Tous collègues Certes. Mais pas pour la feuille de paie. La publication du Bilan social de l’Education nationale jette un coup de projecteur sur les rémunérations réelles des enseignants et une vague lueur sur celle des non-enseignants. La surprise c’est que tout le monde n’est pas mal payée dans ce ministère…
On le sait : les enseignants français sont mal payés par rapport à leurs homologues des autres pays développés. Eurostat et l’OCDE ont publié des données éclairantes à ce sujet. Si l’on s’en tient à l’Europe, exprimé en euros, 14 pays européens versent un salaire de débutant supérieur au salaire français. Alors que le salaire moyen annuel du professeur des écoles est de 24 724 € en France (2014), on, est à 42 891 en Allemagne, 25123 en Angleterre; 27 754 en Espagne, 30 335 en Belgique, 32 225 aux Pays Bas, 48 360 en Norvège, 31 699 en Finlande, selon Eurostat. Il atteint même 70 450 € au Luxembourg. Exprimé par rapport au PIB national ce n’est pas mieux. Le salaire du professeur des écoles français débutant représente 79% du PIB national. Or chez la plupart de nos voisins, il est supérieur au PIB. C’est le cas en Allemagne (126%), en Angleterre (100%), en Espagne (124%) ou au Portugal (138%).
Mais qu’en est-il des différences entre les corps ? Comment s’expliquent-elles ? Le Bilan social publie des chiffres détaillés pour 2013.
Le primaire en bas de la pyramide salariale
Premier constat : l’écart entre le primaire et le secondaire. Le salaire moyen net d’un professeur des écoles est de 2 197 € par mois quand la moyenne des enseignants du second degré est de 2 669. L’écart est donc de près de 500 euros chaque mois.
A cela plusieurs raisons que détaille le Bilan social. La première c’est les primes : elles représentent 5% du salaire brut des professeurs des écoles contre 15% pour les enseignants du secondaire. L’exemple le plus célèbre est la différence entre l’ISAE du primaire (400€ par an) et l’ISOE du secondaire (1200€). En moyenne un professeur des écoles touche 40 euros de prime par mois.
La seconde raison de cet écart c’est la carrière. » 3,7 % des professeurs des écoles atteignent la hors classe contre 19,9 % des certifiés et professeurs d’EPS (PEPS) et 22,9 % des PLP. De plus, contrairement aux professeurs des écoles, les certifiés et PEPS ainsi que les PLP peuvent avoir accès au grade de « bi-admissible » (aux rémunérations plus avantageuses qu’en classe normale) qui leur est accordé lorsqu’ils ont été admissibles à deux sessions du concours d’agrégation. Les professeurs des écoles ont donc en moyenne, tous grades confondus, un traitement indiciaire brut plus faible que les autres. De plus, pouvant partir à la retraite cinq ans avant leurs collègues du second degré, les anciens instituteurs devenus professeurs des écoles atteignent, en fin de carrière, des échelons moins élevés.
En février 2013, Bruno Suchaut avait pu calculer que le changement de corps , d’instituteur à professeur des écoles, ne s’était pas accompagné d’une revalorisation réelle de carrière compte tenu de l’allongement des études et des frais de logement.
Pour autant il y a des écarts à l’intérieur des professeurs des écoles. L’écart varie de 1806€ à 2629 € nets. Un PE de plus de 50 ans gagne en moyenne un peu plus de 2500 euros , ce qui est 500 € de plus qu’un trentenaire.
De forts écarts au secondaire
Mais les écarts sont bien plus importants dans l’enseignement secondaire. » Les quelque 2 000 professeurs de chaire supérieure sont les enseignants les mieux rémunérés : leur salaire brut mensuel est de 6 620 euros, dont un tiers de primes, constituées majoritairement d’heures supplémentaires. Les 46 900 professeurs agrégés ont les rémunérations les plus élevées après les professeurs de chaire supérieure (4 150 euros bruts en moyenne mensuelle). Le salaire brut mensuel des professeurs certifiés et d’EPS est inférieur de 1 000 euros en moyenne à celui des agrégés dont la part des primes est de 16,3 %, soit 3,6 points de plus que celle des professeurs certifiés et d’EPS. Les professeurs agrégés (et a fortiori de chaire supérieure), du fait de leur affectation dans le second cycle et de leur obligation réglementaire de service, ont davantage d’opportunités de compléter leur service par des heures supplémentaires », écrit le Bilan social. Quant aux PLP ils gagnent en moyenne 140 euros par mois de plus que les certifiés.
