Vincent Peillon a lancé une nouvelle vague de réformes qui devraient faire passer la refondation dans le quotidien des enseignants. Il s’agit de rien de moins que de revoir des métiers qui n’ont pas bougé depuis 63 ans dans leur définition officielle. Or pour accomplir cette tâche immense il a décidé de partager le travail entre 13 groupes de travail, un par corps. Mais peut-on découper le métier enseignant comme un saucisson ?
13, un nombre qui ne porte pas chance
Le ministre a décidé de réunir 13 groupes de travail, un par corps : les formateurs du 1er et du 2nd degré et les enseignants du second degré le 22 novembre; les directeurs d’école le 25 novembre; puis les RASED, les conseillers pédagogiques, les professeurs des écoles le 26 novembre. En janvier seraient vus les CPE, chefs de travaux, personnels de direction; d’inspection personnels administratifs, de santé et enfin les contractuels. Chaque groupe de travail réunira des interlocuteurs différents. Evidemment chacune de ces catégories a ses propres revendications et ses objectifs. Mais ces différents participent aussi d’une institution commune avec des questions transversales qui sont tout à fait prioritaire.
Trois transversales
C’est le cas de la formation continue. Son budget a été rogné tout au long des dix dernières années. Le vivier de formateurs n’a pas été renouvelé. Or il ne peut y avoir de changement réel dans les classes que si la formation continue accompagne les changements pédagogiques souhaités. Si le ministère ne compte que sur la formation initiale il lui faudra 25 ans pour voir les changements partagés par la majorité des enseignants. Alors que la formation continue peut toucher 10 ou 20% des enseignants chaque année. L’émiettement du débat entre les corps risque fort de faire passer à la trappe cette ambition. Vincent Peillon a annoncé un effort de quelques centaines de postes de formateurs à la rentrée 2014. Il est donc bien conscient des enjeux. Il a annoncé aussi que ces formations seraient qualifiantes.
C’est le cas de la reconnaissance du travail d’équipe. C’est sans doute le levier qui peut, après la formation continue, améliorer grandement l’enseignement. D’abord parce que travailler en équipe renforce considérablement la crédibilité et l’influence des professeurs sur les élèves. Ensuite parce que c’est un terreau fertile. Travailler en équipe c’est échanger ses interrogations et ses pratiques. C’est être admiratif devant ce que font les autres et du coup se sentir assez fort pour se remettre en recherche. C’est aussi un super levier pour rester ensemble. Aujourd’hui l’équipe pédagogique est largement convoquée dans les textes officiels. Sauf que rien n’est fait pour qu’elle existe dans le secondaire. Si l’on veut que les équipes existent réellement il faut qu’elles puissent matériellement se réunir régulièrement. Et ça ne suffit pas. Il faut aussi qu’elle ait sa place dans l’institution et pas seulement au rayon corvées. Répondant à une question du Café pédagogique, le ministre a estimé qu’il y a « nécessité de reconnaître un temps d’échange et de concertation ». Evidemment il faut des moyens…
La troisième urgence dans les dispositifs transversaux c’est les fins de carrière. Les enseignants voient leur carrière s’allonger dans la durée mais sans aucune perspective d’évolution. Pour de nombreux enseignants c’est une source de souffrance déjà très repérée. Nos voisins ont trouvé depuis longtemps des solutions. Par exemple en Belgique française les enseignants expérimentés ont des heures d’accompagnement des nouveaux enseignants. Ils transmettent leur savoir faire et le flambeau. « Mon souci c’est que les professeurs aient dans leur parcours professionnel la possibilité de passer d’une fonction à une autre », nous a répondu V. Peillon le 18 novembre. Avant d’ajouter : « après.. le vers est là. Ca nécessite de bousculer des inquiétudes identitaires ».
Et la corbeille
Enfin il y a la transversale dorée. Pour faire sa réforme du métier, V Peillon ne dispose que de quelques dizaines de millions d’euros tirés des mesures catégorielles. Or il y a bien un trésor. Depuis 1950, chaque catégorie, parfois telle discipline, ont réussi à acquérir tel ou tel avantage pour telle ou telle raison. Ils sont entrés dans les usages de l’institution scolaire. C’est le cas de l’heure de première chaire, des heures de laboratoire ou d’activités sportives, des pondérations de STS etc. Dans une institution d’une rare ingratitude ce sont souvent les seuls signes de reconnaissance envoyés par elle. Tout cela pèse plusieurs milliards d’euros. A peu près l’équivalent d’un treizième mois pour chaque enseignant. Evidemment certaines de ces mesures sont justifiées encore aujourd’hui. D’autres par contre… Doit on gérer ces sommes corps par corps, discipline par discipline au risque de les fragiliser ou doit on faire pot commun et transformer une partie de ces mesures catégorielles en avantage plus élargis ?
Ce qui est certain c’est que s’en tenir à des négociations fragmentées risque de fracturer toute évolution du métier sur les égoïsmes catégoriels. Si on veut refonder l’institution il faut être capable de traiter les questions transversales.
François Jarraud
La RGPP sous Robien
Sur le site du Café
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