Révélés par Le Café pédagogique, les projets de programmes de l’école et du collège (cycles 2 à 4) rompent avec les programmes traditionnels. Ils proposent de nouvelles approches, de nouveaux enseignement . Mais ils respectent aussi et les usages enseignants et la liberté pédagogique. Après une phase de consultation assez décevante (faible participation), ils seront publiés dans leur version définitive en septembre 2015 . Découvrez nos analyses de ces programmes.
Quel changement ! Pour le lecteur habitué des programmes mis en place en 2008, les nouveaux programmes du cycle 4 (5ème à 3ème) que le Café pédagogique a révélé le 13 avril, tranchent avec bonheur. Ils introduisent des compétences neuves tout en respectant le plus souvent les traditions et les usages de la culture scolaire. Finies les lourdes énumérations des programmes de 2008 qui étouffaient d’emblée les appétits d’enseigner. Les programmes de 2015 donnent à l’enseignant davantage de liberté et donc de responsabilité. Ils s’intéressent aux apprentissages c’est-à-dire à l’enfant qui est dans l’élève.
Ne cherchez plus les longues énumérations de connaissances à acquérir qui marquaient les programmes de 2008. Par exemple le programme d’histoire de 3ème consacrait 2 de ses 9 pages à l’énumération des repères historiques que l’élève devait connaitre. Chaque chapitre d’histoire indiquait les connaissances à acquérir, les démarches à suivre obligatoirement et rappelait les « capacités » acquises qui se résumaient très souvent en des dates à connaitre par coeur. Les « capacités du chapitre sur la première guerre mondiale, c’était de savoir qu’elle a eu lieu de 1914 à 1918 et que le 11 novembre c’est l’armistice…
Les nouveaux programmes proclament haut et fort la liberté pédagogique de l’enseignant. « Les projets de programmes n’entrent pas dans le détail des pratiques de classe, des démarches des enseignants ; ils laissent ces derniers apprécier comment atteindre au mieux les objectifs des programmes en fonction des situations réelles qu’ils rencontrent dans l’exercice quotidien de leur profession », annoncent les auteurs. Même chose pour l’évaluation : « les projets de programmes contiennent des attendus de fin de cycle précis, portant sur les compétences et connaissances à maîtriser et définissant un niveau de maîtrise ; ils ne précisent pas en revanche les modalités pratiques détaillées par lesquelles s’assurer que les objectifs fixés sont atteints par les élèves. C’est aux enseignants et aux différents professionnels présents dans les écoles et les établissements qu’il revient de trouver les modalités les plus appropriées ». Voilà les clés des programmes remis aux enseignants alors que 2008 avait achevé de les enfermer dans un cadre ultra rigide.
La seconde caractéristique des programmes c’est de s’intéresser à l’enfant qui doit suivre le programme, et pas seulement à l’élève. Deux pages invitent l’enseignant à considérer les apprentissages sous l’angle de l’enfant. « Les objectifs de formation du cycle 4″ sont justifiés par cette vision du développement de l’enfant. » Lors des trois ans de collège du cycle 4, l’élève qui est aussi un adolescent en pleine évolution physique et psychique, vit un nouveau rapport à lui-même, en particulier à son corps, et de nouvelles relations avec les autres. Les activités physiques et sportives, l’engagement dans la création d’événements culturels favorisent un développement harmonieux de ce jeune, dans le plaisir de la pratique, et permettent la construction de nouveaux pouvoirs d’agir sur soi, sur les autres, sur le monde. L’élève oeuvre à la construction de ses compétences, par la confrontation à des tâches plus complexes.. Cette appropriation croissante de la complexité du monde (naturel et humain) passe par des activités disciplinaires et interdisciplinaires dans lesquelles il fait l’expérience de regards différents sur des objets communs ». On verra dans les différentes disciplines une compétence « raisonner » qui s’intéresse de près au fonctionnement mental de l’élève.
Troisième caractéristique l’importance accordée au numérique dans ces programmes. Cela va jusqu’à un enseignement de l’algorithmique inséré dans le programme de maths où on invite l’élève par exemple à réaliser un sondage ou une figure à l’aide d’un logiciel de programmation. Mais si l’on prend le programme d’histoire-géographie une des compétences est « s’informer dans le monde du numérique » et on invite l’élève à savoir vérifier une source d’information voire utiliser un système d’information géographique.
