Il n’est un secret pour personne que les enseignants Français ont l’impression, pas infondée, que la masse de travail qui leur est demandée suit, année après année, une progression proportionnellement inverse à celle de leur pouvoir d’achat. La tentation est alors grande de tenter d’alléger cette masse de travail en s’abstenant de participer à certaines activités considérées comme « non statutaires ».
Mais, ceci n’est pas sans risque surtout lorsque les activités se déroulent sur le temps de travail supplémentaire de 7 heures (normales et non de cours) instauré par la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées qui dispose :
Article 2 Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le chapitre II du titre Ier du livre II est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6 « Journée de solidarité
« Art. L. 212-16. – Une journée de solidarité est instituée en vue d’assurer le financement des actions en faveur de l’autonomie des personnes âgées ou handicapées. Elle prend la forme d’une journée supplémentaire de travail non rémunéré pour les salariés et de la contribution prévue au 1° de l’article 11 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées pour les employeurs.
(…) » » »
Article 6 Pour les fonctionnaires et agents non titulaires relevant de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ainsi que pour les praticiens mentionnés à l’article L. 6152-1 du code de la santé publique, la journée de solidarité mentionnée à l’article L. 3133-7 du code du travail est fixée dans les conditions suivantes :
– dans la fonction publique territoriale, par une délibération de l’organe exécutif de l’assemblée territoriale compétente, après avis du comité technique concerné ;
– dans la fonction publique hospitalière ainsi que pour les praticiens mentionnés à l’article L. 6152-1 du code de la santé publique, par une décision des directeurs des établissements, après avis des instances concernées ;
– dans la fonction publique de l’Etat, par un arrêté du ministre compétent pris après avis du comité technique ministériel concerné.
Dans le respect des procédures énoncées aux alinéas précédents, la journée de solidarité peut être accomplie selon les modalités suivantes :
1° Le travail d’un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai ;
2° Le travail d’un jour de réduction du temps de travail tel que prévu par les règles en vigueur
3° Toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment non travaillées, à l’exclusion des jours de congé annuel.
L’arrêté dont il est question dans cet article 6 est, pour les agents publics du ministère de l’Education nationale, celui du 4 novembre 2005 fixant la journée de solidarité pour les personnels relevant du ministre de l’éducation nationale :
Article 1 Pour les fonctionnaires et agents non titulaires relevant de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 placés sous l’autorité du ministre chargé de l’éducation nationale, la journée de solidarité prévue à l’article L. 212-16 du code du travail est fixée ainsi qu’il suit :
1° Pour les personnels enseignants des premier et second degrés et les personnels d’éducation :
Une journée, le cas échéant fractionnée en deux demi-journées, est consacrée hors temps scolaire à la concertation sur le projet d’école ou d’établissement mentionné à l’article L. 401-1 du code de l’éducation et, dans les établissements publics locaux d’enseignement, à la concertation sur le projet de contrat d’objectif prévu par l’article L. 421-4 du code de l’éducation ainsi qu’à la définition d’un programme d’action en faveur de l’orientation et de l’insertion professionnelle des jeunes.
Sa date est déterminée dans le premier degré par l’inspecteur de l’éducation nationale après consultation du conseil des maîtres et dans le second degré par le chef d’établissement après consultation des équipes pédagogiques.
2° Pour les autres personnels, la journée de solidarité prend la forme d’une journée ou d’une durée de travail de sept heures, continue ou fractionnée, effectuée aux dates déterminées par l’autorité responsable de l’organisation du service après consultation des personnels concernés.
La loi prévoyant un temps de travail annuel supplémentaire non rémunéré de 7 heures au titre de cette journée de solidarité, il vous incombe de remplir les obligations de service afférentes.
En cas d’absence injustifiée lors de cette journée de solidarité, vous pourrez faire l’objet d’une retenue sur traitement d’un trentième.
Et, si cette journée de solidarité a été organisée sur deux demi-journées, l’absence à une ou deux de ces demi-journées entrainera une retenue d’autant de trentième(s) de traitement.
Par ailleurs, en cas de refus manifeste de participer à ce temps de solidarité, je vous rappelle que vous vous exposerez à de possibles sanctions disciplinaires.
Les enseignants contractuels embauchés en cours d’année sont, également, astreints à la journée de solidarité sans proratisation d’aucune sorte. Toutefois, si la journée de solidarité a été effectuée avant leur arrivée dans l’établissement, ils en sont, en principe, dispensés.
Il en est, bien évidemment, de même si le contractuel a déjà exécuté cette journée de solidarité dans un autre établissement scolaire au titre de l’année en cours.
Ceci pouvant néanmoins parfois poser problème, le professeur contractuel pourra choisir de travailler durant cette journée ou ces deux demi-journées (avec autorisation préalable de son chef d’établissement) et sera rémunéré en heures supplémentaires normales effectives.
Les professeurs dont le temps de service est réparti entre plusieurs établissements, effectueront le temps de travail afférent à la journée de solidarité dans chaque établissement, au prorata de leur durée d’affectation dans chaque établissement ou, à défaut, dans l’établissement dans lequel l’intérêt du service, et le bon sens, l’exige.
Ces enseignants prendront néanmoins la précaution de « se couvrir » en sollicitant, au préalable, auprès du chef d’établissement de leur établissement de rattachement administratif, l’autorisation d’effectuer cette journée de solidarité dans l’établissement qu’ils auront choisi.
Vous noterez enfin que certains tribunaux administratifs ont refusé d’annuler des décisions de retenue d’un trentième de traitement en raison d’absences à des opérations « portes ouvertes » de lycées organisées sur le temps de travail supplémentaire prévu par la journée de solidarité.
On peut s’en étonner.
Non pas parce que les professeurs qui demandaient ces annulations de traitement avaient raison de se dispenser d’exécuter le temps de travail supplémentaire non rémunéré relatif à la journée de solidarité, mais bien parce que le temps de travail qu’il leur était demandé d’exécuter ne correspondait pas aux dispositions de l’article premier de l’arrêté du 4 novembre 2005…
Laurent Piau, juriste, est l’auteur de l’ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF
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