Les pratiques pédagogiques peuvent-elle lutter contre les pesanteurs sociales et instaurer le vivre ensemble ? La Journée de la fraternité à l’Ecole, organisée par le Café pédagogique, réunit la fine fleur des mouvements pédagogiques pour indiquer des pratiques pédagogiques qui encouragent la collaboration et permettent de dépasser les rôles sociaux. Animée par Gilbert Longhi, la table ronde réunit Agnès Baranger, enseignante du mouvement Icem Freinet, Pascal Diard, profeseur d’histoire-géographie du GFEN, Philippe Goémé, enseignant des micro-lycées, formateur Espe et membre de l’Observatoire international de l’éducation et de la prévention, Sabine Gessain, enseignante Freinet. Ils sont épaulés et interpellés par de nombreux intervenants dans la salle représentant de nombreux courants pédagogiques. Du travail sur soi au travail sur la loi de la classe, se dégage une certitude : il faut dépasser les a priori et donner sa place à l’altérité. Tout un travail.
Se découvrir soi pour accepter les autres
Enseignante dans une école populaire de Paris, Agnès Baranger pratique le « message clair » et le « théâtre forum ». Avec le message clair, les enfants apprennent à reconnaitre leurs sentiments et à les dire. C’est la première étape d’une communication bienveillante qui apaise les tensions et libère des stéréotypes. Le théâtre forum, une technique venue du Brésil, permet au groupe de rejouer des situations de conflit et d’imaginer des solutions ensemble. C’est ce travail sur soi, au final, qui est la base du vivre ensemble et permet le collectif.
Philippe Goémé donne une autre approche, celle du travail sur les décrocheurs. Dans els micro-lycées on aide les jeunes à s’insérer dans un groupe de pairs et aussi à changer la représentation qu’ils ont d’eux -mêmes. Le conseil de progrès, toutes les 6 semaines, où le jeune présente un travail devant des enseignants qui se taisent, parfois devant les parents, est un moment fort de ce travail de reconstruction.
Construire la loi avec les élèves et les familles
La loi peut-elle construire le vivre ensemble ? Sabine Gessain le croit en ce qui concerne la loi de la classe. C’est un des apports les plus théorisés du mouvement Freinet avec le conseil de la classe où chaque semaine les enfants peuvent proposer, désirer, féliciter ou signaler un problème. Les enfants apprennent à construire la loi c’est à dire qu’ils vivent au quotidien les compromis de la démocratie. Sabine Gessain donne en exemple le plan de classe, sans cesse remis sur le métier dans une recherche interminable du bonheur collectif. A ce travail avec els élèves elle ajoute un autre avec les familles en lien avec ATD Quart Monde. Les rencontres avec les parents permettent de casser les a priori et au final ça facilite le travail scolaire.
Mais la loi des hommes peut-elle imposer la fraternité ? Bernard Defrance invite à s(appuyer sur le Convention internationale des droits de l’enfant, signée par la France. Ce texte fonde l’existence de règles nouvelles dans les établissements scolaires. Ils ont l’obligation d’associer les enfants à la construction des règles scolaires tout comme à son orientation. La Convention donne la parole aux sans voix. Philippe Goémé est plus sceptique sur la place de la loi dans l’école. Pour lui, on ne change pas l’école avec des textes. Les rituels scolaires restent largement à l’abri des lois.
Prendre en main son destin avec la pédagogie de projet ?
Pascal Diard, Gfen, milite pour un enseignement libérateur, qui permette aux élèves de prendre conscience des barrières sociales pour les renverser. « IL faut d’abord changer le regard sur els élèves, croire qu’ils sont capables de changer », et aussi croire qu’ils peuvent transformer leur condition social. Pour cela le savoir est une arme qui s’utilise dans la pédagogie de projet. Il donne des exemples de projets qui ont amené les élèves par exemple à travailler avec des géographes sur leur ville dans une optique de transformation. « Il faut apprendre à faire société dans la classe en les amenant à envisager une transformation de leur condition sociologique ». La pédagogie de projet est saluée dans la salle par plusieurs mouvements, comme l’Agas, qui se plaignent de leur faible place dans la formation des enseignants.
Mais comment éviter la construction du sentiment d’altérité ? C Ben Ayed rappelle qu’il se construit au sein même de la famille. Il s’insinue entre les parents et les enfants immigrés qui déjà ne sont plus comme leurs parents. La découverte de son altérité est aussi une expérience humaine libératrice.
François Jarraud