Ainsi les professeurs de chaire supérieure gagnent chaque mois en moyenne 2268 € en primes et heures supplémentaires, les agrégés 676 €, les certifiés 392 €, les PLP 454 e. Le salaire net moyen d’un professeur de chaire supérieure est de 5620 €, contre 3460 pour un agrégé, 2561 pour un certifié.
Tout en bas de la pyramide on trouve les PEGC et les non titulaires. » Les enseignants non titulaires du second degré, essentiellement des contractuels, perçoivent des salaires nettement plus faibles que leurs collègues titulaires, par exemple 25 % de moins que les professeurs certifiés. L’écart, limité à 10 % parmi les enseignants de moins de 30 ans s’accentue avec l’âge. Les contractuels ont en effet peu ou pas de reconnaissance salariale de leur ancienneté. »
Mais on notera aussi les écarts à l’intérieur des corps. On va du simple au double pour les agrégs et l’écart dépasse 1000 euros par mois chez les certifiés.
Les femmes moins bien payées
» Quels que soient le corps et le secteur, les hommes, sont plus avancés dans leur carrière que ces dernières (traitement indiciaire brut (TIB) plus élevé de 1 % à 6 % selon les corps). Le salaire net moyen des hommes est 10 % plus élevé que celui des femmes dans le premier degré public, 9 % plus élevé dans le second degré public. Dans le privé, les écarts s’accroissent également. De plus, le niveau et la part des primes sont également plus élevés pour les hommes. Parmi les professeurs des écoles du public, l’écart de primes est de 59 % entre hommes et femmes, en lien avec une relative surreprésentation des hommes dans les directions des écoles. Il en est de même, dans une moindre mesure, dans le secteur privé. En moyenne, ils perçoivent 29 % de primes de plus que les femmes dans le second degré public (23 % dans le second degré privé). Cet écart est encore plus marqué dans les corps d’agrégés et de chaire supérieure » Car « dans tous les cas, quel que soit le secteur, les écarts de rémunération en défaveur des femmes sont plus importants parmi les hauts salaires que parmi les bas salaires », note le Bilan social.
Le privé aussi
Les enseignants du privé gagnent en moyenne 13% de moins que ceux du public. Il y a à cela plusieurs raisons. D4abord leur carrière est moins bonne. » Les enseignants du public sont plus en avance dans leur carrière que ceux du privé : les lauréats aux concours du privé sont en moyenne plus âgés que ceux du public. La création plus récente des concours du Capes et CAPLP pour le secteur privé (1995) induit également une ancienneté de carrière plus faible des enseignants du privé ». D’autre part, » les cotisations pour la retraite peuvent aussi expliquer l’écart salarial net : les maîtres de l’enseignement privé relèvent, pour l’assurance vieillesse, du régime général de la sécurité sociale et de régimes additionnels et complémentaires, différents de ceux auxquels sont assujettis les fonctionnaires ». A noter que les agrégés du privé gagnent plus que ceux du public car ils cumulent davantage d’heure supplémentaires.
Et les cadres ?
Le Bilan social s’étend nettement moins sur les salaires des cadres de l’Education nationale. Ce qu’on sait c’est que les écarts salariaux y sont nettement plus forts qu’entre enseignants.
» Les personnels de direction et d’inspection, tous âgés de plus de 30 ans, touchent en moyenne 1 700 euros de plus sur leur salaire net que les personnels d’éducation et d’orientation », écrit le Bilan social. « Ces écarts sont liés à la fois à des grilles indiciaires plus rémunératrices et à des primes plus élevées pour les personnels de direction et d’inspection. Les primes constituent respectivement 17,3 % et 18,5 % des salaires bruts des personnels de direction et d’inspection contre 8,8 % pour les personnels d’éducation et 4,3 % pour les personnels d’orientation ».
Selon le Bilan social, le salaire net moyen d’un personnel de direction masculin s’établit à 4119 €, celui d’un inspecteur à 4208.
François Jarraud