Chaque année la publication des « Regards sur l’Education » de l’OCDE jette un coup de projecteur puissant sur l’état réel de l’Ecole. Cette année, l’OCDE est plutôt indulgente. Mais elle marque les singularités de l’Ecole française : inégalités entre primaire et secondaire, faibles salaires enseignants, formation des enseignants à améliorer…
- L’OCDE souligne les fortes inégalités entre le primaire et le secondaire
- OCDE : En France le métier enseignant se décline singulièrement
- OCDE : Les enseignants français sont mal formés
Si les enseignants français ont des salaires inférieurs à la moyenne de l’OCDE, l’octroi de primes et d’avantages pour les enseignants des lycées creuse l’écart avec les salaires des professeurs du primaire. C’est un des principaux enseignements de Regards sur l’Education 2014 publié par l’OCDE le 9 septembre. Une autre leçon c’est que les professeurs bien pays font des élèves plus performants…
Les heures sup’ creusent l’écart..
« En moyenne, dans les pays de l’OCDE, le salaire statutaire (c’est-à-dire primes et paiement des heures supplémentaires non inclus) des enseignants ayant au moins 15 ans d’exercice à leur actif s’établissait en 2012 à 37 350 USD (contre 33 994 USD en France) dans l’enseignement préprimaire, à 39 024 USD (contre 33 994 USD en France) dans l’enseignement primaire, à 40 570 USD (contre 37 065 USD en France) dans le premier cycle de l’enseignement secondaire, et à 42 861 USD (contre 37 355 USD en France) dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire », annonce l’OCDE. En dessous des moyennes de l’OCDE, le salaire des enseignants n’atteint et ne dépasse la moyenne qu’en fin de carrière. Mais pour y accéder il faut au minimum 29 années d’ancienneté contre 24 en moyenne dans l’OCDE.
Monter pour avoir un salaire normal
Mais la réalité est différente de cette situation théorique. « En France », poursuit Regards sur l’Education, l’écart de salaire effectif moyen entre les enseignants de l’enseignement préprimaire et ceux du deuxième cycle de l’enseignement secondaire s’établit à près de 30 %, tandis que l’écart de salaire statutaire entre les enseignants (ayant 15 ans d’exercice à leur actif) de ces deux niveaux n’est, par exemple, que de 10 %. Ces différences s’expliquent en partie par la diversité des politiques d’octroi de primes entre le premier et le second degré, mais aussi par l’âge des enseignants du préprimaire, plus jeunes en moyenne que ceux du secondaire ».
Ce qu’il faut retenir c’est qu’en France, plus on enseigne à un niveau élevé d’enseignement plus le salaire réel est proche de celui des actifs diplômés de l’enseignement supérieur dans le privé. « Ainsi, le salaire des enseignants en poste dans l’enseignement primaire représente, en France, 72 % du salaire d’autres actifs occupés diplômés de l’enseignement tertiaire âgés de 25 à 64 ans et travaillant à temps plein toute l’année (contre 85 % en moyenne OCDE). Ce pourcentage du revenu de référence représente en France 86 % dans le premier cycle de l’enseignement secondaire (contre 88 % en moyenne OCDE) et 95 % dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire (contre 92 % en moyenne OCDE) », note l’OCDE. Le système éducatif décourage donc les enseignants d’exercer là où leur savoir faire est le plus utile : sur l’enseignement obligatoire, à l’école et au collège. Pour trouver un niveau de rémunération normal ils doivent viser plus haut.
L’inégalité existe aussi dans les temps de service. « Il n’y a qu’en France, en Grèce, en Indonésie, en Israël, en République tchèque et en Turquie que les enseignants donnent au moins 30 % d’heures de cours de plus par an dans l’enseignement primaire que dans le premier cycle de l’enseignement secondaire. Ainsi, en France, les enseignants du primaire sont, en moyenne et par an, 924 heures devant les élèves, soit 142 heures de plus que la moyenne de l’OCDE, qui s’établit à 782 heures ».
