Par Géraldine Sala
Les lycées professionnels ont connu de nombreuses réformes, afin de rendre les parcours de formation professionnelle plus attractifs. La circulaire de rentrée de 2013 souligne à ce titre, que chaque académie devra engager une action forte pour « mieux connaître et valoriser la voie professionnelle ».
Dans ce contexte, les documentalistes exerçant en lycée professionnel ont un rôle à jouer, et des missions particulières à mettre en œuvre, pour contribuer à la réussite des élèves.
Mme Dominique Marchau, professeur documentaliste au Lycée professionnel Rontaunay (académie de La Réunion), a exercé dans de nombreux établissements au cours de sa carrière.
Elle travaille actuellement dans un CDI exigu, avec un public aux besoins professionnels spécifiques, dont les priorités ne sont pas obligatoirement liées à la lecture. Elle a pu surmonter ces contraintes et s’adapter, en devenant porteuse de projets interdisciplinaires. Sa démarche et ses actions s’inscrivent dans la perspective d’un décloisonnement du CDI, centre de connaissances et de culture.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à exercer en lycée professionnel? Pouvez-vous nous présenter les caractéristiques du lycée et du CDI dans lequel vous exercez?
J’ai été TZR durant une longue période et j’ai testé tous les établissements (collège, lycée polyvalent, lycée professionnel). C’est le lycée professionnel qui m’attire, car c’est le lieu idéal. On y trouve moins d’élèves qu’en lycée général ou en collège. Je trouve que les professeurs de LP ont l’habitude de travailler en équipe et en concertation autour de plusieurs projets. Cela vient sans doute du fait qu’ils sont moins tenus par les programmes qu’en établissement général. Il y a, bien sûr, un programme à respecter et à mettre en œuvre en LP, mais il existe une souplesse qui donne l’occasion de monter des projets, et de travailler différemment, en équipe.
Je travaille dans un lycée qui propose des formations très variées. Après la 3ème dans le domaine « tertiaire » il existe, par exemple, un CAP « employé de vente spécialisé (produits alimentaires) », un baccalauréat professionnel « commerce-sport ». Dans le domaine « services et collectivités », on retrouve, entre autres, le CAP « petite enfance », un CAP « maintenance et hygiène des locaux » (MHL), ou encore un baccalauréat professionnel « accompagnement, soins et service à la personne ».
Le CDI dans lequel j’exerce a fait l’objet d’une réhabilitation. Il est neuf. Toutefois l’espace est trop exigu (90m2 pour 900 élèves). Il n’y a pas d’espace de lecture, ni de coin exposition. De plus, son entrée est obstruée par un portique antivol. La circulation entre les tables et les étagères est impossible pour un fauteuil roulant.
Comment avez-vous contourné les difficultés liées à l’organisation de l’espace dans ce lieu de travail?
Malheureusement l’architecture du CDI ne permet pas de travailler dans des conditions optimales. Par conséquent, nous avons essayé de trouver quelques solutions, notamment en sollicitant l’appui des services du conseil régional pour envisager les évolutions possibles.
Suite à l’envoi d’un courrier exposant la situation, la représentante du conseil régional en charge de l’éducation s’est déplacée, pour constater le manque d’espace et d’aération au CDI. Ces démarches ont permis l’installation d’une climatisation, laquelle contribue à conserver les documents papiers et les postes informatiques en bon état, surtout en période de forte chaleur.
Dans la même logique, et afin de gagner de l’espace, plusieurs aménagements ont été réalisés au sein du CDI. Par exemple, nous avons installé des cordes à linges pour les expositions qui sont suspendues au plafond. Concernant les nouveautés, une grille a été fixée sur un des murs du CDI pour les mettre en valeur.
Quelles stratégies adoptez-vous pour inciter vos élèves à la lecture? Comment procédez-vous que le CDI soit perçu comme un centre de culture, adapté aux exigences des élèves en formation professionnelle?
Très peu d’élèves se présentent en autonomie au CDI. Ils viennent la plupart du temps accompagnés par un professeur, dans le cadre de projets interdisciplinaires impliquant le CDI. Ils se présentent aussi en heure de soutien, accompagnés par des assistants pédagogiques. Pour inciter les élèves à la lecture, je présente le CDI à tous les entrants, à la rentrée, en expliquant le classement des documents et les spécificités par rapport au CDI du collège. Dans les CDI de LP, la documentation professionnelle en rapport avec les sections prend une grande place. Cela se voit notamment au niveau du nombre de revues spécialisées.
