Après des « Assises » et un grand programme médiatique sous Chatel, tout n’a pas été tenté contre le harcèlement. Présenté rapidement dans le dossier de rentrée du ministère, le programme de lutte contre le harcèlement a fait l’objet d’une circulaire dans le B.O. du 29 août. Eric Debarbieux, délégué ministériel et initiateur de la prise de conscience du système éducatif français face à la violence scolaire, partage avec les lecteurs du Café pédagogique les projets en cours.
« On a poussé les choses aussi loin que possible ». En janvier 2012, Eric Debarbieux tirait un trait sous la période Chatel. Redevenu chercheur, après un temps de chargé de mission, il revenait sur ces années marquées par les Assises de la lutte contre le harcèlement à l’Ecole. » On a fait évoluer le discours public sur la violence scolaire », nous confiait-il. « On est passé de la sécurisation à une réelle prise en compte du phénomène du harcèlement dans sa complexité, de la fouille des cartables à la prévention. Un vrai virage idéologique ! » Il pouvait s’enorgueillir d’avoir détourné les offensives sécuritaires vers l’éducatif et le réflexif. A son actif aussi, les enquêtes de victimation à l’école et au collège et la première campagne de sensibilisation au harcèlement lancée par le ministère de l’éducation nationale. « Pour moi cela a été une période passionnante et complexe. La difficulté c’était d’être dans l’action publique tout en gardant la posture d’expert ». Depuis septembre 2012, le trouble est revenu. Vincent Peillon a nommé Eric Debarbieux délégué ministériel et il s’est installé à nouveau rue de Grenelle. Il y revient avec des projets et une nouvelle campagne lancée en novembre 2013.
Quel bilan faites-vous de l’année dernière ?
Pour la 1ère fois, le harcèlement à l’école est inscrit dans une loi. La loi de refondation fait référence au climat scolaire dans son ensemble et à une action de long terme. Elle mentionne la nécessaire formation des enseignants. Elle sera amorcée dans les ESPE à partir de la rentrée 2013. Cela veut dire obligation pour tout le personnel de l’éducation de se former et pour les établissements d’inscrire la lutte contre le harcèlement dans leur projet. Symboliquement c’est très important. Enfin il y a cette circulaire d’août dernier.
Je sais bien qu’on ne va pas changer les chose par une circulaire. Ca donne une assise réglementaire mais ce n’est pas suffisant. C’est pour cela que l’on va lancer une campagne dès ce trimestre pour travailler sur des outils très concrets qui seront donnés aux établissements. Il faut à la loi un accompagnement pédagogique qui aide à travailler sur le climat scolaire. Il y aura un site, des formations des référents académiques et de chefs d’établissement.
La circulaire annonce la formation de 500 personnes. Qui la suivra ?
En réalité elle a déjà commencé. On a créé des groupes académiques consacrés à ces questions. Ils sont composés de personnels des équipes mobiles de sécurité mais aussi de chefs d’établissements. On les accompagne en allant sur le terrain dans les académies. On a fait un premier stage en avril. On continue. On dispose d’un plan de formation de trois ans. Ces groupes existent et ils seront capables de former des formateurs.
Elle sera intégrée à la formation des enseignants dans les Espé ?
On a fait des propositions qui sont en étude. Actuellement on travaille avec sept Espe qui ont mis au point des formations. Dans un premier temps on va là où c’est possible. Ensuite, on ira dans toutes les Espe. On est a leur disposition.
La circulaire parle de formation des élèves. Comment cela va-t-il se faire ?
On y travaille avec la délégation à la vie lycéenne. On va aussi former les 900 « ambassadeurs » Unicef. Notre démarche c’est de travailler avec des élèves volontaires pour toucher plus tard les délégués d’élèves par exemple. Si l’on veut réduire la violence scolaire il faut bien sur mobiliser les adultes. Mais il faut aussi sensibiliser les élèves qui sont les témoins de ces violences pour qu’ils deviennent des témoins actifs. Pour cela on a imaginé un prix ouvert aux élèves de 8 à 18 ans. Les référents académiques aideront à impulser ce concours.
La circulaire évoque des ressources pédagogiques. Elles prendront quelle forme ?
Elle seront disponibles sur le site « Agir contre le harcèlement ». Il y aura des kits pédagogiques pour aider les enseignants à parler avec les élèves des problèmes de harcèlement. Ils seront en ligne dès le lancement de la campagne. On a annoncé de nouveaux documents comme un lexique sur les violences sexistes et les discriminations ; un guide sur la « cyberviolence » ; des exemples de ressources et de projets académiques, départementaux et locaux permettant une mutualisation, un échange de bonnes pratiques et une valorisation des actions ; des fiches « conseil » à l’intention des élèves victimes, des élèves témoins et des parents afin de les accompagner dans leurs démarches en cas de harcèlement. Seront également mis à disposition des personnels deux guides : le premier, intitulé « On en parle », donnera des bases théoriques et scientifiques, sur le harcèlement ; le second, intitulé « On agit », aidera les personnels à réagir immédiatement à certaines situations et à mettre en place des actions pérennes pour lutter contre le harcèlement.
C’est prévu pour quand ?
La date du lancement est en discussion mais ce sera en novembre 2013. Elle s’appuiera sur les grands médias pour toucher l’opinion publique. C’est une clé car c’est en refusant la banalisation qu’on peut lutter contre le harcèlement.
Luc Chatel était très attentif à cette question de violence scolaire. La refondation l’a peut-être fait passer au second plan. Vincent Peillon va donner une impulsion ?
Il y a eu une impulsion importante sous Luc Chatel avec les Assises. Mais ça a manqué d’outils de longue durée. Notre chance c’est que V. Peillon nous laisse travailler dans une relative sérénité et mettre en place des choses pérennes. Les pays qui ont réussi à faire baisser de 3 ou 4 fois le taux de harcèlement, comme la Finlande, ont mis plusieurs années. On construit pour la longue durée. Maintenant on passe à un nouvel acte : armer les établissements et les parents. On a travaillé avec les fédérations de parents, des lycéens, des parents de victimes sur ce que peuvent faire les parents. Il y aura un ensemble d’outils très cohérents qui sera présenté par le ministre lui même.
Propos recueillis par François Jarraud
Le prix « Mobilisons nous contre le harcèlement »
Il a pour objectif de donner la parole aux élèves de 8 à 18 ans qui devront produire un support de communication (affiche ou vidéo) qui accompagnera le projet de lutte contre le harcèlement qu’ils souhaitent mener dans leur établissement.
Pour participer, les élèves doivent envoyer leur production ainsi que leur projet au référent harcèlement de leur académie. Un jury académique remettra un prix « coup de cœur académique » en février 2014 et sélectionnera les nominés pour le jury national. Une cérémonie officielle de remise des prix nationaux aura lieu en avril 2014. Les 8 lauréats nationaux recevront chacun un prix de 2.000 euros. Date limite d’envoi des productions le 30 janvier 2014.