Par Julien Cabioch et Arnaud Brévier
Sommaire : projet climat, Sim Agro, dimorphisme homme-femme, ECE
Comment profiter d’une conférence internationale pour mobiliser ses élèves ? Gwénaëlle Paugam-Kervella, professeur de SVT au lycée franco-péruvien de Lima, a mené un vaste projet « Les Sentinelles du climat ». Rencontre avec cette enseignante passionnée.
Qu’est ce qu’une « sentinelle du climat » ? Pouvez-vous nous décrire le projet en quelques mots.
Le projet COP20 ainsi que la sensibilisation au changement climatique ont été les fils directeurs d’un grand nombre d’activités durant toute l’année scolaire 2014 au lycée franco péruvien de Lima. L’objectif était de sensibiliser tous les élèves du lycée (primaire, collège et lycée) à la problématique du changement climatique dans le cadre de la COP20 qui s’est tenue à Lima du 1er au 12 décembre 2014, au travers d’activités pédagogiques.
Notre ambition était ainsi de permettre à quelques élèves du lycée d’assister aux négociations dont le site était justement voisin du lycée. En effet, l’idée était d’envoyer, sur le site officiel, des élèves « émissaires » en quelque sorte, dont la mission aurait été de retransmettre à la communauté toute entière, l’avancée des négociations.
Nous avons alors imaginé la constitution d’équipes d’élèves « émissaires » pour la COP20, équipes que nous avons nommées « Sentinelles du climat ». Chaque équipe serait donc constituée d’un élève « expert scientifique », d’un « expert traducteur », d’un « expert rédacteur », d’un « expert reporter », d’un « expert infographie » et d’un « expert coordonnateur ».
L’expert scientifique était à même de comprendre les données scientifiques exposées, le rédacteur avait pour rôle de rédiger une synthèse de la présentation sous contrôle de l’expert scientifique. Le traducteur mettait en forme en anglais et en espagnol la synthèse rédigée par le rédacteur, le reporter était chargé de prendre des photos, des vidéos ou d’assurer des interviews, l’expert infographie avait pour rôle de mettre en ligne articles et images sur le Blog créé à cet effet. Enfin, le fonctionnement de l’équipe était sous le contrôle d’un élève coordonnateur. Le recrutement de ces élèves Sentinelles s’est donc réalisé au travers d’un concours de sélection, devant jury constitué de collègues de différentes disciplines. Nous avons ainsi formé 3 équipes de 6 élèves sélectionnés entre les classes de 5ème et 4ème (Reporters), 3ème (traducteurs et rédacteurs), 2nde (scientifiques, coordonnateurs et infographie).
Quelles sont les actions concrètes menées par les lycéens ? Les principaux aspects motivants pour les élèves ?
Les Sentinelles ont assisté à un symposium scientifique préparatoire à la COP et intitulé « Changement climatique et sécurité alimentaire au Pérou: impact, adaptation, résilience ». Les élèves Sentinelles ont ainsi pu mettre en ligne les informations recueillies lors de ce symposium. Ils ont sensibilisé leurs camarades à différents aspects du changement climatique visibles au Pérou. Ils ont également initié une campagne de mise en place d’un tri sélectif des poubelles du lycée et amené à une réflexion dans les classes sur la gestion du papier. Les élèves de 6ème (non retenus pour faire partie d’une équipe Sentinelles car trop jeunes) ont réalisé une opération de sensibilisation à la protection de l’environnement auprès de la population locale (oasis d’Ica, ville située à 300 km au Sud de Lima, lors d’une classe transplantée SVT-Espagnol). Les Sentinelles ont également sensibilisé la communauté scolaire à la protection de l’environnement lors d’un « Marché aux Puces ».
Les élèves de 2nde sont allés enquêter en Amazonie péruvienne au cours d’une classe transplantée SVT-SES sur l’impact du changement climatique dans cet écosystème. Les équipes ont été construites sur le mode des équipes Sentinelles COP20. A leur retour, ils ont réalisé des reportages vidéo de grande qualité et les meilleurs ont été primés ! (mis en ligne sur le Blog). La motivation des élèves a été immédiate, les élèves trouvant dans leur quotidien, grand nombre d’actions à réaliser afin de limiter leur impact sur leur environnement. Lima est une mégalopole très polluée.
