Que faire et que dire face à l’horreur des attentats du 13 novembre 2015 ? Echos pédagogiques d’un événement qui bouleverse les émotions et les valeurs ….
Voltaire encore ? La pédagogie toujours ?
Contre l’obscurantisme, l’intolérance et le fanatisme, relire l’auteur de Candide ? Face à l’horreur, cultiver pédagogiquement son jardin littéraire ? Devant les usages stupides ou indécents d’internet, enseigner à penser avant de publier ? De façon originale, c’est via Twitter que les lycéens de Caroline Duret et Corinne Jacomme, professeures à l’Institut International de Lancy, ont sillonné le célèbre conte de Voltaire. Le jeu de rôles et d’écriture mène à une savoureuse appropriation de l’œuvre du philosophe des Lumières et d’un esprit de dérision plus que jamais nécessaire. Un urgent rappel à la raison peut alors résonner à nouveau : « La seule philosophie, cette sœur de la religion, a désarmé des mains que la superstition avait si longtemps ensanglantées …»
Afin de mener à bien le projet pédagogique de twittérature, différents comptes ont été créés pour les personnages principaux du conte, dont les élèves retracent l’itinéraire et éclairent le point de vue sur le monde : Candide, Cunégonde, Pangloss, Martin. Des comptes Twitter ont aussi été ouverts pour donner la parole à l’auteur, au narrateur, à la classe des lecteurs et même à une agence de communication autour du projet ! Identification et distanciation : peu à peu se tissent une vivante paraphrase du récit et une authentique réflexion sur ses enjeux. Et Twitter bruisse alors d’« une conversation vive et élégante, à la mesure de l’esprit qui animait les salons des Lumières. » Avec l’ironie comme manifestation de l’esprit critique, ce qu’illustre délicieusement l’ultime tweet du bavard précepteur Pangloss : « Je trouve que 140 caractères ne sont pas suffisants pour s’exprimer. Comment font ceux qui ont envie de m’écouter ? »
Le recueil des tweets, intitulé « Si Candide m’était tweeté », peut être parcouru en ligne : il permet de cheminer avec les élèves dans l’œuvre pour partager leur compréhension et leur plaisir du texte. Un travail édifiant.
Le recueil des tweets (à lire à l’envers) :
http://issuu.com/fragments_savoureux/docs/candide-tweet__
Présentation du projet :
http://www.iil.ch/blog/lire-candide-autrement/
Caroline Duret dans le Café :
D’autres travaux créatifs sur Candide par les élèves de Françoise Cahen :
http://www.weblettres.net/blogs/?w=or
D’autres travaux créatifs sur Candide par les lycéens d’i-voix :
http://fr.calameo.com/read/0001148462ba867650539
Une adaptation contemporaine de Candide :
http://toutvapourlemieux.wifeo.com/
Une autre expérience de twittérature dans le Café :
Pour que les valeurs des Lumières nous éclairent
Les valeurs de la philosophie des Lumières ne sont jamais aussi précieuses que lorsqu’on cherche à les détruire. Pour les faire vivre encore mieux à l’Ecole, on pourra s’appuyer avec profit sur un document pédagogique en ligne qui propose d’intéressantes ressources, prévues pour le lycée professionnel et transférables dans bien des niveaux. « Les interrogations des philosophes des Lumières, leurs idées (avec leurs nuances) ont, pour partie, défini des valeurs sur lesquelles se fonde notre démocratie aujourd’hui : égalité des citoyens, foi dans le progrès et confiance dans la raison, idéal universaliste, liberté des individus… » : le document propose ainsi de nombreuses pistes pour mettre les idées et les œuvres du 18ème en relation avec débats et textes actuels.
Plaider pour le respect d’autrui
L’association Initiadroit rassemble des avocats bénévoles qui interviennent en collège et en lycée pour éclairer l’importance du droit dans les relations sociales et le statut de citoyen des élèves. En cette année 2015-2016, elle organise à nouveau sa « Coupe nationale des élèves citoyens ». Le thème retenu, « Le respect d’autrui », est décliné en sous-thèmes pour chaque niveau comme « Respect d’autrui et liberté d’expression » (en 1ère) ou « Respect d’autrui et laïcité » (en terminale). Les classes sont invitées à mener une réflexion et à rédiger une composition sur le sujet. Dans chaque académie, les productions doivent être adressées au rectorat avant le 8 janvier 2016. La finale, sous la forme d’un concours de plaidoiries, aura lieu en mars à Paris.
