Requalifier les métiers et redéfinir les fonctions : tels étaient les objectifs des groupes de travaux sur la modernisation des métiers de l’Éducation nationale selon Najat Vallaud Belkacem. Le 13 novembre, la ministre à présenté les conclusions de deux années de négociations. Peu d’annonces inattendues au final. C’est un cycle de travail important qui se clôt, rythmé par des échanges intenses avec les syndicats, estime la ministre. Sur un sujet aussi sensible, les ministres successifs ne se sont pas brûlé les doigts. Mais tous les dossiers ne sont pas clos. Celui des indemnités va s’ouvrir en 2015.
Najat Vallaud Belkacem a présenté le 13 novembre les conclusions des 14 groupes de travail qui ont redessiné les métiers de l’enseignement. Après des dizaines d’années sans réels changements, les statuts sont toilettés. Le ministère a mis l’accent sur le primaire et le prioritaire. Certains corps gagnent quelques avantages.
L’éducation prioritaire
L’éducation prioritaire se voit dotée de nouveaux moyens : création de postes, revalorisation des indemnités, des crédits hors rémunération pour financer la formation et les projets pédagogiques, poursuite de la mise en place déjà engagée des réseaux d’éducation prioritaire. Les enseignants des Rep et Rep + bénéficieront d’une indemnité de 1734€ par an en Rep et 2312 € en Rep+ au lieu de 1156 à 1656 € précédemment versés. Leur temps de service est allégé d’une heure et demie pour un certifié de façon à permettre le travail en équipe. Les personnels impliqués des Rep devraient se voir proposer un accès au Graf, un nouveau grade après la hors classe.
Valorisation et reconnaissance dans le primaire
Pour le primaire, le principal changement c’est le versement de l’ISAE à tous les enseignants. Cette indemnité de 400 euros réduit l’écart de revenu entre le primaire et le secondaire sans le supprimer (dans le second degré l’ISOE correspond à 1200 euros par an). Les fonctions des personnels enseignants du premier degré sont distinguées dans leur diversité : enseignement, direction, conseil ou référent, formation des maîtres, prise en charge de besoins particuliers (Clis, Segpa, Erea, Rased…), mission administrative ou pédagogique. Des revalorisations sont prévues pour les enseignants en situation particulière : indemnités des référents pour la scolarisation des élèves handicapés (1250€ brut par an) et des responsables locaux des unités pénitentiaires, obligations de service de 24h dans les établissements médico-sociaux.
L’évolution du statut des directeurs d’école était très attendue. Leur temps de décharge augmente progressivement à partir de 9 classes (de ¼ à 1/3 du temps). Leur indemnité de direction augmente de 100 à 400 euros. Ils peuvent espérer une simplification de leurs tâches administratives et le recrutement de 15 000 emplois aidés pour les aider à y faire face. L’élaboration d’un guide juridique et la mise en place d’une assistance juridique de premier niveau, témoignent de la prise en compte d’importantes évolutions de leurs responsabilités au cours des dernières années.
Les RASED (réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté), menacés d’extinction sous le précédent quinquennat, sont confortés dans leur rôle de soutien avec quelques modifications. Le travail en équipe est intégré dans les 108h annuelles d’obligation de service des maîtres E et G, des formations spécialisées seront proposées en ESPE pour les personnels souhaitant évoluer ou changer de spécialité. Deux pôles de pilotage sont distingués : les écoles pour les interventions auprès des élèves et la circonscription pour le « pôle ressource ».
Les maîtres formateurs (PEMF) se partageront entre formation initiale en ESPE et tutorat des professeurs débutants, et accueil et accompagnement des étudiants stagiaires. Ils seront encouragés à participer aux projets de type « recherche-action » en ESPE et seront pleinement intégrés dans les masters d’enseignement (MEEF). Ils bénéficieront d’1/4 de décharge et d’une indemnité, leur expérience sera prise en compte dans leur évolution de carrière. L’indemnité des IFIPEMF est portée de 929 à à 1250€ par an.
Le rôle d’expert auprès des professeurs des écoles des conseillers pédagogiques sera davantage reconnu. Ils pourront être recrutés sur des postes à profil, et la rénovation de la certification favorisera leur accès aux masters de formation, pour accompagner les enseignants au long de leur carrière.
Côté numérique, les animateurs TICE verront leurs compétences reconnues par une certification complémentaire en tant que formateurs, ou bénéficieront d’une décharge d’enseignement comme animateurs pour accompagner au mieux l’application du plan de développement du numérique. Ils bénéficieront d’une indemnité qui devrait être d’environ 1200 euros selon le cabinet.
Une logique indemnitaire unique dans le secondaire
Dans le secondaire, l’ensemble des missions des enseignants est redéfini dans un texte réglementaire, le décret du 23 août 2014, élaboré avec l’accord des syndicats, et applicable à la rentrée 2015 à la place des décrets de 1950. Il distingue entre missions principales d’enseignement et missions complémentaires, qui supposent des responsabilités particulières et sont fondées sur le volontariat : coordination de discipline, de cycle ou de niveau, travail de référent… Ces missions feront l’objet de décharge horaire et d’indemnités qui devront être négociées en 2015. La différence des statuts entre certifiés et agrégés n’est pas remise en cause. Mais le calcul du régime indemnitaire des missions complémentaires tendra à uniformiser : la rémunération des missions complémentaires tiendra compte du service rendu et non du statut, avec une indemnité unique, et non le paiement en HSA (heure supplémentaire annuelle) variable selon les corps qui prévalait jusqu’alors.