Singularité française : la baisse chronique du salaire enseignant
Dernière singularité française. Alors que les salaires enseignants dans l’OCDE sont restés stables depuis 2005 après une hausse jusqu’en 2009, en France ils n’ont cessé de baisser depuis 2006 de façon quasi régulière. Le blocage du point fonction publique assure une dégradation régulière du métier. Voilà aussi qui a à voir aussi avec les difficultés de recrutement.
Et le défi du recrutement ?
Cette situation a à voir avec la crise du recrutement. Les diplômés ne sont pas incités financièrement à enseigner à l’école ou au collège. Comment faire face à ce défi ? Pour l’OCDE, la question se décline aussi en sous questions ayant des réponses différentes. C’est d’abord comment attirer les meilleurs étudiants dans l’enseignement ? Singapour a répondu en effectuant du pré recrutement en université. L’Angleterre en offrant des primes dans les disciplines en déficit. Comment garder les enseignants ? En Grèce, au Portugal, le temps d’enseignement est réduit avec l’ancienneté. On peut aussi citer la Belgique francophone où les enseignants expérimentés basculent vers la formation en fin de carrière. Enfin comment attirer des enseignants vers les établissements difficiles ? En général en les payant mieux. Ainsi en Estonie ils reçoivent une prime de 13 000 euros. Au Brésil leur salaire est augmenté de 60%. La conclusion que tire l’OCDE c’est qu’il ne suffit pas de payer mieux les enseignants il faut aussi etre capable de moduler leur paye et d’éviter sa rigidité.
Pourquoi faut-il payer correctement les enseignants ?
Mais il y a une autre raison pour laquelle il faut se soucier de la paye des professeurs. C’est qu’elle a à avoir avec le niveau des élèves.
« Il ressort des résultats de l’enquête 2012 du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de l’OCDE », écrit Regards sur l’éducation, « que les systèmes d’éducation performants tendent à privilégier de hauts salaires pour les enseignants, notamment dans les pays à haut revenu. Parmi les pays et économies où le PIB par habitant est supérieur à 20 000 USD (au nombre desquels figure la France), les systèmes d’éducation qui rémunèrent davantage leurs enseignants (soit ceux dans lesquels le salaire des enseignants est supérieur au revenu national par habitant) obtiennent généralement de meilleurs résultats en mathématiques ». Une leçon de statistiques à faire remonter…
François Jarraud
Regards sur l’éducation
http://www.oecd.org/fr/edu/rse.htm
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- OCDE : En France le métier enseignant se décline singulièrement
- OCDE : Les enseignants français sont mal formés
Puisant dans ses différentes enquêtes, l’OCDE, dans Regards sur l’éducation 2014, livre aussi quelques singularités du métier d’enseignant en France. Quelle est l’utilité d’avoir un nombre d’heures d’enseignement aussi important ? Qu’enseigne-t-on vraiment ? Et avec qui ?
Quelle durée de l’enseignement ?
Singularité bien connue du système éducatif français, les professeurs et les élèves français ont nettement plus d’heures de cours que ceux des autres pays de l’OCDE. Et ils sont regroupés sur un nombre de semaine plus faible. Ainsi en 2012 les enseignants du primaire assuraient 936 heures de vat élèves soit 156 de plus que la moyenne.
Mais ce temps théorique est-il réellement consacré à l’enseignement ? Dans le secondaire, les données OCDE montrent aussi que la France fait partie, avec les Pays Bas ou le Portugal, des pays où l’heure de cours est la plus grignotée par d’autres tâches que l’enseignement. Un quart de chaque heure de cours est consacré au maintien de l’ordre en classe. Ainsi la durée réelle de l’enseignement diffère-t-elle de la durée théorique..
Quels contenus d’enseignement ?
Comment est utilisé le temps d’enseignement ? On entend dire qu’il faudrait revenir aux fondamentaux et arrêter le grignotage du temps scolaire par les disciplines « non fondamentales ». Or le système éducatif français fait partie de ceux qui consacrent déjà le plus de temps au français et aux maths : près de 60% du temps scolaire au primaire. Seuls le Portugal et le Mexique leur accordent davantage de place. La Finlande n’y consacre que 40% du temps scolaire. Au collège 30% du temps est consacré au français et aux maths contre 22% en Finlande.
