Comment valoriser l’amitié, la solidarité et l’entraide tout en évitant la niaiserie de l’appel aux bons sentiments ? Comment concilier les conventions de la fable et les codes du film d’aventure ? Thomas Szabo et Hélène Giraud, les réalisateurs de « Minuscule, la vallée des fourmis perdues » prennent en compte l’imaginaire visuel contemporain tout en préservant les structures narratives du conte. Un tour de force qui séduit les petits.
Message entraînant de fraternité joyeuse, ode à la solidarité industrieuse, le film permet aussi d’initier, de façon simple, aux infinies ressources du cinéma : comment se mélangent images tournées dans les montagnes, les torrents et les plaines de la Haute Provence, les animations animalières de synthèse et les effets spéciaux de relief, notamment ? Quels effets produit la bande son (bruitage, sons enregistrés et musique originale) dans un film « muet » avec un leitmotiv propre à chaque insecte et des morceaux soulignant les temps forts de l’aventure, à la façon de la partition de Prokofiev pour « Pierre et le loup » ? Comment s’organisent l’ensemble sonore des bruits de la nature à la musique de l’orchestre, produite par des instruments comme le hautbois, la clarinette ou la flute ? Le décor paysager du récit, une nature d’une grande beauté, peut être aussi l’occasion d’une sensibilisation à la préservation de l’environnement et au rôle des insectes en la matière. Le film d’animation ici ne cherche pas à transformer l’enfant spectateur en entomologiste ni en critique de cinéma mais il ouvre au plaisir, à l’émotion, à la découverte, dans une forme inédite qui mérite largement un prolongement en classe.
Originalité du film d’animation
Fort du succès planétaire de la série« Minuscule, la vie privée des insectes », programmes courts pour la télévision, les auteurs relèvent, en effet, le défi d’un long métrage en relief, mêlant animation et décors naturels. Un travail de réalisation qui a duré cinq ans pour faire vivre à l’écran la lutte titanesque des sympathiques fourmis noires, aidées par leur amie la coccinelle, contre les implacables fourmis rouges, autour d’un même objet de désir : une grande boite de morceaux de sucre. Pour un résultat époustouflant : un film d’aventures en cinémascope tourné dans les espaces grandioses des parcs nationaux des Ecrins et du Mercantour, habité par des personnages animés attachants, porté par une bande-son originale, entièrement musicale, composée par Hervé Lavandier. Une leçon d’intelligence et de grâce pour une première prouesse technique et esthétique dans le monde de l’animation d’initiative française. Les rebondissements de l’action, les caractères des protagonistes, la beauté des paysages séduiront les petits tandis que l’humour décalé, les références à des films de grands cinéastes (Chaplin, Keaton, Spielberg, Hitchcock..) et le message écologique toucheront également les grand, adultes compris.
Multiplicité des approches pédagogiques
Le dossier pédagogique, conçu par Carole Melmoux, permet d’explorer encore plusieurs dimensions du film : les différentes phases de fabrication du puzzle d’images, la conception de la bande musicale et le rôle des bruitages, les angles de prises de vue et la différence entre caméra-objective et caméra-subjective. Les exercices proposés incitent à d’autres découvertes : élaboration des cartes d’identité des insectes personnages du film, observation de la variété des paysages, et de la diversité des espèces végétales filmées dans les parcs nationaux, réflexion sur les objets du film (canette, boite d’allumettes, pesticide, cotons tiges…), sources de pollution de la nature, recyclés par les fourmis ingénieuses…. En bref, des moyens intelligents pour prolonger le plaisir pris à la projection de ce long métrage d’animation inventif, à la croisée du documentaire (« Microcosmos »), du « cartoon comique » (Tex Avery) et du film d’aventure initiatique (« Le Seigneur des anneaux »).
Samra Bonvoisin
Sortie en salles le 29 janvier