Avez-vous des contacts locaux pour appuyer votre projet ? Quels sont les enjeux climatiques au Pérou ?
Nous avons bénéficié de l’aide d’un organisme dépendant du Ministère de l’Environnement péruvien « Pon de Tu Parte », qui a appuyé les campagnes de sensibilisation de la population locale. J’ai également mis en place un cycle d’interventions de scientifiques de l’IRD auprès de nos élèves. Ce fut l’occasion d’échanges de grand intérêt scientifique sur des thèmes portant sur le changement climatique au Pérou mais également une ouverture sur le monde scientifique pour nos élèves. Le Pérou fait partie des pays les plus vulnérables au changement climatique : sécheresses, inondations, maladies nouvelles chez les végétaux, rythmes végétaux perturbés, fonte des glaciers tropicaux…
Vous tenez un blog présentant votre démarche. Les élèves contribuent-ils à sa mise à jour ? Quel contenu visez-vous ?
Le Blog visait lors de la tenue de la COP20 à mettre en ligne chaque jour, l’évolution des négociations. Malheureusement, nous n’avons pas pu obtenir d’accréditations pour le site officiel, mais nos Sentinelles ont eu accès au site public et ont pu mettre en ligne sur le Blog, les informations présentées. Tout au long de l’année, le Blog a recueilli toutes les informations de nature variée (articles de journaux en français, anglais et espagnol, musiques, vidéos, travaux d’élèves etc). Actuellement les Sentinelles sont en vacances et le Blog reprendra son activité à la rentrée de fin février 2015.
Vous avez reçu entre-autre la visite de Jean Jouzel et Ségolène Royal en décembre 2014. Comment a été perçue cette rencontre par les élèves ? Quels ont été les échanges ?
Nous avons organisé une exposition des travaux d’élèves portant sur le changement climatique. Cette exposition s’intitulait « Le changement climatique expliqué à Wayra » (Wayra étant une petite fille de 10 ans vivant sur les bords du Lac Titicaca) et regroupait les travaux de toutes les classes (primaire, collège, lycée). Cette exposition a été mise en place le jour de l’ouverture de la COP, soit le 1er décembre. Il faut rappeler que nous travaillons avec un calendrier hémisphère sud, donc notre année scolaire se termine mi-décembre.
M. Jean Jouzel a donné une conférence devant les élèves de lycée et les Sentinelles au complet et a répondu très gentiment aux questions posées par les élèves. Quant à Mme Ségolène Royal, notre Ministre a été très attentive aux travaux présentés par les élèves qui s’en sont sentis valorisés, flattés et aussi très fiers de leur travail ! Mme La Ministre a également répondu aux questions préparées par les Sentinelles concernant l’avancée des négociations sur le site voisin ainsi que sur le programme de la transition énergétique. Sa délégation a également activement participé aux interviews.
Parlons de vous, enseignante à l’AEFE, agence pour l’enseignement français à l’étranger. De la Réunion à Tripoli en Libye, vous êtes maintenant dans un lycée franco-péruvien. Quelles différences voyez-vous sur l’appréciation des SVT à travers le monde ? Est-ce une approche universelle ?
La démarche d’investigation et maintenant l’enseignement par taches complexes font que, à mon avis, l’approche est identique quelque soit le pays ou le continent dans lequel le lycée français est implanté. Le réel défi pour un enseignant de SVT est la nécessaire contextualisation de son enseignement. La richesse des établissements du réseau AEFE est entre autre, la nécessaire ouverture sur le milieu local, source inépuisable pour un professeur de SVT ! Je suis consciente de la chance que j’ai eu de travailler en Libye puis au Pérou, et enseigner dans ces lycées biculturels et binationaux m’a toujours amené à chercher dans l’environnement local les exemples pour construire mon enseignement. Ces établissements d’excellence proposent un enseignement conforme à l’exigence des programmes de l’Éducation nationale française et sont porteurs de valeurs universelles – tolérance, humanisme, égalité des chances, curiosité intellectuelle, promotion de l’esprit critique…- ils sont nécessairement ouverts sur le milieu local. Je remercie ici chaleureusement, mes élèves de Tripoli et de Lima qui ont toujours participé avec enthousiasme aux activités de découverte et d’ouverture.