La solitude enseignante
Mais peut-être la caractéristique la plus lourde du métier enseignant est l’isolement.
De tous les pays de l’OCDE, il n’y a qu’en Espagne et en Islande où les enseignants ont encore moins de contact avec les autres enseignants. Quatre professeurs sur cinq déclarent ne jamais observer travailler leurs collègues et ne jamais avoir de retour sur sa façon de travailler. Cela a à voir avec le désintérêt envers la pédagogie constaté dans la formation officielle des enseignants. On mesure le caractère révolutionnaire des rares moments où les enseignants sont en équipe, comme les TPE. Parler moins d’équipe éducative et créer les conditions matérielles concrètes de son fonctionnement pourrait réellement révolutionner l’Ecole française.
François Jarraud
Regards sur l’éducation
http://www.oecd.org/fr/edu/rse.htm
- L’OCDE souligne les fortes inégalités entre le primaire et le secondaire
- OCDE : En France le métier enseignant se décline singulièrement
- OCDE : Les enseignants français sont mal formés
Alors que la France fait partie des très rares pays à exiger un master même en maternelle cette formation de haut niveau n’échappe pas à la critique de l’OCDE dans Regards sur l’éducation 2014. Ultra formés sur le plan académique, les enseignants français le sont mal sur le plan pédagogique. Et la formation continue n’arrange rien. Mais qui s’en soucie ?
Pour l’OCDE, le niveau de formation des enseignants français est parmi les plus élevés de l’OCDE, particulièrement au primaire. « Un master n’est requis pour enseigner dans l’enseignement préprimaire qu’en Angleterre, en France, en Islande et en Italie », note l’OCDE. « Ce niveau de formation est également requis pour enseigner dans l’enseignement primaire dans 11 des 35 pays dont les données sont disponibles, et dans la filière générale du premier cycle de l’enseignement secondaire dans 17 pays et du deuxième cycle de l’enseignement secondaire dans 22 pays ».
Mais c’est surtout la qualité de la formation qui est interrogée. « En France, 90 % des enseignants s’estiment bien ou très bien préparés quant au contenu de la matière qu’ils enseignent (contre 93 % en moyenne TALIS). À contrario, près de 40% des enseignants se sentent insuffisamment préparés au volet pédagogique de leur métier, soit la proportion la plus élevée des 34 pays participant à l’enquête TALIS ». Les enseignants français sont donc ceux qui se sentent les moins préparés à exercer réellement le métier.
Où en sont les ESPE ?
Les enseignants français ont des demandes importantes concernant l’utilisation des TICE ou l’individualisation de l’enseignement. Mais ces besoins ne sont pas couverts par la formation continue, estime l’OCDE. » Environ 88 % des enseignants déclarent avoir suivi une activité de formation continue au cours des 12 mois précédant l’enquête TALIS », rappelle l’OCDE. « En France, ce pourcentage est inférieur (76 %)… Les formations proposées aux enseignants sont également moins intensives en France. Ainsi, le nombre de jours de formation dans des cours ou ateliers est, par exemple, deux fois moins élevé en France qu’en moyenne dans les pays de l’enquête TALIS (4 jours par an, contre 8 jours par an en moyenne TALIS) ». Les raisons qui freinent la participation des enseignants « sont davantage à mettre au compte du manque d’incitations, de l’incompatibilité de l’emploi du temps professionnel (ou familial), ou de l’inadéquation, aux yeux des enseignants, de l’offre de formation avec leurs besoins ».
Pour Eric Charbonnier, expert éducation de l’OCDE, « la réforme de la formation des enseignants est la réforme la plus utile des réformes engagées dans la refondation. C’est elle qui portera les meilleurs résultats. Or on n’en parle pas ». Pou rl’OCDE il serait intéressant de savoir ce qui se passe dans les ESPE et de pouvoir suivre de près si toutes ont réellement changé la formation initiale des enseignants.
François Jarraud
Regards sur l’éducation
http://www.oecd.org/fr/edu/rse.htm
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