La principale nouveauté c’est la création d’une fonction de professeur formateur du second degré assumant de la formation en ESPE. Ils bénéficieront d’une prime de 834 € par an.
Pour les CPE, leurs perspectives de carrière seront améliorées par l’accès des CPE au GRAF tet l’augmentation des taux d’accès à la hors classe.
Les chefs de travaux, enfin, requalifiés en « directeurs délégués aux enseignements technologiques et professionnels » se voient reconnus une fonction à part entière dans l’organisation et la coordination des enseignements technologiques et professionnels. La fonction d’assistant chef de travaux sera officiellement définie dans une nouvelle circulaire. Un régime indemnitaire harmonisé et valorisé va remplacer la rémunération aléatoire en heures supplémentaires qui prévalait dans les établissements. Leur indemnité est augmentée de 2600 €.
Une redéfinition des missions d’encadrement
Pas de corps commun des inspecteurs et personnels de direction. La mobilité fonctionnelle sera favorisée entre le corps des personnels de direction et le corps des personnels d’inspection mais les missions des uns et des autres se voient réaffirmées dans leurs spécificités. Pour la direction, l’ouverture des fonctions à des missions de partenariat local, en plus des missions de pilotage et d’application de la politique académique ainsi que de la gestion de proximité des ressources humaines, est mise en évidence. La fonction de suivi et de contrôle du travail des enseignants, pour les tâches annexes à la pédagogie, vient complèter la mission pédagogique des inspecteurs. Un nouveau classement des établissements complexes (lycées ou collèges importants, Rep +…), une étude des fonctions spécifiques, et une valorisation de la prise de responsabilité stratégique dans leur parcours professionnel, permettront aux personnels de direction de mieux exercer leurs fonctions.
Les IEN et les IA-IPR voient affirmées leurs fonctions de pilotage, de contribution à la professionnalisation des personnels d’enseignement et d’éducation, au même titre que leurs fonctions d’évaluation des enseignants. L’engagement pédagogique des IA-IPR dans les missions pédagogiques académiques sera valorisé par un avantage indiciaire.
Les autres métiers de l’éducation nationale ne sont pas oubliés. L’attention du ministère se porte aussi très attentivement sur le recrutement des personnels d’accompagnement, avec la création d’un corps unique de conseillers d’orientation et psychologues scolaires, recrutés et formés en même temps que les enseignants dans le cadre des ESPE. Les personnels contractuels bénéficieront d’une meilleure rémunération et d’une prise en compte de leur parcours antérieur pour leur reclassement.
Reste qu’il n’est pas si aisé de donner de l’attrait aux carrières de l’Éducation, quand les conditions d’exercice ne promettent guère de s’améliorer et que le contexte économique limite considérablement les élargissements budgétaires. Les mesures négociées ne sont pas à même de changer la donne sur ce point.
Jeanne-Claire Fumet
Le métier d’enseignant est bien profondément inégalitaire. C’est le portrait que signent Solène Hilary et Alexandra Louvet dans l’édition 2014 du Portrait social publié par l’Insee. Une analyse percutante appuyée par des données indiscutables.
« Près de la moitié des enseignants de l’Éducation nationale exerce dans le second degré public. Cette profession a subi une baisse notable de ses effectifs depuis le milieu des années 2000, alors que le nombre d’élèves restait relativement stable », commencent les auteurs. Pour elles « les conditions d’exercice du métier en ont été affectées : le nombre d’élèves par classe a augmenté ». Après tant d’années où la droite montrait un graphique du rapport élèves profs peu flatteur pour ces derniers, l’Insee publie un graphique qui montre la réalité des années Chirac Sarkozy : moins de professeurs, plus d’élèves par classe.
Un autre apport de cet article c’est de faire le point sur les inégalités à l’intérieur de la profession. « Les 380 000 enseignants du second degré public se répartissent entre plusieurs centaines de disciplines et différents statuts (agrégés, certifiés, professeurs de lycée professionnels, etc.). Ces caractéristiques déterminent en partie leur nombre d’heures de cours, leur rémunération ainsi que le type d’établissement où ils exercent et les classes auxquelles ils enseignent ».
Enfin elles analysent les difficultés pour attirer des jeunes dans ce métier. Certes le niveau salarial est faible. Mais il y a aussi la dureté des débuts de carrière. Mais ce n’est pas tout. « L’anticipation de conditions de travail parfois difficiles, en particulier en début de carrière, concourt probablement aux difficultés de recrutement constatées depuis 2011. Elles sont accentuées par l’augmentation des exigences de diplôme à l’entrée dans le métier depuis 2010. » Autrement dit la masterisation n’a rien arrangé.
François Jarraud
Insee
http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/FPORSOC14b_VE2_education.pdf
Un rapport officiel confirme la baisse du niveau de vie des fonctionnaires
« Par rapport à 2011, le salaire net moyen ‘en 2012) augmente de 1,1 % en euros courants, en ralentissement par rapport à l’année précédente (+2,0 %). Pour les titulaires des ministères, l’évolution des primes et rémunérations annexes (+2,6 %) ralentit par rapport aux années précédentes et la hausse du traitement brut reste modérée en 2012 (+1,2 %), dans un contexte de stabilité de la valeur du point d’indice. Compte tenu d’une hausse des prix y compris tabac de 2,0 % en moyenne annuelle en 2012, le salaire net moyen diminue de 0,8 % en euros constants après avoir diminué de 0,1 % l’année précédente ». C’est un des enseignements du Rapport annuel sur l’état de la fonction publique.
http://cafepedagogique.studio-thil.com/LEXPRESSO/Pages/2014/11/06112014Article6[…]
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