Récompensée par le Grand Prix du Forum des Enseignants innovants 2015, professeure de français au collège Daniel Argote à Orthez, Marie Soulié est une exploratrice. Elle invente sans cesse des usages variés et créatifs des tablettes numériques, imagine des dispositifs de classe inversée particulièrement dynamiques, va jusqu’à faire parler les murs de sa classe … Une « merveilleuse aventure », celle de l’écriture » est d’ailleurs le thème d’un livre numérique, multimédia et interactif, qu’elle a réalisé dans le cadre d’une résidence à la Bibliothèque nationale de France. Tous les élèves pourront à bon escient le parcourir pour travailler le programme de français et d’histoire en réalisant un voyage dans le temps, depuis les écritures originelles jusqu’aux supports modernes. De manière générale, tous les élèves de Marie Soulié recevront sans doute de leur enseignante une vertu désormais cardinale : la passion de créer, d’avancer, de progresser.
Vous avez présenté au Forum des Enseignants Innovants 2015 un projet intitulé « Les murs de ma classe me parlent » : de quoi s’agit-il ?
Le dispositif correspond à une démarche de classe inversée. Durant la séance en classe, les élèves sont mis en activité pour réaliser des productions autour du thème abordé : ils sont amenés à créer des « chefs- d’œuvre ». Ces productions peuvent prendre la forme de posters qui seront affichés sur les murs de la classe. L’affichage se fait systématiquement après la leçon. En effet, mes élèves sont en attente, ils imaginent le poster, puis le jour de l’affichage, ils sont invités à m’expliquer la démarche choisie (couleurs, mise en espace, liens…) L’affichage permet donc un retour sur la leçon. L’emplacement dans la salle (j’ai la chance d’avoir « ma » salle) est également choisi par la classe. Le visuel choisi est toujours en rapport avec la construction de la tâche complexe précédemment réalisée afin de faciliter la mémorisation. Le poster est ensuite enrichi numériquement par moi.
Techniquement, comment les posters sont-ils enrichis ?
Une première possibilité est l’enrichissement par Qr Codes Le Qr Code renvoie à des exercices d’application que j’ai conçus ou que j’ai trouvés sur internet. Ces exercices sont des prolongements de la leçon. Ils ne sont pas réalisés tout de suite afin, là encore, de revenir plus tard sur la notion.
Une deuxième solution est l’’enrichissement par réalité augmentée. L’application que j’utilise est Aurasma. J’associe au poster la capsule en lien avec la notion. Ainsi, lorsqu’un élève est un peu perdu, il peut raviver sa mémoire en revisionnant la vidéo.
Quels vous semblent les intérêts d’un tel dispositif ?
Par l’affichage, il s’agit d’aider les élèves dans leur mémorisation, de créer un visuel qui sera un indice récupérateur de la leçon, de favoriser aussi une ludification du parcours.
En lisant l’apport des travaux des neurosciences sur l’éducation, j’ai perçu combien le visuel pouvait impacter la mémoire d’un élève. Le poster réactive le souvenir de la leçon et aide à la reconstruire. Un rituel s’est d’ailleurs instauré dans la classe, les élèves s’approprient avec joie leur espace classe, vont chercher l’information ou la réactiver quand ils le souhaitent. Ils peuvent utiliser leur téléphone portable ou les tablettes de la classe pour interagir avec le poster.
Ces posters vous semblent-ils aisément transférables ?
Les posters pédagogiques et leur enrichissement sont transposables dans toutes les disciplines. Par exemple, au CDI, nous sommes en train de créer un poster avec des premières de couverture en réalité augmentée qui vont renvoyer à des bandes annonces créées par des élèves.
Vous venez parallèlement de réaliser un livre numérique : dans quel cadre cet ouvrage a-t-il été conçu ? Comment techniquement l’avez-vous réalisé ?
Ce livre a été écrit dans le cadre d’une résidence à la Bibliothèque Nationale de France à Paris. J’ai participé à un programme international mis en place par Apple et le service des éditions numériques de la BnF. Ma mission était d’écrire un livre pédagogique à destination d’élèves de sixième sur le thème des écritures en prenant appui sur l’exposition virtuelle « la merveilleuse histoire des écritures ».
