Nous souhaitons avec cet article sortir des discours officiels concernant les Enseignements de Pratiques Interdisciplinaires (EPI) et l’Accompagnement Personnalisé (AP). Ainsi, il ne s’agit pas ici de proposer un énième article interpellant les difficultés de mise en œuvre des EPI et de l’AP, ou bien d’en faire les louanges. Le fait est que nous sommes rentrés dans la réforme du collège et qu’il convient de l’opérationnaliser au mieux. Nous avons ainsi voulu prendre l’exemple de l’EPI « corps santé bien-être et sécurité » pour discuter.
L’EPI : « Corps santé bien-être et sécurité », oui mais…
L’EPS peut-elle passer à côté de l’EPI « corps, santé, bien-être » ? Evidemment, non, mais pour autant peut-elle s’y résumer ? Sommes-nous des professeurs d’ « activité physique », de « bouger » ou bien d’éducation physique et sportive ? Cependant, l’EPS semble contribuer à la santé quoi qu’elle propose et par conséquent l’enseigne-t-elle ? La santé semble partout et donc peut être nulle part. L’enjeu semble bien de sortir d’une vision purement énergétique de la santé, (telle qu’on peut, par exemple, la retrouver au sein des propositions d’EPI sur EduSCOL) et de rendre opérationnelles ses relations avec le bien-être.
Opérationnaliser le bien-être : Comment faire ?
Nous nous sommes arrêtés sur l’étude de la Direction de l’Evaluation, de la Prospective et de la Performance (DEPP), du défenseur des droits et du Commissariat Général de l’Egalité des Territoires (CGET) qui vise à valider un outil d’évaluation du bien-être chez les élèves à travers un questionnaire comportant six dimensions. On y retrouve le sentiment de sécurité dans l’établissement, les relations paritaires, les relations avec les enseignants, la satisfaction à l’égard de la classe, les activités scolaires et le rapport aux évaluations. Naturellement, on peut reprendre ce questionnaire ou le discuter mais il constitue une base de travail intéressante pour cibler les besoins ou les attentes des élèves et pour dégager ensuite certaines priorités.
Dépasser le cadre l’E.P.I.
Proposer un EPI autour du « Corps, santé bien-être et sécurité » est évidemment un pas en avant non négligeable concernant la place du corps et du bien-être à l’école. Cependant, l’atteinte de cet objectif peut-il se limiter à cet EPI et devenir un saupoudrage parmi tant d’autres ? La « réalisation concrète » marquerait ainsi l’atteinte de ce dernier… et donc la fin de son enseignement…
Ne faut-il pas véritablement penser à cette question tout au long de la scolarité de l’élève ? Pour Georges Canguilhem (1966), la santé viendrait de la capacité de l’individu à réguler son contexte. Quand pour d’autres auteurs, ils évoquent une santé plus sociale se rapprochant du terme de citoyenneté et donc du bien être au sein de la « cité » (Didier Delignières, 2001). Plusieurs pistes sont possibles et les équipes connaissent parfaitement leur contexte d’intervention. Il en ressort qu’il faut penser les résonances de l’EPI au sein de l’établissement, au sein des enseignements et notamment à travers un parcours santé opérationnalisé, par exemple, autour d’une santé sociale comprise à travers les relations paritaires.
L’accompagnement personnalisé au service d’une cohérence des démarches et d’une didactique des enjeux éducatifs
Il est frappant d’observer la grande sensibilité et la grande volonté de l’ensemble des enseignants et des acteurs du système éducatif concernant les grands enjeux éducatifs tels que l’autonomie, la citoyenneté ou le bien-être des élèves. Paradoxalement, les résultats de l’Ecole laissent apparaître un accroissement des inégalités scolaires (Enquête PISA) et un effondrement du bien-être des élèves (enquête Innocenti de l’Unicef). Dès lors, cette situation impose de questionner nos pratiques ou, en tout cas, de les mettre en cohérence de façon collective. L’accompagnement personnalisé peut par exemple être didactisé de façon à instituer le tutorat au sein de l’établissement dans une démarche de santé sociale. Là encore, comme le démontre Lucie Lafont et Pierre Ensergueix, suffit-il de mettre un élève tuteur avec un autre pour que s’instaure un véritable tutorat ? Des fiches de dialogue peuvent être construites, ou encore une formation peut être dispensée aux élèves sur « Comment aider un camarade ».
L’EPS et l’AS dans cette histoire
Sur le terrain les équipes sont actuellement en train de remettre en forme les projets pédagogiques à travers notamment la répartition des compétences travaillées au sein du parcours de formation de l’élève. Si nous regrettons l’acception des programmes comprenant la santé uniquement par l’activité physique régulière, l’écueil serait de s’y cantonner. Si les programmes et les formations multiplient les discours pour ne pas rentrer par les APSA, il semble dommage de ne pas laisser une part non négligeable à la culture physique et artistique. A l’instar de Maxime Travert nous voyons une augmentation des pratiques physiques non institutionnalisées et des pratiques de plus en plus sédentaires, notamment chez le public féminin. Dès lors, penser l’équilibre de l’offre de formation à travers une culture sportive mais également une culture physique et artistique n’est-il pas un enjeu dans la réécriture des projets pédagogiques EPS ? D’ailleurs, l’Association Sportive peut en être l’écho tel que nous l’avions souligné lors de la rencontre avec Claire Botella qui souhaitait sortir de la compétition majoritaire au sein de l’UNSS pour proposer plus d’altruisme au sein de l’Association Sportive. D’ailleurs elle y associe les parents d’élèves, preuve qu’un parcours santé ou que le bien-être à l’école ne s’arrête pas aux portes du collège.
Des indicateurs informatifs, formatifs et transformatifs
Nous sommes bien conscients que l’action d’éducation est un processus complexe et long. Cependant, même si l’implication de l’ensemble des acteurs et la cohérence de leur démarche sont des éléments déterminants de la réussite de l’action, il semble important de questionner les mises en œuvre à travers différents indicateurs. L’enquête concernant le bien-être des élèves peut ainsi être utilisée comme fil conducteur pour percevoir l’évolution de ce domaine au fil des années et constituer ainsi des repères pour le pilotage des EPI, de l’AP et du projet pédagogique EPS et de l’AS.
Antoine Maurice et Benoît Montégut
EPI sur Eduscol : Rencontre sportive et scientifique
Le bien être des élèves à l’école et au collège
La question de la formation d’élèves tuteurs
Cultures sportives, pratiques sportives, conférence Maxime Travert