Par exemple, la revue « services » correspond au CAP maintenance et hygiène des locaux (MHL) et au BAC PRO « hygiène, propreté, stérilisation ». Les revues « l’aide-soignante », « l’infirmière magazine », « enfant » ou « parents » sont utilisées par les élèves en CAP petite enfance et en BAC PRO accompagnement soins et service à la personne.
De plus, la majorité du fonds documentaire est ouvert au prêt. Tous les documents peuvent être empruntés, exceptés les usuels (dictionnaires, encyclopédies).
L’incitation à la lecture passe aussi par des actions et projets ciblés. Par exemple, l’année dernière, nous avons travaillé avec une classe de CAP employé de vente spécialisé (EVS), afin que chaque élève soit associé à la politique d’acquisition du CDI. Les élèves ont participé à un projet monté avec la médiatrice culturelle de la Bibliothèque Départementale de la Réunion. Ils ont découvert cette bibliothèque, puis se sont rendus dans une librairie, pour acheter chacun un livre, sur le budget du CDI. Nous avons pu constater que leur intérêt pour les livres grandissait tout au long du projet. Au final, ils ont tous choisi un livre, intégré dans le fonds documentaire du CDI.
Enfin, les élèves du CAP maintenance et hygiène des locaux (MHL) ont réalisé un présentoir de livres en forme de cactus, avec leur professeur d’arts appliqués.
Travaillez-vous avec des intervenants extérieurs, toujours dans le cadre de l’incitation à la lecture et de l’ouverture culturelle? Comment procédez-vous pour mobiliser les enseignants disciplinaires et les intégrer dans vos projets?
Pour mobiliser les collègues, le CDI est fermé à chaque récréation. Cela me permet d’utiliser ce moment pour échanger, parler, discuter des différents projets et actions réalisables, en salle des professeurs.
Pour chaque projet, ce sont les professeurs volontaires qui inscrivent leur classe aux actions proposées. Ainsi, nous avons fait venir des conteurs au lycée. L’année dernière, les contes Calumet ont donné une représentation dans l’établissement. Au début de cette année scolaire, Daniel Hoareau est intervenu pour son spectacle intitulé « Perrault en vers et en conte! ».
Les conteurs sont reçus dans la salle de réunion du lycée, qui peut accueillir 3 ou 4 classes maximum. Cette année, une classe de BTS « assistant de gestion PME/PMI » est inscrite à l’action « un écrivain au CDI ». La classe rencontrera l’illustrateur de bande dessinée, Olivier Giraud.
Notons que la situation géographique de notre lycée est avantageuse. En effet, nous nous situons à proximité de nombreux lieux culturels, comme le théâtre de Champ Fleuri, le Grand Marché ou la Fabrik (espace de rencontre, d’échanges entre artistes et citoyens, lieu de ressource permettant d’associer les publics au processus de création), ce qui nous permet de sortir au maximum les élèves.
Avez-vous lancé des projets ou actions sur d’autres thématiques, avec les professeurs de discipline pour cette année scolaire? Quels sont vos appuis et vos ressources pour monter ces projets?
Nous travaillons régulièrement avec les élèves de BTS « assistant de gestion PME/PMI » qui ont une heure de CDI prévue dans leur emploi du temps, car ils ont une épreuve de culture générale à préparer pour l’examen. Durant cette heure, ils font une revue de presse, ou ils travaillent sur un exposé sur un thème précis. Avec leur professeur d’anglais, les 28 élèves de cette section ont travaillé sur le thème « élargissement de la culture générale et économique pour mieux comprendre le monde des médias anglo saxons ». Chaque groupe a un thème à explorer en anglais, par exemple : « inflation », « monopoly », « liberalism », « marketing ».
Autre action, cette fois dans le cadre du centenaire de la première guerre mondiale : nous avons monté un projet interdisciplinaire, qui s’intitule « représentation du soldat de la grande guerre : regards croisés », en partenariat avec un professeur de français, un professeur d’arts appliqués, et le CDI.
Soulignons qu’une des problématiques liées à la réalisation des projets est d’être mis au courant des différentes actions en cours, que ce soit au niveau local, académique ou national. Sur ce point, il convient d’être présent à différentes échelles. Il est intéressant d’être élu au conseil d’administration, afin d’avoir une vision globale de ce qui se passe dans le lycée. Les informations récoltées en dehors de l’établissement, en tant que référent culturel, mais aussi dans la fonction de référent international académique (cette fonction concerne la définition du volet international du projet d’établissement dans le cadre du conseil des équipes éducatives pour le montage des projets) nous sont utiles, pour pouvoir monter différents projets dans les temps.
Propos recueillis par Géraldine SALA
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