Propos recueillis par Julien Cabioch
Les Sentinelles du Climat le Blog
Jouer à l’éducation au développement durable avec Sim Agro
Peut on faire comprendre aux élèves qu’ils doivent gérer la planète en assumant à la fois les impératifs du développement économique, les exigences envers l’environnement et les équilibres dans la société humaine ? Professeur à Toulon, Philippe Cosentino a imaginé un jeu tout en équilibre entre ces 3 composantes et entre le ludique et le sérieux pour que tous les élèves puissent accéder à la notion du développement durable. Son jeu est mis gratuitement à la disposition des enseignants.
Un modèle venu du quotidien
Ne dites pas à Philippe Cosentino que son jeu est génial. Cet enseignant de SVT expérimenté, interlocuteur académique TICE, auteur déjà d’une quinzaine d’animations et de plusieurs jeux sérieux pour la SVT (Leuco War c’est lui aussi) ne voit plus que les défauts de son dernier jeu « Sim ‘Agro ». Au Café pédagogique, on trouve ce logiciel absolument génial pour faire comprendre en jouant ce qu’est réellement le développement durable. L’équilibre entre le jeu, très prenant car il se passe toujours quelque chose d’inattendu, et le sérieux, rendu explicite à travers les évaluations et les stratégies que doivent trouver les joueurs, est simplement remarquable.
Toujours modeste, Philippe Cosentino explique que le modèle du jeu lui a été soufflé par son environnement quotidien. « J’habite dans une vallée avec des vergers et ce qui se passe dans le jeu c’est ce que j’observe dans la vie réelle », nous a-t-il dit. Dans Sim Agro vous héritez d’un terrain planté de romarin et de quelques arbustes au bord d’une rivière. Vous devez développer un verger en plantant des cerisiers et des oliviers.
L’équilibre impossible entre les 3 composants de l’EDD
Apparemment c’est simple. Sauf qu’il faut concilier votre projet avec ses effets sur l’environnement et sur le voisinage. Il vous faudra résister à la tentation de mettre trop d’engrais ou de pesticides sur vos arbres sinon les pêcheurs manifesteront leur mécontentement. Les sangliers viendront visiter votre verger mais si vous cloturez les chasseurs du village ne seront pas contents. Le berger sera votre ami si vous laissez ses moutons venir chez vous pour débroussailler. Mais les moutons vont brouter quelques uns de vos arbustes. Le débroussaillage coute lui aussi de l’argent. Ne pas le faire c’est voir un incendie ravager le verger. Il y a encore bien d’autres interactions possibles qui donnent à Sim Agro son aspect ludique et stratégique. Tout au long du jeu l’élève reçoit des informations sur son score (noté sur 20) écologique, économique et citoyen.
A priori le jeu est destiné à des premières S et renvoie à la notion d’agrosystème. Mais P Cosentino l’utilise aussi en seconde avec succès. Il peut probablement être utilisé aussi en fin de collège aussi bien en SVT qu’en géographie.
Un jeu sérieux et ludique
Il y a deux impératifs du jeu sérieux destiné à l’éducation nationale que P Cosentino a parfaitement respecté. D’abord le jeu tient sur une séance de cours. « Avec mes élèves, je leur laisse d’abord 5 à 10 minutes pour découvrir le jeu en faisant n’importe quoi », nous a-t-il dit. Ce temps permet de comprendre le fonctionnement du jeu. L’élève découvre que ses actions ont un effet et les aides dont il dispose. Ensuite P Cosentino passe à la phase de jeu. En 20 à 30 minutes les élèves peuvent faire un nombre d’annuités dans le jeu fixé à l’avance, voir les 40 annuités. « On passe ensuite au débat », nous dit P Cosentino. « Je fais remonter les frustrations : les élèves expliquent les choix qu’ils ont fait et ce qui s’en est suivi ».