J’ai donc pendant une semaine travaillé sous la direction de Françoise Juhel, la responsable du service des éditions numériques, et j’ai pu bénéficier de toutes les ressources et compétences de la BnF. J’ai ensuite poursuivi mon travail à distance. Le livre a été entièrement rédigé sur l’application iBooks Author et s’accompagne d’un cahier pédagogique sur la plateforme de cours d’apple iTunes Store.
Le livre retrace « la merveilleuse aventure de l’écriture » : en quoi cette aventure vous semble-t-elle susceptible d’émerveiller les élèves ?
Le livre comprend 3 chapitres qui retracent une belle histoire : les origines, les différents types d’écriture et les supports de l’écrit. Il a été conçu pour de jeunes collégiens : il met donc l’accent sur l’interactivité. L’élève voyage dans le temps et fait connaissance avec les grandes civilisations de l’écrit. Il trouvera dans l’ouvrage des films mais aussi des quizz, jeux, et images de grande qualité. Il sera lui-même invité à laisser une trace manuscrite. Par exemple, dans une activité sur l’écriture égyptienne, l’élève est convié à découvrir l’intérieur d’une pyramide en 3D, à déchiffrer une inscription et enfin à écrire son prénom en hiéroglyphes.
Le support choisi, un livre numérique, semble en lui-même prolonger cette aventure de l’écriture qui conduit des tablettes d’argile aux tablettes numériques : quels vous semblent être les intérêts spécifiques de ce support ? Autrement dit, qu’apporte-t-il de plus qu’un chapitre traditionnel de manuel papier, ou même qu’un site internet comme par exemple celui que la BnF a consacré à ces aventures de l’écriture ?
L’ouvrage s’appuie sur l’exposition virtuelle proposée par la BnF : il vient apporter un complément en proposant un support directement exploitable en classe. Ce livre numérique amène le jeune à manipuler l’image, à s’investir pleinement dans son parcours, l’intérêt repose sur la multitude et la richesse des supports présents. Mais il invite aussi à l’ère du numérique à se replonger dans les origines de l’écrit, à retourner au papier, à la page et à retrouver le geste méticuleux du scribe, une tablette numérique qui rend un hommage sincère à la tablette d’argile!
Comment envisagez-vous son utilisation pédagogique avec les élèves ?
Ce livre est en lien avec un cahier d’activités qui proposera au professeur d’histoire ou de français de sixième des prolongements de séquences. Par exemple, si le professeur décide de travailler sur la diversité des supports, il pourra choisir dans le cahier d’activités entre un travail sur l’imprimerie ou un exercice de mise en page de l’écrit. Les chapitres du livre et du cahier sont identiques afin d’en faciliter la lecture. Dans le cahier, l’élève aura accès directement à toutes les ressources pour réaliser sa tâche (applications, images, liens, vidéos..).
Vous avez intégré l’usage des tablettes numériques dans votre enseignement, non seulement pour donner aux élèves à lire, mais aussi pour leur donner à produire : pouvez-vous nous donner quelques exemples de ces diverses activités ?
La tablette est en effet un très bel outil de production. Elle pousse le professeur à être de plus en plus créatif, c’est sans limite. Par exemple, dans ce parcours sur les écritures, après avoir découvert les pictogrammes, je propose aux élèves de collectionner ceux qui jalonnent notre quotidien en prenant des photos. Ils seront ensuite invités à raconter une histoire en prenant appui sur ces symboles. Une façon de démontrer que le pictogramme délivre un message bref mais précis et aux enfants d’imaginer la suite!
La tablette est également un outil très utile pour l’oral même si on ne trouve pas de production orale dans ce livre. A titre d’exemple, je vous renvoie à l’expérience lancée de podcasting dans le cadre de l’épreuve orale d’histoire des arts. Les élèves préparent leur épreuve dès le début de l’année en s’enregistrant et en écoutant leurs prestations et les corrections, une activité évidemment transposable à toutes les disciplines.
A la lumière de cette désormais riche expérience, en quoi les tablettes numériques vous semblent-elles constituer une nouvelle et belle aventure de la pédagogie ?
La tablette est un magnifique outil de production, elle garde en mémoire, partage et compile. Mais elle ne reste qu’un outil (et c’est rassurant…) : elle aura toujours besoin de l’esprit créatif et bienveillant du professeur, qui lui n’est jamais à court d’énergie !
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
Le site de Marie Soulié sur les usages des tablettes numériques en français
Un poster vers des bandes annonces
La classe inversée par Marie Soulié
Vers le livre numérique « L’aventure des écritures »