Par François Jarraud
Professeur de SES dans le 93, Frédéric Sinet alimente un blog qui colle au programme du lycée. Un site modeste mais très pratique. Un site riche en contenus mais qui sait attirer l’oeil des élèves. Au total, une plate forme bien équilibrée et en phase avec la pratique de cet enseignant.
Vous travaillez à Sevran dans le 93. Est ce un public scolaire particulier ?
Je ne pense pas que les élèves de Sevran constituent un public scolaire particulier ; beaucoup sont des adolescents normaux qui vont au lycée à la fois parce que c’est une obligation mais également parce qu’ils nourrissent certaines attentes par rapport à l’institution : ils ont envie d’apprendre et de progresser, d’exploiter leur potentiel et de préparer leur orientation afin de décrocher un « bon emploi » ainsi qu’ils l’expriment parfois. Il y a ainsi des excellents élèves et des élèves dont le niveau scolaire est beaucoup plus fragile, notamment en raison d’une insuffisante maîtrise de la langue française.
Cependant, il existe des difficultés qui sont peut-être plus concentrées que dans d’autres établissements. Tout d’abord, en seconde, les classes, bien que limitées à 30 élèves, sont souvent très hétérogènes à la fois en termes de niveau et de comportement : certains élèves (qui sont parfois majoritaires dans certaines classes, tout dépend des deux enseignements d’exploration que les élèves ont choisis) pensent qu’un cours est un lieu de discussion où chacun intervient à son gré, où la prise de notes est facultative ; ces mêmes élèves ne comprennent pas toujours les consignes les plus élémentaires (expliquer, illustrer, calculer une proportion, etc.) et ne savent pas rédiger un paragraphe de quelques lignes sans erreur de syntaxe.
Par ailleurs, compte tenu de la relative sélection qui s’opère en fin de seconde, ces difficultés s’estompent ensuite en partie, du moins en ce qui concerne les classes de 1ère et de terminale ES. Certains élèves se révèlent alors pleinement dans la série ES, d’autres éprouvent des difficultés à surmonter leur handicap en français ; et nombreux sont ceux qui se mettent à travailler lorsque l’échéance du bac approche. Toutefois, un complexe habite de nombreux élèves, à savoir qu’ils ne sentent pas capables de mener des études supérieures longues, qu’ils ne peuvent prétendre à des filières sélectives. Pour justifier cette autocensure, divers arguments plus ou moins valables sont avancés : le manque d’autonomie, le coût financier, les perspectives aléatoires d’insertion professionnelle, le fait qu’ils viennent de Seine-Saint-Denis, etc.
Le blog propose sur chaque thème du programme des dossiers documentaires très riches. Comment les élèves les utilisent ils ?
Comme de nombreux collègues, je ne me sers pas – ou peu – des manuels, je pioche des documents à droite et à gauche que je donne aux élèves sous forme de polycopiés. L’idée du site était donc qu’ils puissent aller rechercher les documents du cours s’ils les égaraient. Par ailleurs, je fais travailler les élèves (lorsque des demi-groupes sont possibles) sur ordinateur car cela permet à chacun d’avancer à son rythme, de procéder par essai/erreur, et que cela facilite un suivi individualisé du travail des élèves. Comme les premiers lycées où j’ai travaillé n’avaient pas d’espace de stockage commun aux élèves et aux professeurs, je me suis lancé dans la conception de ce site afin de « stocker » les différents supports de cours.
Et vous quel usage en faites vous en classe ? Comment gérez vous la trace écrite par exemple ?
En classe, les dossiers documentaires disponibles sur le site constituent la trame du cours. Les élèves disposent par ailleurs d’un plan de cours qui récapitule les différentes exigences de chaque chapitre. Les élèves répondent aux questions à l’écrit, seuls ou en groupe. Une synthèse est ensuite dictée afin que tous les élèves disposent de la même base pour réviser. En classe de 1ère et de terminale, la synthèse est moins souvent dictée, les élèves devant alors parvenir à prendre des notes.
Une grande importance est donnée à la vidéo dans ces dossiers. Pourquoi ?
J’ai intégré de nombreuses vidéos sur le site afin de proposer aux élèves des prolongements de ce qui est fait en cours, qu’ils puissent consulter chez eux ou au CDI. L’idée était de leur proposer, en plus de leur manuel, une opportunité supplémentaire de découvrir ou d’approfondir les différents chapitres. Cet objectif s’est avéré irréaliste dans la mesure où, sans consigne précise, sans travail à faire à la maison, les élèves se dirigent peu vers un site consacré aux SES. Cet écueil m’a progressivement conduit à intégrer aux cours davantage de vidéos pour illustrer les stratégies des firmes, les différents régimes politiques, les mécanismes de la socialisation, etc.
Les élèves utilisent-ils les TICE avec vous en classe ?
Oui, les élèves utilisent les TIC en classe à condition que des demi-groupes soient possibles, chacun devant pouvoir disposer d’un poste. La plupart du temps, les activités sont consignées sur un fichier que les élèves téléchargent : cela consiste souvent à lire des informations sur des sites institutionnels ou économiques, à réaliser des exercices en ligne, à regarder de courtes vidéos ; bref, cela ne change pas forcément beaucoup d’un cours avec des supports écrits ou polycopiés. Mais cela permet aux élèves d’avancer à leur rythme, de m’appeler s’ils ont besoin d’aide, sans forcément que cela gène les autres. A chaque activité informatique, une synthèse écrite est dictée en cours. En classe de seconde, les séances informatiques sont parfois plus « sportives » dans la mesure où un certain nombre d’entre eux ne maîtrisent pas les outils informatiques (les raccourcis sur un traitement de texte, la possibilité d’entrer des formules sur un tableur, les mots clés à retenir lors d’une recherche sur internet, etc.).
Quel accueil a ce travail auprès des élèves, parents, administration ?
À ma connaissance, la direction du lycée n’est pas au courant de l’existence de ce site même s’il existe un lien sur le blog du lycée. Au niveau de l’inspection, le site est toléré mais pas formellement reconnu car se pose la question du respect du droit d’auteur (pour l’intégration des vidéos notamment).
Du côté des élèves, un certain nombre d’entre réalisent tardivement qu’il s’agit du site d’un enseignant ; ils pensent fréquemment qu’il s’agit d’un site institutionnel susceptible d’être utilisé par tous les professeurs de SES. Une fois qu’ils comprennent que ce site leur est dédié, cela assoie (un peu) mon autorité : ils sont reconnaissants d’avoir un outil à leur disposition (même si pour autant ils vont peu le consulter sans injonction de ma part…) et pensent parfois que j’ai une deuxième casquette, celle d’informaticien.
Certains parents ont connaissance du site, notamment lorsque leur enfant suit la préparation au concours de Sciences Po dans le cadre de la convention d ‘éducation prioritaire signée avec cet établissement. Bien souvent alors, ils demandent à me rencontrer pour avoir plus d’explications sur la manière de préparer le concours. En ce sens, le site me permet de rencontrer des parents d’élèves que je n’ai pas forcément en cours de SES.
Quels développements sont envisagés ?
J’aimerais trouver le temps de proposer aux élèves des exercices avec les leurs corrigés, c’est d’ailleurs une de leur demande mais cela suppose que je me perfectionne en programmation. Je souhaiterais également y adjoindre davantage de productions écrites d’élèves qui jusqu’à présent, sont stockées sur d’autres sites web ou sont publiés dans le journal du lycée ou le journal municipal. A terme, je voudrais y insérer des vidéos que les élèves auraient eux-mêmes réalisés.
Propos recueillis par François Jarraud
SES Secours
Sur le site du Café
|