Vendredi 22 novembre, Henriette Zoughebi, vice présidente de la région Ile-de-France en charge des lycées, sortait d’une rencontre avec 6 lycéens du dispositif « Jeunes pour l’égalité ». Elle fait le point sur l’action du conseil régional pour défendre l’égalité garçons filles. Une idée qu’elle veut défendre concrètement, jusque dans les enseignements.
Le Centre Hubertine Auclert a étudié les manuels de français. Vous même vous animez une association féministe. Quelle conclusion de cette étude ?
On n’a pas pu décerner de prix car aucun manuel ne remplissait vraiment les critères parmi les manuels de français. Les manuels comptent trop peu de femmes auteures. Dans les oeuvres étudiées on les femmes apparaissent comme des muses, des personnages de roman stéréotypés. Elles ne sortent pas des schémas traditionnels. On se demande pourquoi on n’étudie pas en classe L’école des femmes ou Les caprices de Marianne, des oeuvres qui dénoncent à leur façon la situation des femmes. Il y a donc encore beaucoup de travail à faire.
Comment ces préoccupations sont accueillies par les élèves ?
On constate une réelle prise de conscience chez les lycéens. Il y a un vrai appétit d »égalité. Les élèves regrettent d’ailleurs souvent que les enseignants ne régissent pas davantage aux insultes sexistes.
Quand on parle de parité à l’école on pense tout de suite à l’orientation. Que peut-on faire pour éviter que le genre oriente l’avenir des jeunes ?
Il faut faire prendre conscience des évolutions dans le monde de l’entreprise. Par exemple beaucoup de métiers de la production, grâce aux machines et au numérique ne nécessitent plus de force physique et peuvent se féminiser. Notre engagement au conseil régional c’est soutenir la recherche de dignité des jeunes. Par exemple quand il y a des jeunes qui sont minoritaires par leur sexe dans une filière on doit les accompagner. La région peut leur offrir un lieu de parole pour faire face aux difficultés, par exemple un accompagnement psychologique. Il faut se rendre compte ce que c’est à cet âge d’être isolé dans une filière. Il faudrait que les enseignants appuient aussi ces jeunes.
Mais l’orientation ça doit aussi se travailler en amont, au collège si l’on veut que les choses bougent dès la troisième. C’est pourquoi j’ai demandé au Conseil supérieur des programmes qu’il intègre dans chaque groupe de travail disciplinaire une féministe. Il faut qu’on arrête de faire la séance féministe de 2 heures mais que la préoccupation féministe soit inscrite au coeur des programmes. La domination des hommes sur les femmes est quelque chose de socialement construit. Les jeunes répercutent des siècles d’histoire. Il faut donc que l’Education nationale ait le courage de porter cela. Et ce sera plus facile si les manuels scolaires et les programmes intègrent ces questions. C’est un fil qui doit être développé tout au long de la formation.
Il y a d’autres sujets ?
Les jeunes évoquent aussi un autre aspect de la parité à propos de la liberté sexuelle. C’est une préoccupation première chez les jeunes. Ils nous le disent. Or pour beaucoup d’entre eux la question du consentement dans la relation entre homme et femme n’est pas claire. Le respect ce n’est pas clair. Et ça doit aussi être travaillé. J’ai eu beaucoup de réunions avec les jeunes. Ils parlent de la rumeur , du mariage forcé , de choses de la vie quotidienne. Le lycée doit faire ce travail citoyen avec eux. Il doit alerter les jeunes sur ces problèmes pour les aider à réagir. Sur la rumeur il y a tout un travail à faire pour nommer les choses, par exemple.
Surtout, on ne peut pas entendre un jeune se déclarer victime ou auteur d’un viol et ne rien faire. J’ai proposé qu’une victimologue puisse intervenir dans les lycées et venir en aide aux victimes et aux agresseurs quand ils prennent conscience de ce qu’ils ont fait. Ca passera par les infirmières scolaires qui pourront dans les 48 heures faire intervenir une victimologue pour un travail sérieux avec les jeunes. Je prends cela très au sérieux.
Il y a une prise de conscience grâce au travail du Ministère des droits de sfemmes, grâce aussi au fait que la parité est inscrite dans la loi d’orientation de l’Ecole. Il faut aller au bout de la démarche. On n’a jamais eu d’aussi bonnes conditions pour avancer.
Propos recueillis par François Jarraud