Pour en savoir plus :
Elèves citoyens : citoyens du web, citoyens du monde
« La démocratie est toujours liée à un processus de publication – c’est à dire de rendu public – qui rend possible un espace public : alphabet, imprimerie, audiovisuel, numérique » (Bernard Stiegler). Si internet est aujourd’hui un lieu essentiel du débat démocratique, alors il faut apprendre aux élèves à y trouver leur place. Dans les terribles circonstances des attentats qui frappent aujourd’hui Paris, il serait sans doute intéressant de les aider à exprimer aussi leur parole en ligne. En guise d’exemple, on peut lire sur le blog i-voix les échanges des lycéens français et italiens investis dans ce projet eTwinning : avec leurs mots d’adolescents, ils y expriment une belle communauté de valeurs et contribuent à faire de la publication web un exercice de fraternité.
http://i-voix.net/tag/jesuisparis/
« Ca va mieux en le disant ! »
Dans de nombreux établissements, à la suite des attentats, les élèves ont dessiné, parlé, écrit, slamé pour exprimer leurs émotions et affirmer leurs valeurs. Au collège Rabelais de Saint-Maur-des-Fossés dans le Val de Marne, les élèves de cinquième ont ainsi mené une heure d’échanges, puis enregistré leur conclusion sous la forme d’un joli montage, dynamique et créatif : « Solide, notre solidarité ! » La production peut être écoutée sur leur site Rablog ou sur la wikiradio de l’académie de Créteil.
Sur le blog des élèves :
http://rablog.unblog.fr/2015/11/16/solidarite-lundi-16-novembre-2015/
Sur la wikiradio acaédémique :
http://wikiradio-creteil.saooti.com/broadcast/717-solidarite
Résister 2.0 : les écoliers sur Twitter
Face aux attentats, la fonction cathartique de la créativité a souvent aidé les élèves à se libérer de leurs émotions et à affirmer leur volonté de fraternité. Pour donner encore plus de portée à ce travail, de nombreuses classes ont diffusé leurs productions sur les réseaux sociaux, nous rappelant que c’est là aussi désormais qu’il s’agit de faire société. Sur Twitter, le hashtag #EcolespourlaPaix permet ainsi de découvrir messages, dessins, vidéos, nuages de mots, poèmes… partagés par des écoliers. Tweets de France, du Québec, de Suisse … : « C’est injuste, morts pour rien, juste pour que tous les gens pensent comme eux ! », « Vous n’êtes pas seuls. Nous sommes solidaires. », « Provoquer la guerre c’est facile mais déclarer la paix, c’est beaucoup plus difficile. », « Mes élèves ont créé un film pour vous cousins Français. Gros becs de Québec », « Ensemble on est plus fort, on collabore, on construit ensemble la ribambelle de la Paix », « Il ressort de notre discussion, qu’il est essentiel de continuer à rire, à faire la fête et à être heureux »…
https://twitter.com/hashtag/EcolespourlaPaix?src=hash
Un nuage de mots pour partager la France
« J’ai la chance d’enseigner dans un collège où la plupart de mes collègues ont participé, à leur manière, à la discussion, commentant qui en Anglais la déclaration de B. Obama ou qui en Histoire-Géographie la situation géopolitique. J’ai essayé quant à moi d’agir en professeur de Lettres et d’utiliser mes outils de tous les jours, à savoir la langue, la littérature et l’art en général, pour faire réfléchir mes élèves sur ce que nous représentons. Ou plus exactement sur ce que ce mot « France » représente pour eux. » Pour éclairer et mutualiser leurs représentations, les collégiens de Patricia Bonnard, professeure de français dans la banlieue lyonnaise, ont réalisé en ligne des nuages de mots : ils sont aussi, à leur façon, l’image et la revendication d’une culture partagée.
Sur le blog de l’enseignante :
Attentats : paroles d’enseignants
Depuis les attentats, les échanges d’enseignants ont été nombreux, notamment pour savoir comment aborder la question avec les élèves. L’association Weblettres publie une synthèse de messages de professeurs de français. S’y expriment bien des inquiétudes et valeurs partagées. « Tous nos trésors de sensibilité et de culture aggravent parfois notre sentiment de responsabilité, de culpabilité et d’impuissance juste après le choc : Qu’avons-nous fait ? Qu’aurions-nous dû faire ? Qu’allons-nous dire ? Que pouvons-nous réussir ? Comment retrouver notre place de maître alors que nous ne savons pas quoi dire et que l’impuissance nous submerge ? Dans l’immédiat, j’ai le sentiment qu’il faut redonner sens à notre place dans une cohésion de partage avec les élèves, pas nécessairement soutenir un message et une parole, mais leur montrer que l’humanisme, c’est l’école, c’est nous ensemble. Les écouter, les entendre, leur apprendre à s’écouter, à s’entendre. Bien sûr en s’appuyant sur notre métier, sur la culture humaniste universelle et ses échos sensibles dans nos histoires subjectives. »
http://www.weblettres.net/spip/spip.php?article1730