« Quand ils comprennent l’intention portée par la musique, leur regard s’allume ». Professeur à l’école maternelle A Camus de Talence (33) et maitre formateur en éducation musicale, Philippe Guillem met la recherche musicale au service des fondamentaux de l’apprentissage scolaire. Une démarche originale où le maitre se fait plaisir mais sans jamais cesser de privilégier les compétences de base du métier d’élève que l’école maternelle doit faire découvrir. La démarche , présentée au 8ème Forum des enseignants innovants, est originale. Elle révèle un grand pédagogue.
Philippe Guillem a de la chance. Il enseigne à Talence tout près de l’université où il se ressource en participant aux travaux du Scrime, un laboratoire de recherche musicale. Maitre formateur, il fait le pont entre la recherche, la formation des adultes (un jour par semaine) et ses pratiques de classe (4 jours par semaine). P Guillem avait présenté un projet twitter en maternelle au forum des enseignants innovants de 2014. En 2015 il présente plusieurs projets où l’éducation musicale tient une grande place. Ils utilisent le métapiano.
Cet instrument, le métapiano, vient d’où ?
C’est une invention de Jean Haury. Il travaille sur l’idée de libérer l’interprétation de sa gestion technique. La machine intègre la partition musicale à charge pour l’interprète de jouer de l’intensité. C’est un instrument assez confidentiel. Un autre de ses instruments est plus connu : le bao bao qui est utilisé en collège. Le métapiano comme le bao bao sont encore en développement et demandent un peu de souplesse aux enseignants.
Une des premières situations avec les élèves c’est « interpréter pour explorer la musique ». De quoi s’agit-il ?
C’est une idée basée sur les travaux de François Delalande. Il a travaillé sur la pédagogie d ela musique chez les jeunes enfants. Il estime qu’on peut avoir une capacité d’analyse musicale avant d’acquérir une technique instrumentale. C’est une idée sur laquelle je travaille depuis les années 1990. La démarche n’est d’ailleurs pas réservée à la musique. Dans le projet Twitter les élèves pensent l’écrit, passent de l’oral à l’écrit avant de savoir écrire. Dans le cas det atelier musical, le métapiano intègre une partition ce qui libère l’enfant des contraintes instrumentales pour s’intéresser à l’interprétation par exemple dans le tempo. Les enfants peuvent donner une intention à leur jeu et la faire deviner aux autres enfants pour la partager. Par exemple mettre un temps fort ou jouer de plus en plus vite.
Cette année on travaille avec des chercheurs sur la musique et les émotions. On a une liste de morceaux à écouter et les enfants notent les émotions qu’ils ressentent, par exemple si le morceau les calme ou pas.
Un autre projet c’est « un orchestre pour danser ». De quoi s’agit-il ?
On met les enfants en situation de produire de la musique pour de vrai. Ils donnent le son lors de la fête des écoles où ils prennent tout en charge. J’ai donc travaillé avec eux ce que ça veut dire d’être sur scène, de jouer de la musique. Ils sont donc dans la partage avec leurs camarades et les parents.
La musique est assez souvent utilisée en maternelle. En quoi est-elle intéressante ?
Elle met en oeuvre la motivation des enfants. Ils sont toujours prets à écouter les sons qu’ils produisent, à en créer, à les modifier. On peut enrichir ces situations pour que les enfants entretiennent cet intérêt et aillent vers l’intention et la production.
Un autre point important c’est que la musique demande de la concentration. Et ça c’ets très intéressant pour l’école. Ainsi on travaille beaucoup la capacité d’écoute. Par exemple reconnaitre des animaux dans un morceau de clarinette. On leur demande d’attraper tel animal avec la main. Il faut voir tous ces petits qui se concentrent personnellement mais aussi en groupe. Car ça fabrique aussi du groupe. Dans le premier exercice évoqué quand ils comprennent l’intention donnée à la partition leur regard s’allume.
Il y aussi le partage par exemple lors d’un spectacle comme dans le second exercice. Ils font l’expérience de la responsabilité. Et ça aussi c’est important pour l’école.
Propos recueillis par François Jarraud