Encore un film sur l’école ? Après « Etre et avoir », encore un regard ému sur les petites têtes blondes ? « C’est d’apprendre qui est sacré », un film réalisé par une professeure des écoles, se défend d’offrir juste des belles images. C’est la pédagogie Freinet qui explose à l’écran dans la classe d’un militant Icem chevronné, Michel Duckit.
Ce n’est pas Etre et avoir
« Ce film constitue une très belle base pour créer des échanges entre les intéressés par les problèmes éducatifs », écrit Sylvain Connac dans un document sur le film. « C’est d’apprendre qui est sacré » est une vitrine pour l’école coopérative. C’est aussi le fruit d’une rencontre, celle d’une jeune instit, Delphine Pinson, avec une militant Freinet convaincu exerçant dans une école de village, Michel Duckit.
Bien sur on trouvera dans ce film, les images d’enfants craquants, découvrant avec nous les lois de la grammaire ou du calcul, ou encore en vadrouille dans la campagne, jouant avec les lapins de l’école.
Mais Delphine Pinson est allée plus loin. « Je ne voulais pas faire « Etre et avoir », nous a t-elle dit. Au bout de quelques années de métier, D Pinson a voulu rencontrer quelqu’un qui puisse l »aider à aller plus loin que son mémoire d’IUFM sur la différenciation.
Au top de la différenciation
« Ici on est au top de la différenciation », nous a-t-elle dit. Et tout le projet du film c’est d’essayer de le montrer en filmant les élèves ou en interrogeant d’autres enseignants. Le film montre une journée de classe ordinaire, démarrant par un « Quoi de neuf » qui roule tout seul. Inutile de siffler la fin d e la récréation ce sont les deux président(e)s de semaine qui s’en chargent.
» Le Quoi de Neuf est un moment important. Au-delà du souci d’une mise en route calme, il permet aux enfants de s’exprimer, de faire une transition entre la maison et l’école mais surtout il apporte une somme de connaissances énorme. Des enfants présentent leurs performances sportives, leurs sorties familiales, un livre qu’ils ont aimé, des dessins qu’ils ont faits ; ils lisent des articles d’actualités ou documentaires sur des revues et magazines qu’ils ont trouvé dans la classe ou qu’ils apportent de chez eux (la classe est elle-même abonnée à BTJ et au Journal des Enfants) ; ils lisent un texte libre qu’il ont écrit. C’est l’occasion de travailler la lecture oralisée », explique M Duckit. Il a eu la bonne idée de greffer des leçons directement sur ce temps de démarrage.
Autre institution de la classe, le Qui – Quoi, un espace vidéo projeté où les enfants reviennent sur ce qu’ils ont à faire dans la journée. Ces 10 minutes d’organisation de la journée sont suivies d’une heure de « plan de travail » où chacun fait son travail. Là aussi ce sont les élèves qui y veillent et qui édictent le « code du son » autorisé.
Les classeurs de Michel
On arrive à l’autre invention de Michel Duckit : ses classeurs de maths et français. Mis entre les mains des enfants qui les utilisent en autonomie, associés à des ceintures empruntées à la pédagogie institutionnelle, les classeurs permettent aux enfants d’apprendre à leur rythme et de controler leur progression en dehors de tout esprit de compétition. « Les enfants travaillent pour eux , pas pour la note » aime à souligner D. Pinson.
« C’est d’apprendre qui est sacré », dit M Duckit dans le film. D Pinson semble moins convaincue. Pour elle c’est l’épanouissement de l’enfant qui semble sacré et une pédagogie qui « donne sa place à chaque enfant ».
Mine de rien on touche là à une limite de l’expérience. La belle petite usine à fabriquer des êtres humains que M Duckit a créé dans sa classe unique d’un village de montagne est-elle transposable dans une banlieue urbaine et populaire ? Jusqu’à quel point le classeur de M Duckit peut-il répondre aux inégalités scolaires et sociales ?
Voilà des questions qui vont accompagner ce beau film , diffusé par un circuit militant. Vous pouvez acheter en ligne le DVD. Vous pouvez aussi le voir à l’occasion de débats rencontres organisés par l’Icem Freinet ou d’autres organisations. La prochaine réunion avec M Dukit et D Pinson aura lieu le 23 mars à 18 heures à l’Espe de Grenoble (30 avenue M Berthelot). Entrée gratuite.
François Jarraud