Les élèves ont alors accès à deux estimations. D’une part à celle qui est inclue dans le jeu. L’élève obtient un score dans les trois dimensions du développement durable. D’autre part la classe construit de façon explicite le modèle de développement durable. « On se rend compte des impacts des apports humains. On voit qu’un agro système n’est jamais équilibré. Et qu’il n’y a pas de réponse miracle pour assurer le développement durable. Mais un sens des responsabilités et la recherche d’équilibre ».
Philippe Consentino nous a fiat un beau cadeau avec Sim Agro. Il a encore d’autres projets en développement et nous n’avons probablement pas fini de parler de lui. D’ici là essayer Sim Agro c’est l’adopter…
François Jarraud
Les jeux réalisés par P Cosentino
DOSSIER : Les jeux sérieux en EDD
Pourquoi les femmes sont-elles plus petites que les hommes ?
C’est le titre d’un film qui propose d’expliquer ce dimorphisme sexuel qui marque l’espèce humaine. Cette nouvelle ressource du réseau Canopé est idéale pour les cours de SVT au lycée : un 52 minutes qui explore différentes pistes : génétique, évolutive, métabolique et culturelle. La réalisatrice Véronique Kleiner laisse la parole aux spécialistes de la question : paléoanthropologue, biologiste, sociologue, chercheurs en évolution. Ce documentaire offre une autre perspective à propos de l’égalité homme-femme.
Et si Lucy était un garçon ?
Après un rappel des déterminismes hormonaux et l’influence du patrimoine génétique, la réflexion sur la taille s’établit au niveau des groupes de population. Le biologiste laisse alors place à l’historien par l’étude des registres des armées. Pourquoi une grande taille est-elle avantageuse pour l’homme ? La loi du combat veut en effet que les cerfs les plus grands soient les plus forts, assurant ainsi une meilleure reproduction. Conclusion pour l’homme : cette compétition serait liée à notre passé polygame. Preuve des combats : la taille déterminante des canines, armes des primates pour vaincre l’adversaire. Mais attention, être grand et fort n’est pas toujours un avantage : la taille a un coût énergétique. Inconvénient majeur en cas de disette alimentaire. Le documentaire s’attaque aussi aux préjugés des scientifiques, remettant en cause le sexe de Lucy.
« Plus la femelle est grande et plus elle serait une bonne mère »
La place de l’alimentation, la santé et plus généralement les conditions de vie expliquent peut-être cette différence de 15 cm à la faveur des hommes. Le documentaire révèle la plasticité de la croissance. On apprend par exemple que chez les tortues, le dimorphisme sexuel varie selon les conditions environnementales. La vidéo souligne aussi la dépense énergétique énorme de la lactation chez les mammifères et les plus forts risques de mortalité à l’accouchement chez les petites. « Plus la femelle est grande et plus elle serait une bonne mère …» Alors la réalisatrice soulève une question légitime : « Pourquoi la femme est devenue plus petite alors qu’elle a tout intérêt à être grande ? » Une nouvelle hypothèse est détaillée avec nos cousins les chimpanzés : la compétition aux protéines. Un ordre social systématique face à la viande expliquerait-il ce dimorphisme ? En résumé, un dvd passionnant et aisément exploitable au lycée en lien avec les programmes de SVT. Une réflexion plus approfondie sur l’égalité homme-femme s’imposera à tous. A Véronique Kleiner de conclure : « Ainsi le corps des femmes serait l’expression concrète d’une inégalité imposée depuis des millénaires ».
Julien Cabioch
Ressource vidéo du réseau Canopé
BAC : publication de l’épreuve de compétences expérimentales au BO
Le BO du 5 mars publie les situations d’évaluation retenues pour l’épreuve de compétences expérimentales au bac S 2015.
Tous les mardis, retrouvez L’Hebdo sciences.