Le premier album de Paul Depovere et d’Aurélie Koot vient de sortir. Qui sont donc ce scénariste et cette dessinatrice ? D’où vient leur inspiration ? Venez découvrir leurs univers !
En plus de vos activités principales, vous êtes auteur, traducteur d’ouvrages scientifiques, comment avez-vous pris le chemin de la Bande Dessinée ?
P.Depovere : Depuis ma prime jeunesse, j’ai été attiré par la bande dessinée, notamment par « La marque jaune » d’Edgar P. Jacobs, avec Blake et Mortimer. La qualité des dessins, ainsi que l’exactitude des lieux et de l’ambiance londonienne, m’ont progressivement convaincu qu’il devrait être possible de concevoir un canevas du même style, c’est-à-dire à la fois ludique et rigoureux, pour faire apprécier cette science passionnante qu’est la chimie.
Comment débute vraiment l’aventure de “À la découverte de la chimie” ?
P.Depovere : Dès l’instant où j’ai été admis à l’éméritat (c’était en septembre 2009), je me suis plongé dans la réalisation d’un scénario basé sur la chronologie des découvertes correspondant à l’apparition des sciences chimiques. Pour le non-expert en BD que j’étais, ce projet était un véritable défi : il a fallu en particulier brosser de manière très rapide les premiers balbutiements de la chimie avec, par exemple, la découverte du feu, la théorie des quatre éléments d’Aristote ainsi que toute l’épopée alchimique. Les choses véritablement intéressantes ne commencent en somme qu’avec Priestley et Lavoisier au XVIIIe siècle…
Pourquoi avoir choisi Aurélie Koot comme dessinatrice ?
P.Depovere : En tant qu’administrateur d’une ASBL de l’UCL qui était chargée de soutenir divers projets d’étudiants, j’ai entendu parler d’Aurélie Koot, qui avait remporté en 2007 le premier prix d’un concours de BD à Woluwé-Saint-Lambert. Je me suis dit qu’il fallait que je note précieusement son nom, au cas où, plus tard, mon projet de BD de chimie se concrétiserait. Selon moi, associer l’inventivité d’une jeune dessinatrice ne pouvait qu’apporter une créativité intéressante.
Qu’est ce qui vous a fait accepter de collaborer à ce projet ?
A.Koot : L’idée d’utiliser l’aspect ludique de la bande dessinée pour faire passer des matières plus complexes comme la chimie a attiré ma curiosité. Ce projet a aussi été pour moi une belle occasion de publier ma première bande dessinée.
Comment s’articule votre travail avec Aurélie ?
P.Depovere : Après quelques tâtonnements lors de la mise en route des premières pages, Aurélie Koot et moi-même avons adopté une manière de travailler très simple : je lui fournissais un scénario très détaillé de ce que, dans chacun des cadres, les divers chimistes devaient faire, montrer ou dire. Par contre, j’ai veillé à laisser à Aurélie Koot l’entière liberté au niveau de la créativité de ses dessins. Et j’en apprécie grandement la qualité et l’humour, ce qui permet de faire passer de manière captivante le message chimique.
Quels sont les objectifs de l’ouvrage ?
P.Depovere : En premier lieu, faire aimer cette belle science à tous les étudiants (et autres curieux) qui l’abordent. De manière plus précise, le lecteur de cette BD sera capable, d’une part, de comprendre la mélodie secrète qui se cache derrière le célèbre tableau de Mendeleïev et, d’autre part, d’écrire correctement une équation d’oxydoréduction, avec les coefficients stœchiométriques appropriés. Avec de tels atouts en main, la compréhension des autres aspects de la chimie devient une simple formalité, pour autant qu’on s’y applique avec le sérieux voulu.
Qu’avez-vous à dire aux détracteurs de la bande dessinée éducative ?
P.Depovere : Présenter une science telle que la chimie sous la forme d’une BD n’est pas un défi impossible. La BD est un moyen parmi d’autres de communiquer et de transmettre des informations utiles. Associer, sous forme ludique, des aspects historiques en montrant comment se présentaient réellement les intervenants, ne peut qu’attirer les curieux des sciences vers la chimie qui, contrairement à ce que beaucoup croient, est facile à comprendre.
