Dans les années qui viennent, de plus en plus de parents (c’est déjà vrai en maternelle et en primaire) seront imprégnés des TIC, seront nés avec le numérique et dans quelques années, avec le numérique connecté. Ils appartiennent à ce que d’aucuns nomment la génération Y. Même si cette dénomination n’a pas de fondements scientifiques clairs, il faut cependant s’interroger sur ce que les usages, l’appropriation des TIC fait évoluer dans le métier de parent, et donc dans la relation que l’école peut entretenir avec eux. Entre des parents qui découvraient le numérique, avec crainte et méfiance et des parents nés dans cet environnement et usagers au quotidien de ces objets, nous sommes invités à réfléchir au croisement entre les initiatives sur le numérique et milieu scolaire et ces pratiques sociales de partenaires essentiels de l’école.
Il suffit de regarder les sorties d’écoles pour l’observer, les téléphones portables et smartphones sont légion. Plus encore, à force d’inciter les enseignants à remplir le cahier de texte numérique et à utiliser l’ENT, de plus en plus de parents vont se familiariser et devenir des partenaires, parfois très exigeants, de cette évolution. Il n’est probablement pas loin le temps où certains exigeront la prise en compte de la « mobilité multiplateforme » désormais au coeur des questionnements de tous les services informatiques. La continuité communicationnelle devient une situation ordinaire : d’un lieu à l’autre, d’une machine à l’autre, chacun souhaite disposer de mes « outils de travail » personnels, familiaux, sociaux, professionnels.
On ne peut qu’observer une évolution des comportements quotidiens en lien avec les moyens technologiques disponibles. Toutefois, on peut constater que, pour l’instant et en collectant l’information de manière empirique, ces comportements ne semblent pas avoir de conséquences directes sur la relation entre les parents et les enseignants. Ces premiers éléments recueillis concernent en particulier l’école primaire. L’image de ce niveau d’enseignement est fortement marquée par les relations humaines du fait de l’âge des enfants. Au cours de l’avancée dans la scolarité, les parents sont de moins en moins présents physiquement et donc il semble bien que le numérique puisse rapidement suppléer à certaines absences ou indisponibilités.
On constate, dans les établissements dotés d’un ENT et/ou ayant développé la possibilité de disposer de la messagerie électronique, que celle-ci sert de plus en plus à des échanges qui rendent progressivement le carnet de correspondances caduc. Ce n’est pas encore le cas, mais on voit petit à petit des pratiques, par exemple pour les prises de rendez vous parents-enseignants. On observe aussi qu’avec le cahier de texte numérique et l’élargissement de son champ d’utilisation initial, se développent de nouvelles pratiques à distance. Le téléphone, jadis avec fil et désormais sans fil est toujours un moyen fort prisé pour la relation entre parents et enseignants, voire même élèves. Le téléphone portable est désormais généralisé et les smartphones en voie de le devenir. Certains établissements utilisent volontiers l’alerte SMS pour communiquer avec les parents, en particulier pour les absences et retards des élèves.
On observe donc trois niveaux de relation : un premier niveau, celui du face à face traditionnel, un deuxième niveau qui articule voix (par téléphone), présence et distance et un troisième niveau qui ne passe que par des relations numériques à distance asynchrone. Parler de niveau indique qu’il s’agit d’une gradation dans la prise de distance entre les différents acteurs. Ce phénomène est observé et déploré depuis longtemps quand les parents sont absents ce que l’on observait avant Internet et le téléphone sans fil dans nombre de lycées. La mise en place de moyens numériques n’est jamais a priori une réponse à un problème, mais plutôt un moyen complémentaire dans l’arsenal des actions que mène l’établissement pour aller vers les parents. On peut penser que la familiarité avec les technologies va progressivement rendre banal leur usage pour cette liaison. Mais il y a encore des évolutions à venir en particulier dans cette fameuse continuité numérique multisupport.
La culture numérique des jeunes adultes apporte surtout un nouveau comportement d’investigation préalable. Ainsi, lorsqu’un adulte est dans une mobilité géographique il va utiliser les moyens numériques pour repérer les établissements scolaires auxquels il pourra inscrire ses enfants. Depuis de nombreuses années le ministère édite des documents à destination des parents. Traditionnellement disponibles en librairie, ils sont tous en ligne désormais. Aussi voit-on, dans certaines circonstances des parents visiter les sites institutionnels, en complément des sites des associations pour tenter d’y voir claire. Si dans la relation à l’école, primaire, au collège l’arrivée de parents Y ne semble pas changer beaucoup les relations, c’est avec le lycée, et en particulier l’orientation scolaire que les aptitudes numériques des parents peuvent prendre de l’importance. En effet les établissements qui accueillent des jeunes après des orientations sont très dynamiques sur Internet et proposent de nombreuses informations et désormais la plupart des établissements d’enseignement supérieurs sont aussi sur les réseaux sociaux. D’ailleurs ils s’adressent de plus en plus souvent directement au public des élèves et des étudiants bien davantage qu’aux parents.
Y aura-t-il de nouvelles manières de faire dans les années à venir ? Pour l’instant il semble que la solidité de l’institution scolaire la protège des évolutions numériques. Ce sont surtout les pratiques personnelles des uns et des autres, élèves, parents, enseignants, cadres de l’institution, qui risquent de faire évoluer les pratiques. Depuis 2002, les pouvoirs publics ont choisi de donner davantage à voir aux familles sur l’intérieur de l’école. Les moyens numériques sont les premiers vecteurs de cette évolution. Mais son origine tient davantage de la volonté politique que des pratiques numériques des parents.qui finalement ne changent pour l’instant, à quelques exceptions près, pas grand chose à ces relations. Certains travaux de recherche ont mis en évidence même une possible pacification des relations familles écoles du fait de cette médiation technologique qui semble rassurer et ouvrir à de nouvelles formes d’échanges, moins contraignantes dans le temps et dans l’espace. Encore faut-il que tout ceci soit parlé sur le mode de la coopération et non pas sur celui de la rivalité ou de la concurrence. Or le numérique ne modifie rien dans ces domaines, au contraire c’est un vecteur d’amplification potentiel.
Bruno Devauchelle
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