Le débat sur la réforme du collège est en train d’échapper au monde des éducateurs. Les politiques se sont emparés de la question le 6 mai. Cette situation assure la mise en place formelle de la réforme. Mais ele en obscurcit tellement l’avenir que son présent n’ a pas fini de s’en ressentir.
Le débat sur les « conservateurs » et les « progressistes » en matière éducative a finalement été pris au mot par les politiques. Véhiculé d’abord par les syndicats et les mouvements pédagogiques à propos de la réforme du collège; repris par Najat Vallaud Belkacem il y a une semaine, puis par Manuel Valls hier, le voici maintenant clairement installé par le président de la République et par l’UMP le 6 mai.
F Hollande a cru nécessaire de descendre lui aussi dans l’arène à propos de la réforme du collège qu’il a défendu avec vigueur. Dans un discours prononcé devant 300 jeunes, il repousse les critiques sur le latin ou l’allemand. Il fustige les opposants à la réforme en les présentant comme des défenseurs d’intérêts particuliers et les champions des inégalités sociales à l’Ecole.
En même temps l’opposition de droite monte aussi au créneau. 152 parlementaires UMP et UDI écrivent le 6 mai au président pour demander le retrait de la réforme à travers une lettre commune signée par Bruno Le Maire. « L’histoire retiendra que c’est une majorité de gauche qui propose de couper la langue française de ses racines en réduisant l’enseignement du latin », écrit Bruno Le Maire. « Avec cette réforme votre majorité abandonne l’excellence républicaine et choisit le nivellement par le bas ». Il demande au président de retirer la réforme.
L’UMP lance le jour même une pétition contre l aréforme. « La réforme du collège entend instaurer une interdisciplinarité forcée, afin de remédier à «l’ennui des élèves», selon les mots employés par la ministre. Derrière les mots, il y a toujours la même vieille idée du pédagogisme qui a tant échoué », dit la pétition. « C’est, en vérité, le renoncement à la transmission des savoirs fondamentaux qui fondent la culture commune et le progrès… Plus grave encore, cette réforme méconnait et ignore l’histoire de notre pays, en faisant de l’histoire des Lumières un enseignement facultatif. Au moment où notre nation s’interroge sur sa cohésion et son identité, rien ne serait plus dangereux que de tourner le dos à notre histoire, notre patrimoine commun, notre héritage ».
Ainsi l’Ecole est devenue le 6 mai le champ de bataille du politique. Il y a évidemment des raisons à cela dont la remise en cause des avantages scolaires des familles privilégiées. Cette situation va assurer la publication des textes organisant la réforme du collège. Mais elle en obscurcit tellement l’avenir que cela va rejaillir sur le zèle à l’appliquer dès 2016. En faisant de la question scolaire un terrain d’affrontement politique et non un projet consensuel, la réforme du collège annonce des années difficiles pour l’Ecole.
François Jarraud