La promenade géologique que vous faites comme professeur de SVT, la participation à une liste de discussion, la lecture régulière du Café pédagogique : tout cela participe de votre formation continue. Faut-il que le ministère le reconnaisse ? La question est posée dans le rapport que les inspecteurs généraux Dominique Rojat et Christine Szymankiewicz ont rendu en février 2013 et que le ministère publie ce 25 juillet. La proposition signe le bilan misérable d’une formation continue des enseignants en situation critique sur le plan budgétaire. Une réalité qui risque d’être durable.
Une érosion ancienne
A vrai dire la baisse des moyens de la formation continue des enseignants est ancienne. Entre 2001 et 2008, le rapport montre une baisse de 25% des journées de formation dans le secondaire. Dans le premier degré, « la prise en compte, au titre de la formation continue, des dix-huit heures d’animations pédagogiques de circonscription statutaires était venu compenser la réduction des actions de type départemental ou académique ». A partir de 2008, « la formation continue sert souvent de variable d’ajustement budgétaire », affirme le rapport, « et on peine à l’envisager comme un outil de pilotage et un objectif prioritaire. L’inclusion de la formation des néorecrutés qui a suivi la disparition du statut de stagiaire fait diminuer la formation continue stricto sensu plus encore que ne le laissent penser les chiffres globaux. » Enfin « les logiques d’organisation et de pilotage de la formation continue dans les premier et second degrés restent très disjointes », ce qui contrarie la continuité de pratiques entre école et collège.
Recentrage
La baisse des dépenses de formation continue se prolonge jusqu’à 2012, notent les rapporteurs, même si « il est important de noter que les crédits sont délégués globalement aux recteurs et qu’il n’est pas certain qu’ils consacrent entièrement cette part des crédits hors titre 2 à la formation continue ». De 2006 à 2011, le rapport signale une division par 4 des dépenses de personnel dans le premier degré, par 7 dans le second. Du fait de cette baisse, on assiste à un « recentrage massif des formations dans les académies sur la prise en charge des stagiaires et sur l’accompagnement des réformes ». Au final, l’Etat s’avère incapable d’offrir la formation continue dont ils ont besoin aux enseignants. Les problèmes de remplacement dans le 1er degré, l’absence d’organisation précise dans le 2d degré deviennent des obstacles.
Formation spontanée et formation du pauvre
« Chez les professeurs, beaucoup d’activités personnelles comportent une dimension autoformative effectivement utile dans le cadre de leur activité professionnelle », affirme le rapport. « Un professeur de lettres lit ou va au théâtre, un professeur de musique assiste à un concert, un professeur de langue séjourne dans le pays où l’on parle la langue qu’il enseigne, un professeur de sciences de la vie et de la Terre herborise ou participe à un voyage géologique, etc. Les exemples sont innombrables. Et même s’ils ne concernent pas directement la discipline enseignée, ces activités concourent à la formation. Ces activités ne sont reconnues ni par l’institution, ni d’ailleurs par les professeurs eux-mêmes. Il n’est évidemment question ni de considérer que ces activités sont suffisantes et de libérer l’institution de l’obligation d’organiser une formation continue structurée, ni de prétendre que les activités de loisirs doivent être purement et simplement prises en charges en tant qu’activité professionnelles ! Cependant la (re)connaissance de l’autoformation permettrait de réaffirmer la dignité du métier de professeur en reconnaissant à cette fonction un véritable statut intellectuel. » Cela aurait aussi l’avantage de grossir artificiellement la formation continue officielle, si indigente.
Le rapport voit bien le ministère négocier « des tarifs préférentiels aux activités culturelles associées à la discipline enseignée. Les chefs d’établissements pourraient être encouragés à faciliter la participation des professeurs à des colloques ou autres activités pourvu que cela soit compatible avec l’organisation des enseignements… Aujourd’hui, une part significative de l’activité d’autoformation passe par l’internet. À ce jour, bien peu est fait pour aider les professeurs à cet usage. Il n’y a pas en quantité suffisante de locaux équipés dans les établissements ; aucune négociation tarifaire n’aide réellement les professeurs à s’équiper ou à s’abonner aux services d’accès ou à des ressources payantes ou encore des sites qui proposent des articles récents de revues scientifiques…Une réflexion spécifique mériterait d’être engagée afin d’envisager une prise en compte fiscale spécifique de ces différents aspects ».
Aussi le rapport préconise-t-il de « favoriser l’accès des professeurs à des activités d’autoformation » en négociant des « tarifs privilégiés » et en facilitant « le développement des relations entre pairs » par exemple avec « la constitution de réseaux d’échanges animés par des professeurs expérimentés aux compétences reconnues ».
Comment encourager la formation ?
Le rapport demande aussi que l’on s’efforce de « rendre la formation attractive » en s’attachant à l’identification des besoins du terrain et en rendant la formation valorisante « en développant des formations diplômantes ou du moins certificatives (diplômes universitaires, ECTS, masters) ; en recherchant des modalités de prise en compte de l’effort de formation continue dans la gestion de carrière ». Il fixe également l’établissement et le bassin comme lieux privilégiés de la mise en œuvre d’actions de formation continue. Financièrement, il invite à utiliser les crédits de remplacement pour faciliter la formation continue, « soit en rémunérant les rattrapages de cours déplacés, soit en rémunérant les remplaçants qui assurent les cours non rattrapés ». La formation hors temps scolaire pourrait être encouragée « en indemnisant les enseignants qui y participent (en particulier dispositifs de type « universités » d’été) ».
Le rapport réalisé pour la formation à distance
« Les formations à distances sont peu utilisées dans le cadre des formations institutionnelles, sauf lorsqu’il s’agit d’accompagner les territoires lointains par voie de vidéoconférence », affirme le rapport. Il invite à « faire de la formation continue l’un des objectifs majeurs du futur service numérique de l’éducation ».
C’est ce que le ministère a habilement réussi à faire. Dans le cadre de la négociation des 108 heures annuelles dues par les enseignants du primaire, 9 heures d’animation pédagogique, souvent jugées décevantes par les enseignants, sont transformées en formation à distance par Internet. Pour les enseignants c’est davantage de liberté. Pour le ministère, voici les questions des déplacements et des remplacements réglés.
Il reste maintenant à reconnaître les formations spontanées pour ce qu’elles valent. En commençant par la lecture du Café pédagogique…
François Jarraud