« La question du système de notation est un faux problème ». Etienne Klein, président du « jury » constitué pour la Conférence nationale sur l’évaluation, a annoncé que l’idée de supprimer les notes ne ferait pas partie des recommandations du jury. La seconde journée de la Conférence, le 12 décembre, a alterne réalisations d’établissements et interventions d’experts. Une seule question a été sérieusement traitée : celle de la docimologie. Le recommandation du jury pourrait s’arrêter là.
La seconde journée de la Conférence nationale sur l’évaluation, le 12 décembre, a vu défiler des représentants d’établissements scolaires de l’école jusqu’au lycée : un collège de Loos-en-Gohelle, une école de Toulouse, l’école Molière d’Arras, le collège de Sancerre, des lycées professionnels de l’académie de Strasbourg. Tous ont développé des modes d’évaluation par compétence qui souvent sont un élément de démarches plus larges d’accompagnement des élèves.
Des projets d’établissements
Ainsi à l’école de Toulouse, les évaluations sont préparées avec des exercices d’auto-évaluation de durée variable selon les élèves. Des bilans de séquence permettent de vérifier les acquisitions et ce qui reste à acquérir avant l’évaluation. Lors de celle-ci les tâches sont du même type que celles des situations proposées lors de la phase préparatoire. L’accent est mis sur la confiance et la clarté des attendus.
Au collège de Loos-en-Gohelle, les élèves disposent d’un bulletin trimestriel où les compétences transversales sont évaluées (ci-dessous). Dans les L.P. de l’académie de Strasbourg des compétences transversales sont ajoutées au livret classique.
La docimologie science populaire ?
Du coté des experts, Jean-Marc Monteil et Pierre Merle ont évoqué les acquis en docimologie. P. Merle notamment a démonté la réputation des notes. Il a montré les biais globaux et individuels de notation. Il en a montré les effets sur les élèves. Par exemple il a évoqué les retombées des logiciels de notes sur la relation à l’école. Les parents ont souvent la note avant l’enfant, ce qui fragilise la confiance avec l’enseignant, et toute la famille se focalise sur la note. Pierre Merle définit ce que devrait être une « bonne » évaluation au service des apprentissages :
1 – Préserver l’anonymat social et scolaire de l’élève
2 – Préférer une évaluation formative à une évaluation sommative
3 – Intégrer l’évaluation dans le processus d’apprentissage
4 – Supprimer les « comparaisons sociales forcées »
5 – Fonder l’évaluation sur des compétences et connaissances standardisées
6 – Construire une synergie entre les évaluations des élèves et celles des établissements
Un bilan final fort mince ?
En conclusion des journées, Etienne Klein, président du jury, a donné les grandes lignes des recommandations que le jury devrait transmettre à la ministre en janvier 2015. « La question du système de notation est un faux problème » affirme-t-il. Il n’y aura donc pas de suppression des notes. Par contre le jury recommandera « une évaluation plus riche », c’est à dire probablement par compétences mais « en évitant un surcroit de travail des enseignants ». Le souvenir du livret personnel de compétences est là et le jury voudrait à la fois permettre l’évaluation par compétences sans en faire un monstre bureaucratique.
« La docimologie doit devenir une science populaire ». Le jury devrait aussi recommander une formation à la docimologie, qui semble la grande découverte d’Etienne Klein. Il devrait proposer de distinguer nettement les moments d’évaluation formative et sommative. La nouvelle évaluation devra aussi « aider les enseignants à faire progresser les élèves ». Mais le jury ne parlera pas « d’évaluation bienveillante », la formule ayant été déformée par les médias en baisse des exigences.
Florence Robine, directrice de l’enseignement scolaire, a écarté l’idée que la conférence ait été à sens unique en estimant qu’il n’y avait plus de débat pour les chercheurs. « Il y a des débats de fond qui sont tranchés et on est dans le cadre de la loi d’orientation. Elle définit le cadre d’une évaluation positive », a-t-elle dit. « Il y a la loi, la refonte du socle, l’écriture des programmes, la logique des cycles, la réforme du collège. Tout ça doit être mis en cohérence… Comment on accompagne les enseignants ? Que produit-on comme ressources ? Quels types de formation met-on en place ? Quelle réflexion sur le livret scolaire numérique ? » C’est au vu de ces questions et de ces éléments que la ministre devrait trancher. Mais comment concilier une évaluation par compétences du socle commun et la tradition scolaire ? Le président du jury promet de trouver « le juste milieu ». Florence Robine parle de trouver le « consensus minimum ». On ne sait toujours pas comment on impulse et accompagne un tel changement.
François Jarraud