Inspecteurs et personnels de direction vont-ils constituer un seul corps ? La grande alliance des cadres du système éducatif est au programme même si elle est loin d’être prête. Mercredi 19 novembre, les syndicats Unsa des personnels de direction, des inspecteurs (IPR et IEN) et des gestionnaires envisagent cet avenir commun. Il y a bien sur des ambitions catégorielles. Il y a aussi la réforme territoriale et ses conséquences sur l’encadrement. Surtout il y a la question des professeurs. Créer un nouveau corps d’encadrement c’est répondre à la question du pilotage déficient des écoles et des établissements…
Qui sont ces personnels d’encadrement ?
On compte d’abord les personnels de direction (principaux, proviseurs) qui sont environ 13 000. S’ajoutent les corps d’inspection avec environ 2400 inspecteurs de l’éducation nationale, en charge du premier degré très majoritairement, et les inspecteurs pédagogiques régionaux (IPR IA) qui sont près de 1300. Une partie d’entre eux sont à la tête d’une circonscription (DASEN, environ 130). Enfin il y a les gestionnaires.
Ces corps ont des indices différents, les mieux lotis étant semble-t-il les IPR. Ils ont des cultures différentes. Et par suite des ambitions différentes. Les IPR ont une culture étroitement disciplinaire. Ce sont généralement d’anciens professeurs agrégés et le baton de maréchal pour eux c’est l’inspection générale. Les IEN englobent toutes les disciplines du primaire et doivent aussi gérer les enseignants d’un secteur. Ils viennent souvent du premier degré. Les personnels de direction doivent piloter un établissement scolaire, depuis la gestion administrative jusqu’aux emplois du temps. Philippe Tournier, secrétaire général du Snpden, le syndicat des personnels de direction, résume avec humour le métier : « Nous encadrons des cadres qui ne savent pas qu’ils le sont. Chez les autres cadres on donne des ordres et on obéit. Nous, nous sommes dans la négociation continuelle »… Leur origine est plus diversifiée même si les anciens enseignants dominent. L’ambition c’est de gérer un grand lycée de centre ville.
Du corps à l’emploi
Mais l’encadrement évolue, rappelle la sociologue Hélène Buisson Fenet, « on passe d’une idée de corps à une idée de mission ». Selon elle, un fossé se creuse entre le corps d’origine et l’emploi réellement exercé. Les statuts sont ainsi contournés par en haut et par en bas (par des « faisant fonction » par exemple). Les compétences se diversifient : on attend d’un cadre à la fois des compétences techniques, légales et de l’expérience. Le système éducatif a besoin de cadres capables d’évaluer les enseignants et de dialoguer avec les collectivités territoriales. Il faut aussi qu’ils soient plus interchangeables. On est passé de l’idée de corps d’encadrement à des missions d’encadrement. Une évolution nécessaire au système éducatif mais qui fragilise les statuts actuels.
Evaluer les enseignants ?
Car le premier enjeu c’est bien le pilotage des établissements et la gestion des enseignants. Le problème du pilotage et régulièrement mentionné dans les rapports de l’institution. Le système de l’évaluation duale des enseignants du second degré par un inspecteur pour la partie pédagogique et le chef d’établissement pour la partie administrative est très critiqué par les cadres présents. On en veut beaucoup à Luc Chatel et ses successeurs d’avoir cédé là-dessus. « Il faut un vrai patron dans les établissements », affirme Jacky Simon, inspecteur général. Aujourd’hui les enseignants peuvent jouer l’inspecteur contre le proviseur. Demain ils pourraient bien avoir un interlocuteur unique chargé de faire tourner l’établissement. « Il faut une nouvelle culture commune , une culture plus partagée, pour que dans le contact avec les enseignants ils n’entendent pas rouge un jour et bleu le lendemain et que l’encadrement soit plus proche », explique Alain Bouvier, ancien recteur . « On est 20 000. Il faut qu’on travaille ensemble pour encadrer un million d’enseignants », nous confie Guy Perquignot, secrétaire général adjoint du SIEN Unsa.
Répondre à la réforme territoriale
Un autre argument est avancé par le SNPDEN : c’est la réforme territoriale. « Au lieu d’avoir une centaine d’interlocuteurs, les établissements ne vont plus en avoir que 13 et cela va changer considérablement les relations entre les collectivités territoriales et les établissements ». De fait la réforme territoriale confie la gestion matérielle des collèges et des lycées (pas de leurs personnels) aux régions. Cela renforcera leur poids. Les directeurs régionaux de l’éducation pourraient bien devenir plu puissants que les recteurs. Pour le Snpden, il faut un encadrement renforcé pour faire face à cette mutation.
Des cadres en ordre dispersé
Mais, le 19 novembre, les responsables syndicaux voient bien différemment l’idée du grand corps d’encadrement. Roger Keime, secrétaire général du syndicat Unsa des IA-IPR n’y voit pas grand intérêt. « Les IPR ne veulent pas devenir principal de collège », explique-t-il. « Ces nouvelles perspectives pourraient bien détourner d’éventuels candidats du concours ». Jean-Marc Bœuf, secrétaire national I&A Unsa, le syndicat des gestionnaires, marque aussi un certain désintérêt. Restent les IEN et les personnels de direction. Pour Guy Pequignot, secrétaire général adjoint du SIEN Unsa, « on est tous dans le pilotage du système » et il juge possible le grand corps si la formation suit. Mais « il ne s’agit pas de fusionner les corps, mais d’avoir une culture commune et de travailler en commun », nous dit-il. Organisateur du colloque, le SNPDEN est le plus intéressé, ne serait ce que pour assurer une carrière aux personnels de direction. Mais là aussi « pas question de fusion ».
Avant que le grand corps existe, le ministère imagine des emplois de mission qui ouvrent des perspectives aux cadres. Début novembre, il a proposé aux inspecteurs et aux personnels de direction la création d’un « emploi de cadre fonctionnel » comprenant un peu moins de 400 postes de directeur de cabinet de recteur, conseiller de recteur, proviseur vie scolaire ou adjoint de Dasen. 223 seraient proposés à des inspecteurs et 82 aux personnels de direction. A la clé des indemnités très confortables.
François Jarraud