« On a autre chose à faire que des rapports qui restent dans un tiroir ». A l’issue de la seconde journée de la conférence internationale sur la mixité sociale à l’Ecole, Nathalie Mons, présidente du Cnesco (Conseil national d’évaluation du système scolaire) marque ses objectifs. Le Cnesco et ses partenaires ont évalué des outils de lutte contre la ségrégation. Pas question pour eux de se limiter à ces évaluations. Il faut diffuser ce savoir pour le rendre utile pour faire bouger un « modèle français » qui entretient la cécité sur la ségrégation sociale et ethnique à l’école.
Qu’ont à dire les géographes sur la constriction de la ségrégation, s’est demandé Michel Lussault en ouvrant la seconde journée de la conférence organisée par le Cnesco, le Conseil supérieur de l’éducation québécois et le CIEP. « On est de plus en plus confrontés à des choix rationnels d’acteurs qui tiennent le discours de la ségrégation volontaire » , remarque-t-il. Il n’y a pa s que les familles. « Les politiques sectorielles d’urbanisme ont tendance à accentuer les effets des choix rationnels des familles ». Pour lui la solution ne peut donc être que locale. « L’intérêt général peut être produit localement ».
Quelles expériences pour une mixité à l’école ?
Observer ce qui se passe localement c’est justement l’objectif de la première table ronde de la journée qui fait le point sur plusieurs expériences. Aux Pays Bas, Guido Walraven attire l’attention sur le dialogue avec les parents. « Il faut écouter les inquiétudes des parents et leur faire comprendre que leurs choix ont un impact global », dit-il. Cette politique s’avère difficile car les associations de parents sont peu ouvertes à cette problématique aux Pays Bas. Simon Calmar Andersen fait le point sur une politique d’apprentissage de la langue menée au Danemark. Le pays a testé la rallongement de la semaine scolaire avec des heures soit libres soit de cours de danois dans des écoles où les enfants immigrés sont nombreux. Si ce programme a un effet positif il l’est davantage pour les Danois que les autres.
Sous la pression d’un système scolaire anglophone majoritaire, l’Ontario (Canada) mise sur une politique d’accueil des familles immigrées, explique Christian Charle Bouchard. Au regard des résultats scolaires, ça fonctionne ! Le taux de diplomation au secondaire est passé de 68 à 84% dans les 10 années 2004-2014. Ce succès doit beaucoup à une refonte du curriculum pour l’adapter aux nouveaux arrivants et à une réforme de la formation des enseignants qui facilite le passage à une école inclusive. L’Ontario propose des outils de formation sur son site éducatif. Les écoles ont des comités d’accueil, des « équipes de la réussite » réunies chaque semaine et des événements comme la semaine de la diversité ou le mois de l’histoire des noirs.
En Suède, a Nyköping, la ville a décidé de fondre 3 lycées ségrégés en un seul nouvel établissement, explique Henrik Eriksson, sans ouvrir de classes homogènes. Pour cela l’établissement a géré le mécontentement et les peurs des parents en promettant le meilleur enseignement pour tous et en mettant en place du tutorat et de l’accompagnement scolaire. Le dernier exemple vient du canton de Vaud (Suisse). Stéphanie Bauer montre que face à une ségrégation croissante qui structure les filières scolaires, le canton mise sur la formation des professeurs.
Le Cnesco lance un réseau d’acteurs et de chercheurs
« Notre premier constat c’est la cécité collective en France sur la mixité sociale à l’école », affirme Nathalie Mons, présidente du Cnesco, en concluant le colloque. « Depuis 15 ans ailleurs on s’e soucie et nous on reste statique. On ne mesure pas la mixité et il n’y a pas de politique réellement ambitieuse sur ce point ». Pour elle cette cécité vient à la fois de la conception française de l’intégration qui nie la différence culturelkle et d’une construction scolaire en filières.
« Il faut faire bouger les représentations, diffuser les recherches, mettre à l’épreuve les outils de ma mixité », dit-elle. « Faire connaitre les effets négatifs de la ségrégation et les avantages de la mixité. Il est urgent d’agir ». Elle appelle à une politique des petits pas misant sur le local pour dépasser le sentiment d’impuissance. Pour cela elle annonce la constitution d’un réseau réunissant chercheurs, acteurs, collectivités locales, associations, en lien avec le Conseil supérieur du Québec.
Des outils et de la conviction
« Il n’y a pas de recette magique », nous dit-elle à la fin de la journée. « Mais de grandes lignes directives sont apparues. La première c’est qu’il n’y a pas de politique nationale universelle ou un seul outil à mobiliser. Il faut une véritable boite à outils associant ajustement de la carte scolaire et affectation informatisée, adaptation au contexte local. L’autre grande idée c’est qu’il faut réunir des conditions favorables pour que ça marche. Il faut convaincre les parents et former les enseignants à l’hétérogénéité, par exemple ». Pour elle la lutte contre la ségrégation scolaire est une priorité de la loi de refondation. Chargé d’évaluer les politiques soclaires, le Cnesco est bien décidé à mettre les pieds dans la plat.
François Jarraud
Le rapport du Cnesco sur la ségrégation scolaire
Claude Lessard : Pour un sursaut de fraternité