En 2000, la publication du premier test Pisa porte un grand coup au moral allemand : l’Allemagne se trouve parmi les mauvais élèves, loin derrière la France. Aujourd’hui, elle est loin devant la France avec 19 points de plus en maths et 29 en sciences. Le pays fait partie du peloton de tête du classement Pisa. Comment l’Allemagne a-t-elle réussi à relever en une dizaine d’années le niveau de ses élèves pour le hisser parmi les meilleurs ? Pour quel coût pour les enseignants ? Astrid Barbeau, proviseure de l’Internationale Deutsche Schule Paris, revient sur le « choc Pisa ».
Peut-on parler d’un choc Pisa en Allemagne en 2000 ?
La publication de Pisa 2000 avec de mauvais résultats pour l’école allemande, a entraîné une vive réaction chez les enseignants. C’était un vrai choc. On a cherché à comprendre et à améliorer le système éducatif en s’attaquant aux points faibles : le rythme des études, le système d’examens par exemple.
Que s’est-il passé pour les rythmes scolaires ?
L’évolution n’est pas due qu’à Pisa. Le fait que de plus en plus de femmes soient actives a également sa place. Pisa a révélé que certains élèves avaient besoin de plus de soutien , que l’on devait pouvoir proposer des cours différents aux garçons et aux filles etc. On a donc décidé de prolonger l’école au terme de longues discussions. L’emploi du temps des enseignants a été changé avec des heures réparties différemment. Un professeur de lycée enseigne 24 heures. Il faut savoir que 99% d’entre eux n’ont pas le droit de grève. Ils ont apprécié d’avoir la possibilité de faire du soutien, de travailler avec des groupes réduits.
Il y a eu aussi une réforme des examens. Le bac comporte désormais un élément commun aux différents länder. Il y a eu la mise en place d’évaluations nationales dont on s’est rendu compte qu’elles faisaient du bien aux écoles en leur apportant plus d’informations. Chaque année il y a des épreuves en maths et en allemand dont les résultats sont transférés au niveau central. Les résultats sont publiés en septembre et on connait les meilleurs établissements.
Comment cette réforme a-t-elle été possible ?
La clé cela a été de grandes concertations. Pisa a révélé des éléments négligés dans notre éducation. On a changé les programmes quand il le fallait.
L’Allemagne avait des systèmes scolaires parallèles très liés aux inégalités sociales. Cela a-t-il changé ?
C’est un sujet encore très discuté en Allemagne. Certains pensent qu’il faut prolonger le tronc commun. D’autres disent que cela nuirait aux meilleurs élèves. La Bavière par exemple a évolué lentement. Après 4 années de primaire on a 3 différents types d’école. Ce qui a changé après Pisa c’est l’existence de passerelles entre elles.
Quels changements dans les méthodes pédagogiques après Pisa ?
Il y a une grande différence avec la France. Le professeur est considéré comme un coordinateur. Les élèves découvrent par eux mêmes les éléments du programme. L’époque où le professeur dictait un cours appartient totalement au passé. Aujourd’hui on favorise le travail de groupe, les projets pédagogiques en alternant les méthodes.
Et dans la formation des enseignants ?
Les centres de formation ont obtenu plus d’argent. Les enseignants ont une obligation de formation annuelle : 3 jours par an qui sont pris dans les vacances.
Le métier d’enseignant est devenu plus recherché ?
La féminisation croissante des enseignants en lycée et collège donne à penser que leur prestige a reculé. L’enseignement a du mal à attirer les meilleurs étudiants même si le salaire des enseignants a augmenté un peu. Le choix du métier enseignant est souvent un choix pour la sécurité de l’emploi. Le préjugé qui dit que les enseignants travaillent peu est toujours valide. Le prestige des professeurs de gymnasium (la filière élitiste) s’est mieux maintenu que celui des enseignants de Realschule.
Le consensus se poursuit-il sur la politique éducative ?
Certains jugent les changements trop rapides. Certains regrettent la dernière année de lycée qui a été supprimée pour s’aligner sur le modèle européen. Il y a beaucoup de reproches là dessus mais le consensus est beaucoup plus fort qu’en France. Le fait que les professeurs n’aient pas le droit de grève change beaucoup de choses. Les proviseurs ont beaucoup plus d’autorité qu’en France. Il n’y a pas de syndicats dans les établissements.
Certains Lander n’ont pas tenté de résister à la coordination centrale ?
En effet c’est la réunion des ministres de l’éducation des Länder qui aujourd »hui prend les décisions sur les programmes scolaires ou les épreuves des examens. Cela fait que le bac est reconnu dans toute l’Allemagne. C’est un système lourd mais qui fonctionne en général. Il y a des difficultés locales par exemple à Brême ou Hambourg. Il y a des Lands qui s’en sont mieux sortis que d’autres par exemple la Saxe ou la Thuringe.
Propos recueillis par François Jarraud
Sur le site du Café
|