Pas un bouton de guêtres ne doit manquer à la « grande mobilisation pour les valeurs de la République ». Le 22 janvier, Manuel Valls et Najat Vallaud-Belkacem ont donné l’impression d’avoir mis bout à bout toutes les mesures imaginables, à condition qu’elles ne coûtent pas cher. Car il y a de tout dans la grande mobilisation ! Des mesures qui fleurent bon la tradition et des innovations. Des mesurettes symboliques et de vraies politiques. Une mesure se détache : la réforme de la sectorisation des collèges. A l’image de la manifestation du 11 janvier, la mobilisation ratisse large. C’est l’avenir qui dira où elle va…
Pour sauver les valeurs de la République suffit il de les célébrer ? Ou faut-il les rendre visibles et actives dans le destin des milliers de jeunes qui désespèrent de la République ? N Vallaud-Belkacem et M Valls ont opté de faire les deux. Ou plutôt disons qu’ils n’ont pas totalement omis, comme on pouvait le craindre après le discours de F Hollande, de vraies mesures de lutte contre la ségrégation.
Marseillaise et drapeaux
Mais la mobilisation se décline d’abord dans des formes les plus traditionnelles. N Vallaud-Belkacem annonce un reprise en main à l’ancienne des élèves. « Oui, indéniablement, la question de l’autorité à l’école se pose », dit-elle. « Cela s’appelle les règles de civilité et de politesse et dans l’intérêt même des élèves, on ne doit avoir aucune faiblesse envers les comportements qui y portent atteinte. Oui, ces règles doivent être précisées dans un règlement intérieur qui sera, avec la Charte de laïcité, présenté, expliqué aux élèves et à leurs parents qui les signeront pour manifester leur engagement à les respecter. Oui, tout comportement contraire devra faire l’objet d’un signalement systématique au directeur d’école ou au chef d’établissement et ce dernier est invité à y donner suite par un dialogue éducatif solennel associant les parents et le cas échéant une sanction ». La ministre souhaite que les mesures de réparations soient davantage utilisées à l’école.
Elle ressuscite aussi les distributions des prix et les enfants des écoles aux monuments aux morts. » Il sera demandé de définir précisément dans les projets d’écoles et d’établissements scolaires les modalités de participation active des élèves aux commémorations patriotiques ainsi qu’aux semaines de l’engagement et de lutte contre le racisme ». S’ajoutera la journée de la laïcité tous les 9 février. » Enfin, l’organisation solennisée d’un temps annuel d’échanges avec l’ensemble de la communauté éducative (cérémonie de remise de diplômes, valorisation les réussites des élèves, spectacles de fin d’année) sera systématisée. »
L’éducation aux médias dans une éducation civique rénovée
N Vallaud-Belkacem révise l’éducation civique et annonce un « parcours éducatif citoyen » qui sera obligatoire pour tous de l’école élémentaire au lycée, y compris au lycée professionnel ou en apprentissage ce qui est nouveau. Ce parcours aura une épine dorsale : l’enseignement moral et civique (EMC) porté à 300 heures sur l’ensemble de la scolarité. L’entourage de la ministre nous dit que l’enseignement sera donné par les professeurs d’histoire-géo au collège et au lycée. Au lycée professionnel les heures seront prélevées sur les horaires actuels. Ce parcours sera évalué en fin de scolarité obligatoire. Mais le parcours citoyen débordera de l’EMC. Certains thèmes, comme le racisme ou encore l’éducation aux médias, seront inscrits par le Conseil Supérieur des Programmes dans les programmes disciplinaires. Le parcours » se nourrira de la participation des élèves à la vie sociale et démocratique de la classe, de l’établissement. Les conseils d’enfants seront développés à l’école primaire, ainsi que les conseils de la vie collégienne, et les conseils de la vie lycéenne feront l’objet d’un soutien renforcé ». Il » se matérialisera par l’opportunité offerte dans chaque collège/lycée aux élèves de participer à un média (blog, radio, journal, plateforme collaborative en ligne) ». Ainsi le plan n’ets pas que généralisation d el’éducation civique, ce qui est déjà nouveau, mais aussi modernisation en rendant les élèves actifs sur des enjeux contemporains comme l’éducation aux médias.
La ministre promet un effort de formation. L’EMC et l’éducation aux médias intégreront le tronc commun dans les espe et seront évalués aux concours. Un plan de formation continue sera proposé dès l’année scolaire prochaine. Le ministère promet de former un millier de formateurs qui viendront ensuite aider les enseignants à mettre en place l’EMC. Chaque école pourra faire remonter ses besoins de formation.
Suivant l’annonce du président de la République, la ministre veut renforcer l’enseignement du français. « Une évaluation du niveau des élèves en français sera mise en place au début du CE2 pour permettre aux équipes pédagogiques de détecter les difficultés et de mettre en place une réponse adaptée aux besoins de chaque enfant ».
La réforme de la sectorisation des collèges
Mais la réponse qui fera le plus parler d’elles dans les semaines à venir c’est la partie du plan qui veut lutter contre les inégalités sociales. Dans l’entourage de la ministre on assure que la nouvelle politique d’affectation des moyens, qui invite les recteurs à calculer la dotation horaire des établissements en fonction de leur composition sociale, devrait changer la donne dans les établissements populaires. N Valaud-Belkacem ajoute une mesure nouvelle. » Les recteurs vont travailler, à compter de rentrée 2015, à déterminer avec les collectivités compétentes, des modalités plus équilibrées de sectorisation afin de pouvoir remplir pleinement leur rôle dans l’affectation des élèves », dit-elle. « Il est temps de prendre nos responsabilités pour enrayer le séparatisme social dans les établissements scolaires. » Cette réforme de la carte scolaire s’appuiera sur le décret qui permet de créer des secteurs avec plusieurs collèges. Le texte prévoit que « lorsque le conseil général décide… de partager un même secteur de recrutement entre plusieurs collèges afin de favoriser la mixité sociale, les services académiques l’accompagnent dans cette démarche et lui apportent leur soutien, notamment dans le cadre de la procédure d’affectation des élèves qui relève de leur compétence ». En clair, dans les départements où ce choix aura été fait, les parents ne pourront plus demander un collège précis mais un secteur où il y aura au moins 2 collèges. C’est donc le dasen qui affectera les élèves dans les établissements. Et il pourra le faire avec un souci de mixité sociale. Sa circulaire d’application est parue. Mais il faudra du courage politique aux élus locaux pour prendre la responsabilité de les appliquer.
Le gouvernement réunira à nouveau les recteurs et Dasen le 9 février. Un comité interministériel sur la lutte contre les inégalités aura lieu début mars. Enfin des assises de la grande mobilisation sont prévues en fin d’année scolaire. « L’esprit du 11 janvier est un sursaut. Il faut l’apporter à l’école », dit Manuel Valls. Au total, la « grande mobilisation » est chiffrée par le ministère à 250 millions en trois ans, financés par redéploiement de fonds gelés. La grande mobilisation a lieu sans que le gouvernement demande un budget de guerre.
François Jarraud