Car tout ce que les programmes ont perdu comme listes de connaissances à savoir par coeur, est regagné par les compétences. La 4ème caractéristique c’est qu’on entre dans les programmes par des compétences précises et détaillées alors que els anciens programmes réduisaient souvent les « capacités » en connaissances. Le programme d’histoire-géographie, par exemple, propose toujours » se repérer « dans le temps et l’espace et indique des démarches pour le faire. Il invite à « comprendre et analyser un document », à « s’informer dans le monde numérique ». La compétence « raisonner » mérite d’être soulignée. Elle invite à proposer à l’élève des tâches complexes , à procéder par essais erreurs, à « apprendre à l’élève le rôle joué par les outils de l’historien ». On est dans une démarche de type métacognition qui s’appuie en fait sur ce qu’on sait des procédés cognitifs. La compétence « coopérer et mutualiser » en est le juste prolongement. Il s’agit d’acquérir des compétences sociales, si utiles dans la vie et si ignorées jusque là par l’Ecole.
Arrivent ensuite non plus des listes de connaissances à acquérir mais des « repères annuels de programmation« . En histoire, par exemple, cela va être des grands thèmes au programme sans que soient précisés les contenus dans le détail. A la suite de la campagne sur les valeurs républicaines, l’enseignement de l’histoire a été ciblé par certains pour réinstaurer le roman national style Lavisse. Le nouveau programme a rééquilibrer le découpage par exemple en réservant l’année de 3ème à l’après 1ère guerre mondiale. L’histoire économique et sociale est davantage représentée au 19ème siècle. Mais sur l’essentiel le programme respecte la tradition scolaire, par exemple en s’interdisant d’aller au delà de 1970, ce que certains enseignants lui reprochent d’ailleurs. Le programme de géographie est resté lui aussi fidèle au découpage traditionnel mettant en 5ème les vraies questions du géographe contemporain ( développement durable) et réservant à la 3ème la géographie de la France. Cela en a peut-être coûté au président du Conseil supérieur des programmes mais il a respecté l’usage instauré.
Dans les critiques portées sur ces programmes, arrive en premier l’idée que les connaissances auraient disparu et que ce serait préjudiciable aux plus faible agrandissant ainsi le fossé entre les établissements. Certes pour l’enseignant, ces programmes ne ciblent plus les connaissances à acquérir. Les programmes de 2008 le réduisaient en tâcheron chargé de faire la check list des savoirs appris par coeur. Les programmes de 2015 responsabilisent l’enseignant et l’invitent à s’intéresser à l’essentiel : la maitrise par l’élève de ses capacités à apprendre et à maitriser l’information dans le monde d’aujourd’hui. Ils donnent à l’enseignant un niveau de responsabilité et donc de liberté beaucoup plus élevé. En ce sens il peut y avoir des différences entre les élèves qui résultent de la réalité du fait que l’enseignement est une affaire de formation humaine. Bien loin de prêter moins attention aux apprentissages des élèves les plus faibles, ces programmes s’intéressent pour la première fois à expliciter ce qu’est l’apprentissage. Et cela profitera justement aux plus démunis.
A nos yeux ces nouveaux programmes du cycle 4 atteignent un intéressant point d’équilibre entre le respect des usages du monde scolaire, la responsabilité pédagogique de l’enseignant et la nécessaire entrée de la modernité dans l’école aussi bien dans ses aspects numériques que de la prise en compte des sciences cognitives. Leur point faible c’est que , ce faisant, ils attendent beaucoup plus des enseignants qui vont parfois être démunis pour atteindre ces programmes ambitieux. Ils vont nécessiter des formations à la hauteur des responsabilités enseignantes c’est à dire réalisées par de vrais formateurs.
François Jarraud
Les programmes du cycle 4
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Documents/docsjoints/programmecycle4.pdf
Les programmes de 2008
http://eduscol.education.fr/pid23391/programmes-de-l-ecole-et-du-college.html?pid=23391&page=0&formSubmitted=1&niveau=3&classe=0&discipline=0
Les nouveaux programmes de l’école et du collège ont été adoptés par le Conseil supérieur des programmes (CSP) à l’unanimité le 9 avril. Ils devraient être publiés en début de semaine prochaine. Michel Lussault, président du CSP, dévoile quelques points importants de ces programmes. Rédigés pour la première fois en bloc pour toute l’école obligatoire, les nouveaux programmes génèrent une nouvelle hiérarchie des programmes et une nouvelle hiérarchie des thèmes dans les programmes.
