« Si on veut améliorer la réussite des élèves, on ne peut pas se contenter d’une professionnalisation insuffisante ». Présentant un état des lieux des Espe, les nouvelles écoles de formation des enseignants, et des formations, Bernadette Groison , secrétaire générale de la Fsu, dresse un sombre tableau. Alors que la toute nouvelle formation des enseignants est encore au milieu du gué, la Fsu demande le report des postes non pourvus sur les concours 2014 et un cadrage national fort des Espe.
« Dysfonctionnements », « décevant », « insécurisant ». Le vocabulaire utilisé par la Fsu à propos des Espe et de la formation des enseignants, le 27 mai, n’est pas positif. Le syndicat prend ses distances et entend peser sur la formation des enseignants.
La Fsu relève d’abord les problèmes de recrutement rencontrés cette année. Près de 2000 postes (1861 exactement) n’ont pas été pourvus aux concours exceptionnels 2014. A la rentrée, il manquera dont 743 professeurs des écoles (9% des postes mis au concours), 153 PLP (10%), 60 certifiés capet (11%), 1066 certifiés (14%). Le syndicat demande le report des postes non pourvus sur les concours rénovés 2014. Au delà il pose la question du pré recrutement et du soutien financier aux étudiants avec une allocation autonomie. « Les premiers échos des concours rénovés sont par ailleurs très inquiétants puisqu’il y a diminution du nombre de présents rapport aux concours exceptionnels », estime le syndicat.
Mais c’est tout le fonctionnement des Espe qui est dénoncé par la Fsu. Selon elle, « 1/3 des ESPE dont Paris, Versailles, Grenoble, Lyon, Toulouse rencontrent des difficultés de mise en oeuvre ». Pout T Astruc, (Snesup), les Espe sont prises dans la réforme du supérieur. « Elles existent mais personne ne sait comment. Personne ne connait leur statut à la rentrée 2014 ». Elles sont prises entre le rectorat et une structure universitaire en restructuration. Il leur est pour le moment impossible d’organiser à l’avance les formations pour l’année prochaine. Voilà pour les aspects administratifs. « Ce qui se met en place est insécurisant » estime T Astruc ce qui justifie des abandons de candidats aux concours. Le statut des stagiaires est très variable selon les concours et l’origine des candidats et ce n’est pas facilement lisible. Le devenir des collés aux concours n’est pas décidé.
Mais la Fsu critique aussi l’intégration des formateurs. Selon elle rien en cadre la collaboration entre universitaires et formateurs de terrain, PEMF du primaire et PFA nouvellement créés au secondaire. Ces derniers n’ont pas de statut. « Ils sont déchargés de 3 à 6h et bénéficieront, d’après les fiches envoyées aux recteurs d’une indemnité annuelle de fonction de 834 euros brut. Des contrats d’un an leur sont proposés. En 2014/2015 ils devront passer la certification de PFA (dont on ne connait toujours ni le contenu ni les modalités) pour être renouvelés dans cette mission. Ainsi, alors que la réforme repose sur la collaboration entre formateurs de terrain et formateurs universitaires, les formateurs des ESPE ne savent pas qui seront leurs collègues « de terrain » à la rentrée et mettrons en place une collaboration susceptible de s’interrompre au bout d’un an ! », note la FSU. Pour les PEMF c’est la question de leur décharge qui se pose avec le passage à la semaine de 4,5 jours. La Fsu demande une décharge d’1,5 jour au lieu d’un jour. Quant aux tuteurs, leur rémunération sera nettement diminuée l’année prochaine.
Le syndicat n’ira pas plus loin dans l’interrogation sur la nature de la formation. « Il n’y a jamais eu d’âge d’or », explique B Groison, en réponse à une question du Café pédagogique. « Et bien d’autres éléments entrent dans les difficultés des élèves ». Pourtant, un an après la mise en place des Espe, seulement 17% des admis aux concours de recrutement viennent d’un master d’enseignement (MEEF) selon une étude de la Depp. La grande majorité vient directement d’un master disciplinaire. Ainsi la professionnalisation, voulue par le ministre, reste encore un voeu pieux. La plupart des nouveaux enseignants du secondaire entrent dans l’enseignement au dernier moment sans avoir reçu une formation professionnelle sérieuse. C’est toujours le savoir disciplinaire qui ouvre la porte des concours.
C’est cette question qui sous-tend tout ce débat sur les Espe. Pour une formation plus professionnelle il faudrait renforcer leur statut et leurs moyens et la place des formateurs de terrain. Les partisans d’une formation disciplinaire jouent d’autant plus la carte de l’affaiblissement des Espe que les moyens sont réduits dans le supérieur et que la réorganisation des universités offre des possibilités. L’avenir des Espe se jouera aussi dans les dernières épreuves des concours rénovés. Quelle sera la part du professionnel ?
Une catégorie d’enseignants semble particulièrement oubliée dans cette réforme : les PLP. Déjà 153 postes de PLP ne sont pas pourvus et on pourrait monter à 400 selon la Fsu. « Le ministère a laissé de coté les PLP ». Le système de formation n’est pas adapté aux candidats des matières professionnelles faute de formation entre le BTS et le master.
François Jarraud