Le syndicat souligne aussi que toutes les classes n’auront pas de nouveaux manuels scolaires.
L’urgence de la formation
La formation initiale est jugée « médiocre et inégale » par F Popineau. Le Snuipp demande une formation de deux ans après la licence, alliant théorie et pratique. Quant à la formation continue c’est « une urgence absolue » pour le syndicat. Là aussi, la remise sur pied de la formation des enseignants effectuée à grands renforts de moyens sous le quinquennat est jugée insatisfaisante.
Rythmes : Un dossier qui n’est pas clos
La réforme des rythmes n’obtient pas non plus de satisfecit. Même si le Snuipp se déclare hostile au retour à la semaine de 4 jours, il juge que cette réforme « imposée sans consultation des enseignants ne va pas dans le bon sens… Les collègues parlent de fatigue et de désorganisation », explique F Popineau. « Qu’on nous prouve que ça va mieux. Ce n’est pas ce que dit le rapport de l’Inspection générale ». La réforme « n’est pas derrière nous ». S’il demande de la continuité dans les investissements de l’Etat après 2017, le Snuipp n’écarte pas le changement sur ce point.
François Jarraud