Pour la plupart des enseignants, juin est synonyme de soulagement et de repos espéré. Mais pour tous ceux qui s’apprêtent à exercer ce nouveau métier, c’est aussi un moment de stress avec l’attente du résultat du concours, ou de l’affectation du premier poste. Face à cet océan d’incertitude, où se tourner pour trouver les kits de survie ? Chaque année, les éditeurs cherchent la martingale : comment faire simple sans être réducteur ? Conseiller sans prescrire maladroitement ? Ou tout simplement éviter les poncifs et les idées reçues…
S’il n’est pas le premier, il n’est sans doute pas le moins intéressant. « L’essentiel du prof d’école », publié par Didier et L’Etudiant sous la plume conjointe d’Elsa Bouteville et Benoit Falaize, prend délibérément quelques partis-pris qui en font une ressource utile.
D’abord, celui de centrer leurs propos dans les valeurs. Quelles que soient les évolutions du métier d’enseignant des écoles, « faire classe » réclame d’abord une posture éthique. « Les titres dont on est bardé sont des boucliers de papier quand on affronte les enfants » rappelle opportunément Anne-Marie Chartier dans sa percutante préface. Les regards positifs à porter sur les élèves, leurs parents, les collègues, la déontologie et la laïcité devant les sujets « sensibles » sont toujours présents sans être donneurs de leçon. L’exigence envers soi et envers ses élèves, souvent rappelée, ne sonne pas comme un rappel moralisateur, mais comme une ambition partagée pour les valeurs de l’Ecole et son rôle dans la lutte contre les inégalités. E. Bouteville et B. Falaize appellent à la confrontation avec la complexité des textes, des auteurs, des arts, des savoirs pour « entrer dans la culture ».
La complexité du métier est souvent présente, comme en témoigne le plan de l’ouvrage : enseigner dans une école, c’est à la fois établir des relations humaines, transmettre des savoirs et travailler dans une institution. Une dimension spécifique du premier degré, la polyvalence, est sans doute assez rapidement abordée, les auteurs préférant développer les réponses aux questions sur l’autorité, la pédagogie, l’évaluation en y apportant leur propre cohérence.
Le chapitre sur les savoirs et les apprentissages est à la fois solide est concis, ce qui est une gageure. Notons d’ailleurs que les références bibliographiques et les auteurs cités en fin de chaque chapitre sont très cohérents, allant à l’essentiel.
Devant l’immensité de tout ce qu’il y a à faire, l’ouvrage pourrait sans doute inviter davantage à faire des choix pour ne pas risquer l’étouffement sous les bonnes résolutions. Ainsi, les difficiles arbitrages à faire pour les débutants, entre tout ce qu’ils aimeraient faire et ce que leur permet leur résistance personnelle au sommeil, seraient bienvenus dans une prochaine édition. Avec mes CE1, est-il plus « essentiel» d’instaurer le rituel de la phrase d’orthographe du jour ou de construire un projet théâtre ? Si chacun peut avoir sa réponse, le choix d’activités « structurantes » permet sans doute d’articuler deux dimensions très bien décrites successivement dans l’ouvrage : le rapport aux savoirs scolaires et la mise en œuvre pédagogique au service d’une éthique professionnelle.
Dans un registre proche, pour « donner du sens aux savoirs », faut-il renforcer la « transversalité » et les projets interdisciplinaires (p. 136) ou faire comprendre aux élèves l’histoire et les enjeux sociaux des savoirs scolaires, comme le demande la citation de Michel Develay p. 137 ? Faut-il renforcer les sorties scolaires (p. 178)… ou s’en méfier comme le demande à la page suivante la citation de Bernard Lahire ? Loin d’être des discussions byzantines, ces questions sont loin d’être arbitrées par le métier. Donner aux débutants la capacité de les percevoir, et l’envie de les discuter avec leurs pairs plus chevronnés est sans doute une piste essentielle pour faire des choix avec conscience et éthique, comme cet ouvrage invite à le faire. A lire, donc, et à discuter à plusieurs.
M. Brun
Elsa Bouteville & Benoit Falaize, L’essentiel du prof d’école, Editions Didier & L’Etudiant 17 €, 235 p.
|
||
|