Le numérique doit-il perfuser dans l’Ecole ou l’informatique devenir un enseignement à part ? Dans ses recommandations « pour bâtir une école créative », remises le 3 octobre, le Conseil national du numérique voudrait les deux mais penche vers le second terme. La culture ‘informatique » l’emporte sur les usages numériques. Il publie un ensemble de recommandations qui soutiennent à la fois une pédagogie de projet appuyée sur les outils collaboratifs du numérique et les dispositifs déjà expérimentés du cloisonnement entre l’informatique et l’Ecole.
Créé pour « formuler de manière indépendante et rendre publics des avis et des recommandations sur toute question relative à l’impact du numérique sur la société et sur l’économie », le Conseil national du numérique (CNN) est composé de représentants d’entreprises du secteur du numérique et de chercheurs parfois en lien avec elles. Le rapport remis le 3 octobre avance 40 propositions.
Parmi elles la création d’un « corps d’enseignant d’informatique compétents » qui s’appuierait au départ sur des professeurs déjà en poste au collège et en lycée mais s’ouvrirait « à des chercheurs et ingénieurs informaticiens ou aux enseignants de l’éducation populaire ». Dotés d’un master en informatique, et non en métiers de l’éducation, ils agiraient dans le secondaire. Au primaire « l’enseignement de l’informatique » porterait sur « les rudiments de la pensée informatique en mode connecté ou pas », c’est à dire un apprentissage sans ordinateurs… Au secondaire le CNN revendique au collège rien moins que « une année centrée sur l’apprentissage de la programmation » en s’appuyant sur les heures de technologie. Au lycée l’enseignement de l’informatique serait introduit dans toutes les filières. Mais en même temps le CNN recommande un « bac humanités informatiques » qui serait enseigné également par des membres d’associations et pourrait être passé à distance. Tout cela n’empêche pas le CNN de demander aussi « d’inciter chaque enseignant à intégrer dans sa discipline des éléments du référentiel de littératie numérique ». Le rapport est incapable de faire la synthèse entre enseigner à une élite la science informatique et donner à tous les clés de la société numérique.
Plusieurs propositions semblent totalement décalées par rapport à des objectifs éducatifs mais visiblement pas pour le CNN. Ainsi il veut « garantir un marché francophone ouvert aux innovations » ou « inventer de nouveaux modèles d’affaire pour le monde de l’édition » (recommandations 26 et 34). Il s’agit notamment de partager avec les entreprises « les cadres d’utilisation des données de l’éducation ». Il n’y a pas qu’entre nuémrique et informatique que le CNN a du mal à faire des choix.
Mais on retiendra surtout de ce rapport son incapacité à dépasser les frontières et à penser une culture numérique pour l’Ecole. Ce que propose le CNN c’est, comme dans les années 1970 et 1980, un enseignement de l’informatique, un territoire, un concours spécifique, des places et des postes. Là où il faudrait construire une culture scolaire commune du numérique.
François Jarraud