On attendait les nouveaux programmes la semaine dernière. Pourquoi ce délai supplémentaire ? Il y avait des désaccords au sein du Conseil supérieur des programmes (CSP) sur les programmes ?
On s’est accordé un délai supplémentaire pour voter à l’unanimité ces programmes moins pour des questions de fond que de forme. On n’était pas satisfait de l’écriture de certaines parties. Les nouveau programmes sont construits en 3 volets : les attendus du cycle, la contribution du cycle au socle domaine par domaine et les disciplines. Le volet 2 est très important : c’est lui qui arrime les disciplines au socle, ce que le précédent socle n’avait pas réussi à faire.
On a du revoir le volet 2 du cycle 2. On a aussi repris la rédaction sur le français en cycles 2, 3 et 4 pour être plus précis et en même temps plus compréhensible. On a aussi repris la rédaction du programme de maths en cycle 4 et du programme d’EPS. Le délai supplémentaire du 26 mars au 9 avril a servi à ces retouches. Il n’était pas du à des divergences.
Maintenant quel est le calendrier de diffusion de ces programmes ?
Les nouveaux programmes sont remis à la ministre le 10 avril. Ils seront rendus publics probablement le 13. La consultation sera organisée plus tard que prévu, après les vacances de printemps. L’adoption définitive des programmes après consultation et révision aura lieu au tout début septembre. Notre souhait c’est que les enseignants réagissent à ces textes même avant la consultation officielle. On est très conscients que les programmes sont perfectibles. On s’interroge que la pertinence de certains objectifs, sur la lourdeur de certains programmes par rapport aux élèves d’aujourd’hui. La conception de programmes par cycles est quelque chose de tout à fait nouveau. Le CSP a montré , avec le socle, qu’il tient compte des remarques.
La rédaction de ces programmes est une expérience unique. Pour la première fois on peut penser les programmes par cycle sur un laps de temps important. Avez vous supprimé des doublons dans les programmes existants ? Avez vous pu approfondir grâce à ce temps récupéré ?
Le simple fait de créer les textes par cycle modifie le regard porté sur les disciplines. Ca affecte l’équilibre entre disciplines et dans les disciplines entre cycles. Par exemple dans les trois programmes de français des cycles 2 à 4, il y a beaucoup de correspondances entre les programmes particulièrement sur l’apprentissage de l’oral. On a beaucoup approfondi à propos de cet exercice que l’on a jugé fondateur. Cette visibilité dans el cycle modifie aussi la hiérarchie des sujets à l’intérieur d’une discipline. La capacité à structurer son expression orale par exemple gagne en importance en français.
Vous avez changé la hiérarchie entre disciplines ?
En cycle 2 et 3 on a mis le paquet sur le français et les maths. Mais sans les réduire au lire, écrire, compter. En cycle 4 on a tenté de lier davantage les enseignements scientifiques entre eux en incluant dans ce bloc les maths. On cherche à avoir un bloc scientifique cohérent où il n’y ait plus de hiérarchie entre les disciplines grâce à l’intégration des maths et de la technologie. Chaque discipline continue bien sur à exister. Mais ce bloc permet de travailler sur ce qu’est la démarche scientifique sous des éclairages différents.
Les professeurs auront-ils accès à tous les programmes du cycle ou seulement à leur discipline ?
Pour le cycle 4 on souhaite que les enseignants s’imprègnent des logiques des cycles. Il faudra les accompagner. On a d’ailleurs demandé à la dgesco que les enseignants du cycle 4 puissent voter pour toutes les disciplines du cycle.
L’évaluation, par exemple au brevet, ou dans les disciplines, est-elle décidée dans les programmes ?
Le socle a tranché une partie de la question. Mais ce sera un texte du ministère en avril ou mai qui fixera les règles d’évaluation du brevet et les autres grandes lignes de l’évaluation.
La rédaction des programmes a-t-elle été affectée par les débats récents comme celui sur les valeurs républicaines ?
On a tenu compte des débats récents. On a changé le programme de français et d’histoire-géo pour prendre en compte els développements du débat sur les valeurs républicaines. On a aussi modifié le programme de français pour renforcer ce qui met le français en relation avec ses origines latines.
Comment seront accompagnés les programmes ?
L’accompagnement relève là aussi de la Dgesco. Mais peu après la publication des programmes nous mettrons en ligne des hypertextes qui éclairciront des points des programmes, donneront des propositions d’activités. Au delà de ce premier niveau, la Dgesco fournira des accompagnements à la rentrée 2015.
Propos recueillis par François Jarraud