Au terme d’un marathon de deux jours, le Conseil supérieur de l’éducation a rejeté les nouveaux programmes de l’école et du collège par 18 voix contre (Snes, Cgt, Snalc, Fo), 18 pour (Unsa, Cfdt, Peep) et 12 abstentions (Fcpe et Snuipp). Cet échec est un « camouflet pour la ministre » selon le Snes. Pour M Lussault, président du Conseil supérieur des programmes, ce sont deux journées de « vrai travail collectif » aboutissant à « des amendements constructifs ». Quelques améliorations ont été apportées aux textes.
Un suivi institué pour tous les programmes
Il aura fallu deux journées complètes de travail, les 7 et 8 octobre, pour que le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) se prononce sur les nouveaux programmes. Il faut dire que la séance est extraordinaire : c’est la première fois que le CSE a à étudier des programmes conçus pour toutes les disciplines sur trois cycles et 9 années. Face à ce bloc cohérent, près de 200 amendements avaient été déposés. Beaucoup ont été retirés en cours de route. Mais les débats ont été longs sur certains programmes comme les sciences en cycle 4 ou l’histoire.
Un point important a été acté dès le premier jour par l’administration c’est la mise en place d’un suivi des programmes des 3 cycles. Le Snuipp souhaitait un suivi dès 2016 arguant de l’inadaptation de certains programmes, àl’image de ce qui s’était fait pour les programmes de 2002. Le suivi doit permettre de montrer les éléments des programmes qui ne posent pas de problème et ceux qui ne fonctionnent pas. Le ministère a accepté ce suivi dès 2016 qui ouvre la voie à des améliorations des programmes dans l’avenir.
Les récréations du primaire
La journée du 8 octobre a vu une décision importante pour le primaire à propos des récréations. Le ministère envisageait de fixer un plafond de 2 heures de récréation par semaine. Finalement, le Snuipp a fait passer l’idée de temps de récréation fixés par demi journée et par niveau. Le temps de récréation sera fixé en fonction de la durée de la demi journée avec 15 minutes en école élémentaire et 30 minutes en maternelle.
Des amendements limités
Des allégements ont été apportés à certains programmes. Ainsi en sciences aux cycles 2 et 3 à la demande du Sgen, de l’Unsa et du Snuipp certains chapitres ont été retirés. Même chose en arts. En langues vivantes au cycle 2 les programmes ne mentionnent plus qu’une approche orale. L’EMI est mentionnée en cycle 2 et 3 , elle n’est pas introduite comme une discipline.
Ces deux journées ont-elles été productives ? « On a découvert qu’il n’est pas possible de réécrire les programmes », nous a dit Vincent Bernaud du Sgen Cfdt. « Les choix du CSP se tiennent par cycle et sur les 9 années d’enseignement. On ne peut pas toucher à un point sans reconsidérer d’autres niveaux ou d’autres disciplines ». Pourtant il juge que « la séance du CSE a été productive ». Un avis partagé par le Snpden qui parle « d’améliorations consensuelles » des programmes. Et aussi par Michel Lussault, président du Conseil supérieur des programmes, qui parle de « vrai travail collectif » aboutissant à « des amendements constructifs ».
Un vote final marqué par les abstentions
Au final deux abstentions ont pesé lourd dans le vote final. La Fcpe s’est abstenue car elle refuse le vote bloqué imposé par le ministère. Le CSE a eu à se prononcer sur l’ensemble des programmes sans pouvoir voter par cycle ou par discipline.
Le Snuipp s’est abstenue du fait du caractère très inégal des programmes. « Les programmes de maths et français de l’école élémentaire sont globalement bons », nous a dit S Sihr. « Par contre ceux de sciences et d’arts sont jargonnants et trop lourds ». Par exemple, en sciences, les programmes demandent aux élèves de travailler sur « le signal, de mouvement et de mesure de la valeur de la vitesse d’un objet », et sur « l’origine de la matière organique des êtres vivants et son devenir », ceux d’arts sur la « matérialité de la production plastique », ou pour les volumes de maîtriser les notions « d’enveloppe et de structure, de passage et de transition ».
L’essentiel reste à faire
La question qui se pose maintenant c’est celle de l’appropriation. « L’essentiel est devant nous »,nous dit M Lussault. « La réussite de la mise en oeuvre des programmes sera un travail de grande ampleur nécessitant la coopération de tous. Le CSP sera présent pour assurer le travail d’explication et participer à la production des ressources ».
Car le CSE a reporté des éléments de certains programmes dans les documents d’accompagnement. Les enseignants vont devoir maintenant non seulement prendre connaissance des programmes mais aussi tenir compte des nombreux documents que la Dgesco va produire autour des programmes. Résistera-t-elle à la tentation de les alourdir, chaque discipline produisant ses propres documents isolément ? Les groupes disciplinaires résisteront-ils à la tentation de cadrer davantage les activités des enseignants ?
Pour les enseignants des collèges, les nouveaux programmes feront l’objet d’au moins une journée de formation disciplinaire. Pour les professeurs des écoles, rien ne semble avoir été prévu. » On ne peut pas parler de priorité au primaire, quand aucun plan de formation continue n’est programmé à ce jour. Et ce ne sont pas les 3 à 9 heures d’animations pédagogiques un mercredi après-midi qui vont changer la donne », écrit le Snuipp.
François Jarraud