Avez-vous pensé à créer du matériel pédagogique lié à l’exploitation du contenu de votre ouvrage ?
P.Depovere : Bien entendu. Ayant entre-temps été invité à présenter une conférence sur cette BD à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris en juin prochain, j’ai réalisé un Diaporama retraçant les faits marquants de ladite BD.
Quelles sont vos références en matière de scénaristes et de dessinateurs de BD ?
P.Depovere : Comme je l’ai déjà dit, les BD d’Edgar P. Jacobs me plaisaient par leur rigueur, c’est-à-dire par l’exactitude des détails. J’ai aussi, bien sûr, grandement apprécié les aventures de Tintin (Hergé) et, beaucoup plus récemment, les BD de Floc’h et Rivière (Blitz, Black Out, Underground) et de F. Nury et S. Vallée (Il était une fois en France).
A.Koot : Étant enfant, j’ai été plongée dans l’univers des bandes dessinées classiques avec entre autres Peyo et Hergé. Mon dessinateur préféré est Frank Pé pour la beauté et l’émotion qui se dégage de ses dessins dans les albums « Zoo ». Au niveau des scénaristes, j’aime beaucoup Denis Lapière qui a une grande sensibilité et une faculté à s’adapter aux dessinateurs avec lesquels il collabore. En particulier, j’ai un faible pour les albums « Le tour de valse » ou « Un peu de fumée bleue » illustrés par Pellejero dans lesquels l’image tient une place importante. J’apprécie aussi Jean-Pierre Gibrat qui combine dans ses albums comme « Le sursis » ou « Le vol du corbeau » des scénarios captivants et plein d’humour avec de superbes illustrations à l’aquarelle. Pour cet album à caractère pédagogique, j’ai fait le choix d’un style de ligne claire traditionnelle pour permettre une meilleure compréhension des expériences à la base de la construction de la chimie.
Comment travaillez-vous au niveau graphique, utilisez vous l’outil informatique ?
A.Koot : Les premières étapes de recherche des personnages et les dessins de base ont été réalisés au crayon. Ensuite, je scanne ces crayonnés pour les encrer sur ordinateur à l’aide d’une tablette graphique avant d’y ajouter la couleur également par ordinateur.
Comment s’est passé votre immersion dans le monde des sciences ?
A.Koot : Très bien. Je proviens d’une famille assez scientifique et ce milieu ne m’est pas trop étranger. J’ai apprécié de découvrir comment la chimie a évolué au fur et à mesure des découvertes au cours de l’histoire. Je me suis aussi documentée sur les scientifiques présentés de manière à rester fidèle à leur apparence et au style vestimentaire de leur époque.
D’où vous est venu l’idée du professeur narrateur accompagné d’un chat ?
P.Depovere : L’idée d’un professeur narrateur s’est très vite imposée pour ramener tous les concepts scientifiques qui se succèdent au cours du temps dans un contexte pédagogique harmonieux, mettant en évidence les conclusions importantes. Quant aux interventions du chat, celles-ci permettent d’insister sur des points qui méritent d’être mis en exergue. Dans de rares situations, les commentaires du chat ont pour effet d’atténuer des notions qui, par leur côté assez ardu, pourraient décourager le lecteur. Effectivement, lorsque le chat dit que c’est trop fort pour lui, on passe à d’autres développements moins difficiles.
Peut-on espérer une suite, un prolongement à cette première collaboration ?
P.Depovere : Je pense effectivement que d’autres chapitres importants de la chimie mériteraient d’être « enseignés » sous la forme de BD, certes plus spécifiques. Il faudra alors toutefois veiller à conserver un aspect ludique suffisant, non entravé par le contenu plus théorique des matières développées.
A.Koot : Cela dépend de la manière avec laquelle cette bande dessinée sera accueillie par le public. Nous devons également encore en discuter avec l’éditeur.
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