Comment combler le vide entre l’Ecole et les parents ? Près d’un directeur d’école sur deux rencontre des problèmes avec les parents selon une étude de Georges Fotinos menée auprès d’environ 3300 directeurs d’école et publiée le 29 avril. Ses résultats avaient été révélés en janvier dernier par Le Café pédagogique. L’étude, épaulée par des analyses de Philippe Meirieu et Denis Meuret montre l’urgence qu’il y a à construire la relation entre les enseignants et les parents. Mais par où commencer ?
Annoncée par Le Parisien le 29 avril, reprise par les télévisions, l’étude de Georges Fotinos a été rendue publique par Le Café pédagogique le 31 janvier. Pas de mystère : G. Fotinos en avait donné les principaux résultats lors d’une audition devant la mission d’information sur les relations entre l’école et les parents du Sénat. Il avait bien voulu répondre aux questions du Café pédagogique. Le 29 avril, cette étude, soutenue par la Casden, est publiée et enrichie des interventions de plusieurs analystes.
La moitié des directeurs ont des conflits avec les parents
Réalisée en 2013, l’enquête de Georges Fotinos, chercheur associé à l’Observatoire international de la violence à l’école, met bien en évidence le fossé entre les parents et l’Ecole. Près de 4 000 directeurs d’école ont participé à un sondage mené sur Internet et 3 300 formulaires ont été retenus et validés, soit près d’un directeur sur dix. L’enquête révèle qu’un quart des directeurs d’école ont été insultés dans l’année au moins une fois par des parents d’élèves. 27% ont été menacés et 40% harcelés. Au total la moitié des directeurs ont eu des différends avec des parents d’élèves dans l’année.
A vrai dire la violence est aussi dans l’autre sens. D’abord parce que les agressions parentales sont très majoritairement des réponses à des punitions ou des problèmes de surveillance. Surtout, les enseignants sont très critiques sur les parents. 40% d’entre eux estiment que les délégués des parents d’élèves ne sont pas de vrais représentants. 54% des directeurs jugent que les parents ne se sentent pas assez concernés par l’école. Cela ne les empêche d’ailleurs pas d’estimer à 83% qu’il faut faire participer les parents à la vie de l’école. Enfin 66% des directeurs jugent le climat scolaire de leur école bon ou excellent, soit 16% de plus que dans une enquête de 2004.
Un statut de délégué des parents ?
Comment améliorer les choses ? Georges Fotinos fait des propositions. Il attend que l’on redéfinisse le métier d’enseignant de l’école primaire « en considérant les bénéfices reconnus par la recherche d’une « éducation partagée » continue et cohérente des enfants avec les partenaires institutionnels de l’école. Dans cette optique, il recommande « la création d’un statut de délégué parent d’élèves » dans lequel il voit le « gage d’un fonctionnement démocratique et citoyen de cette instance » et la « condition préalable à l’instauration d’instances consultatives permanentes en matière de vie scolaire, périscolaire et extrascolaire locale ». En mars 2012, François Hollande s’y était presque engagé devant la Fcpe. F Hollande avait promis que les parents délégués bénéficieraient d’autorisation d’absence pour assister aux conseils de classe. « Ce décret sera pris » avait juré F Hollande. Progressivement un dispositif de compensation pour payer le temps d’absence serait mis en place. Mais c’était avant la déroute économique et budgétaire. L’enjeu est pourtant de taille. Sans ce statut, la fonction ne peut être portée que par des parents qui en ont les moyens ce qui écarte toute une partie des parents de l’école. Ou plutôt, justement la partie des parents que l’on ne voit jamais à l’école.
G Fotinos a encore d’autres idées. Il demande aussi que l’on forme les enseignants « à la relation avec les parents ». Il avance d’autres pistes : une école ouverte aux parents durant les vacances, des lieux privilégiés de dialogue et d’échanges par exemple une association commune en écoute et appui aux parents. En janvier 2014 il nous avait vanté le succès d’instances locales partenariales mixtes chargées de suivre les problèmes de vie scolaire. » J’ai été surpris par leur réussite », avait-il confié au Café pédagogique. « A Champigny, parents et enseignants ont constitué une association qui s’est installée au milieu du collège. Elle a fait de la médiation avec les familles. Elle a organisé des moments d’éducation en commun enfants , parents et enseignants ». En un an, les conseils de discipline ont disparu. « Grâce à l’ouverture sur le quartier, on a vu venir au collège des familles éloignées de l’Ecole. Le dispositif n’a pas été monopolisé par certaines catégories sociales » nous disait G Fotinos.
Ecole de Dewey et école de Durkheim..
Dans un article qui accompagne l’étude de G Fotinos, Denis Meuret rappelle la part que prennent les parents dans la vie administrative des écoles au Québec. C’est un parent d’élève qui préside , avec voix prépondérante, le conseil d’administration de l’école. » La plus grande capacité de l’école québécoise à penser le lien entre les apprentissages et l’insertion sociale se traduit aussi par le fait qu’elle se conçoit plus facilement comme au service de la communauté, à la fois la communauté nationale (le Québec comme société tolérante et solidaire, comme économie dynamique et nation moderne) et la communauté locale. Il s’en suit que les parents n’ont pas seulement une légitimité d’amont (en tant que premiers éducateurs de l’enfant, cette légitimité sur laquelle les fondamentalistes religieux de toutes obédiences appuient leurs revendications « culturelles » vis-à-vis de l’école), mais aussi une légitimité d’aval, en tant que membres de la communauté dans laquelle l’école insère les enfants. Au Québec, d’ailleurs, les séances des Conseils d’établissement sont publiques ».
Evidemment on est loin de l’école de Jules Ferry construite pour libérer l’enfant des influences parentales et pour matérialiser la puissance républicaine dans les esprits et même le paysage. Faut-il donner le pouvoir aux parents ? Sans doute pas. Mais un équilibre peut être recherché pour que parents et enseignants tirent dans le même sens.
Mais le pire est encore peut-être à venir.
G. Fotinos a mené parallèlement une enquête similaire dans le second degré. Et si ses résultats étaient pires encore que dans le premier degré ? Vous les trouverez dans notre article de janvier 2014…
François Jarraud
L’enquête de G Fotinos publiée par la Casden
http://www.casden.fr/content/download/375900/2413392/[…]
L’article du Café de janvier 2014
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/01/31012014Article6[…]
Sur le site du Café
|