En 2013, Marie Soulié, professeure de français au collège Daniel Argote à Orthez, présentait à Nantes au Forum des enseignants innovants un projet qui obtenait le prix du public : l’animation par les collégiens d’une agence de communication. En 2014, elle participe avec Aurore Coustalat, professeure d’anglais dans le même établissement, au Global Forum de Barcelone. C’est l’occasion de témoigner à nouveau de la belle dynamique d’une expérience, qui déborde désormais sur tout un travail d’équipe et s’est même prolongée par la création d’une webradio. C’est l’occasion de diffuser à nouveau la pertinence du projet qui confie aux élèves une mission d’importance : communiquer sur les réussites et spécificités de leur collège en utilisant différents médias (Web Tv, Web radio, réseaux sociaux, site internet, journal). En participant à l’agence « i-média », les élèves, tous volontaires, tous avec un profil particulier, non seulement s’éduquent aux médias, mais apprennent à mieux communiquer, reprennent confiance en eux-mêmes, et retrouvent, par les liens qu’ils tissent, une place à l’intérieur de l’école. Interview à deux voix.
Qu’est-ce que l’agence « i-média » ?
I-média est une agence de communication créée dans un collège dans le cadre d’une classe projet média. Les élèves ont tous été volontaires et ont un profil particulier (élèves en grande difficulté, élèves décrocheurs, troubles du langage, problèmes liés au comportement, manque de confiance). Leur mission est de communiquer le plus possible sur les réussites et spécificités de leur collège en utilisant tous les médias (Web Tv, Web radio, réseaux sociaux, site internet, journal). Les objectifs visés pour ce groupe sont de sentir l’appartenance à un groupe uni, recréer du lien avec les adultes, reprendre confiance et évidemment communiquer.
Pouvez-vous donner des exemples précis de productions réalisées par les élèves ?
Les élèves ont déjà créé leur logo, leur site internet, leur page Facebook, ils ont également réalisé des émissions radios et sont en train de créer leur propre chaine de télévision avec un JT tous les 15 jours, un bulletin météo, une émission sportive … Toutes ces productions sont visibles sur notre site.
De nouveaux contrats et partenaires ont été trouvés. Par exemple, nous sommes invités en octobre 2014 au Salon du livre à Orthez pour y produire une émission de radio avec animation des débats, restitutions de lectures, interview d’auteurs et illustrateurs, plateau sur le salon… Pour la rentrée prochaine, les élèves vont aussi fabriquer un livret d’accueil pour les nouveaux enseignants, se faire eux-mêmes VRP de leur établissement auprès des professeurs !
Concrètement, comment l’agence fonctionne-t-elle ?
Les bureaux de l’agence (salle de cours restructurée) sont ouverts le vendredi de 15h à 17h, nous sommes deux professeurs pour un groupe de 20. Chaque élève appartient à un groupe et chaque groupe reçoit une fiche mission en début de période. L’essentiel est de s’organiser sans pression afin de répondre le plus efficacement possible aux objectifs fixés. Chaque élève a également un carnet de l’agent, sorte de journal de bord individualisé.
Un des objectifs poursuivis est l’éducation aux médias : à quelles techniques en particulier les élèves sont-ils initiés ? est-ce que le travail s’accompagne d’une réflexion sur les médias ?
Les élèves doivent avoir parcouru tous les médias (télé, radio, internet, presse écrite). En début de période, nous initions les élèves à un nouveau média. Nous étudions ses caractéristiques, ses avantages et ses limites. Les élèves ont été initiés à la prise de vue, au montage vidéo, au montage son et au podcasting.
Le projet semble permettre de travailler de nombreuses compétences du socle : lesquelles en particulier ?
Nous travaillons essentiellement sur des compétences de base : lire, écrire, analyser, communiquer. Nous travaillons également des items du B2i et bien évidemment sur la capacité à évoluer dans un groupe, à être respectueux des personnes et du matériel.
Le projet a-t-il des conséquences sur vos pratiques d’enseignantes ?
Il donne envie de travailler ensemble, de mener des collaborations aussi entre enseignants. L’expérience change les modalités de travail des élèves : ils se mettent au-dessus de la table, décident eux-mêmes de ce qu’ils vont faire, du temps qu’ils vont consacrer à la tâche, des démarches qu’ils vont entreprendre. En classe même, je me suis mise à travailler en îlots et me suis lancée dans la pédagogie de projet à travers d’autres activités (Aurore). C’est parce que j’y ai pleinement perçu l’intérêt de mettre les élèves en activité que je me suis par ailleurs engagée dans la démarche de classe inversée (Marie).
Le projet semble aussi susceptible de donner aux élèves plaisir et confiance : avez-vous pu mesurer l’effet en ce sens du travail que vous menez ?
Les élèves sont ravis, ils ne s’ennuient pas et je m’appuierai sur un indicateur qui n’est certes pas scientifique mais qui fait chaud au cœur : nous rencontrons les pires difficultés à convaincre les élèves du groupe de prendre leur récréation. « Pour une fois, on nous écoute », disent certains. Un vrai changement des relations s’opère entre les enseignants et les lèves, qui se sentent compris, heureux, fiers d’eux.
Le projet semble aussi avoir la faculté de susciter de nouvelles expériences : comment fonctionne la webradio que vous avez aussi lancée ?
L’émission est réalisée en direct chaque vendredi à 13 h 35. Elle dure environ un quart d’heure. La préparation est lancée le lundi dans une classe qui prend spécialement en charge le projet. Divers professeurs passent commande de chroniques (les derniers résultats du championnat UNSS, reproduction des libellules…), on établit un conducteur, les chroniqueurs ont jusqu’au jeudi soir pour rendre leur travail, le comité de rédaction récupère les chroniques et les corrige éventuellement le vendredi matin, puis a lieu l’enregistrement, qui s’achève par un morceau de musique interprété en direct par des élèves. Tout le collège s’est emparé du dispositif et les effets sur la vie du collège sont étonnants : le vendredi à 13 H 35, 130 collégiens écoutent sagement la radio au lieu de faire des bêtises dans la cour… Le climat un peu difficile du collège s’en trouve apaisé.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
L’agence