Les débats citoyens en Rhône Alpes, c’est 14 tables rondes publiques pour plus de 1400 lycéens sur 8 départements dans 13 lycées rhônalpins au cours de cette année. Un thème : la citoyenneté, des sujets très variés, du nucléaire aux enjeux migratoires, en passant par les utopies urbaines, et des établissements différents : lycée généraux, agricoles, professionnels. A l’origine du projet, un professeur d’Histoire du lycée Fauriel, Saint-Étienne, Franck Thénard Duvivier. Présent au Forum des Enseignants Innovants de Bordeaux, il présentait l’ambitieux dispositif et ce qu’il en attend : développer les échanges entre élèves, chercheurs, associations et élus, d’une part ; favoriser le développement autonome des rencontres au sein des établissements participants, d’autre part. Après une première année de fonctionnement, les débats citoyens devraient continuer l’an prochain avec le soutien des autorités de tutelle. Un bel exemple de coopération entre structures académiques et entre établissements scolaires.
« C’est un projet qui génère 14 projets tous différents avec un point commun : chacun s’inscrit dans le dispositif de tables rondes, explique Franck Thénard-Duvivier, professeur en classe préparatoire au Lycée Fauriel à Saint-Étienne. Ce n’est évidemment pas une fin en soi, mais le point d’orgue d’un travail mené sur l’année par les équipes d’enseignants. Le principe, c’est de rassembler un chercheur, un acteur associatif et un élu, sur une question en lien avec la citoyenneté . Le questionnement émerge du travail fait en amont par les professeurs. Les invités se mettent au service des questions posées, ils ne se contentent pas d’un discours tout préparé. Certains élèves ont monté des vidéos, d’autres proposent un diaporama. Les collègues s’en tiennent à un rôle de régulation et de distribution de la parole, et les invités jouent le jeu! »
Des restitutions très variées
« Les restitutions prennent des formes très différentes : pages wiki, tweets, café philo, carrefour des métiers… Certains éléments sont présentés sur le site du projet. Mais il y a aussi toutes les activités annexes que les rencontres ont générées : à Givors, par exemple, le chercheur invité, Pierre-Victor Tournier, démographe et statisticien spécialiste de la justice, est resté pour donner des cours de maths à deux classes, de son point de vue de statisticien. D’autres fois, ce sont des rencontres métiers qui ont eu lieu entre les professionnels et les élèves de filières techniques. La diffusion des travaux devrait être hébergée l’an prochain sur Villa-Voice, la plate-forme de la Villa-Gillet, centre de recherches contemporaines, partenaire du projet. Nous avons aussi un projet éditorial : 9 lycées volontaires participent à la rédaction d’un ouvrage, chacun rédige 25 à 30 pages de restitution des travaux réalisés. . Restitution des travaux réalisés. »
Surmonter les appréhensions
« Nous avons parfois rencontré une grosse appréhension de la part des enseignants concernant la table ronde. Nous avons organisé une journée de préparation, avec la participation de Michel Lussault, le Directeur de l’IFE (Institut Français de l’Éducation) qui nous a coaché sur ce sujet. Nous allons prolonger ce travail par la mutualisation des pratiques pédagogiques prévue en septembre. Nous essayons de déterminer le temps et les moyens nécessaires pour chaque rencontre, afin de mieux organiser les pratiques. Il y a de très bonnes idées, qui ne demandent pas un travail considérable, à noter noir sur blanc pour ne pas les perdre et les partager. »
Faciliter le travail des enseignants participants
« Chaque collègue a en charge la dimension pédagogique ; mais mon lycée gère le partenariat, l’administratif, le financier, la communication (programmes, affiches, journaux). Les enseignants essaient de trouver des intervenants ; s’ils n’y parviennent pas, nous les aidons, en particulier pour les élus et les chercheurs. J’avais prévu une douzaine de thèmes, les collègues ont pu faire leur choix. Pour l’an prochain, nous allons composer une liste de thème en relation avec les actualités de la Villa Gillet. Les lycées choisissent leur intitulé, leurs dates, mais tout l’aspect financier passe par le lycée Fauriel. On finance aussi les déplacements des élèves pour faciliter les échanges entre établissements. On essaie de faciliter la démarche en proposant le cadre, pour que les collègues puissent se lancer plus facilement : il s’agit de leur montrer qu’on peut monter de telles opérations dans le secondaire. Parmi ceux qui ont eu le plus grand besoin de soutien cette année, on trouve l’équipe qui a été la première à rendre une fiche de projet pour l’an prochain. Il suffit d’essayer pour s’en sentir capable ! Les lycées ont toute l’infrastructure nécessaire , pour ce genre de rencontres. C’est tout sauf un projet élitiste : tous les établissements sont concernés, chaque fois, on fait travailler ensemble une classe pro et une classe générale. »
Une formation au PAF interacadémique
« L’idée, à terme, serait de reconduire le projet pour l’améliorer : au niveau enseignant, il y a beaucoup à gagner à la mutualisation des pratiques pédagogiques. Deux académies nous soutiennent en mettant la journée de préparation au PAF interacadémique. L’opération ne coûte rien, nous sommes accueillis à la Villa Gillet, mais il faut dégager les heures. Le besoin et l’expérience d’une interactivité entre les établissements existent, elle doit se faire. Ce qui reste à améliorer, c’est la qualité de participation : l’interactivité n’est pas toujours facile lors d’une table-ronde. Il y a une vraie réflexion à mener sur ce point. Sur le thème de l’égalité entre femmes et hommes, il est prévu de scander le débat par des sketches. Il faut trouver des idées de ce genre. On a testé les tweets à Chambéry, avec un affichage mural après modération, et des questions posées aux intervenants. Avec 150 personnes, le numérique est un moyen idéal, il faut voir techniquement avec quel usage. A Roussillon (Isère), on a testé le procédé à l’ancienne, avec des questions sur de petits papiers. Ça prend du temps… mais ça permet une pause, où l’on discute plus librement. Mais c’est possible à 70, pas à 150 personnes. Il y a une réticence des enseignants à laisser les élèves utiliser leurs portables pendant une conférence. Mais ce serait dommage de se priver d’un mode d’interaction directe. A 300 participants, c’est impossible pour un élève de prendre la parle !
Nous espérons bien reconduire le dispositif l’an prochain, avec le soutien des autorités de tutelle. C’est un dispositif peu onéreux : pour la Région Rhône Alpes, c’est 13000€ pour 1400 élèves. Nous voudrions atteindre une vingtaine de lycées chaque année, et qu’ils deviennent ensuite autonomes dans la démarche. Le dispositif peut ensuite se déployer de lui-même.
Jeanne Claire Fumet