La terre tremble et les murs se lézardent découvrant ça et là des vestiges de vie passée, des lambeaux de papiers peints écornés par le temps, des mots recouverts par le plâtre rongé, des promesses perdues dans la valse des secondes. Les étagères vacillent, emportant dans leur mouvement l’assiette de Giens, le vase de Murano. Le sol est jonché d’objets fracassés, de reliques de souvenirs émiettés.
Est-ce cela la crise ? Est-ce cela que l’on perçoit, un décor miné par les assauts perpétuels d’un monde nouveau qui tarde à paraître. Dans les miettes du décor, on recherche la fermeté du sol pour poser ses pieds et marcher, repartir, ne pas se cantonner aux regrets, inventer, créer, imaginer de quoi fleurir le quotidien et regarder l’avenir et tendre la main. On repose sur les étagères redressées les repères incassables inoxydables, les valeurs, les projets qui nous rendent humains tout simplement. On retrouve en bonne place dans une écriture feutrée les lettres mises à bout du mot éducation.
L’éducation comme un privilège, l’éducation comme un ouvrage sans cesse renouvelé, l’éducation comme un ancrage, l’éducation comme une liberté, l’éducation se déploie dans ses multiples déclinaisons, interprétations, traductions qui dans la tourmente nous maintiennent dans la civilisation. Combien aujourd’hui, demain seront privés de ce fil sauveteur, de ce lien aux autres, de cet accès aux savoirs structurants, à ce dos tourné à l’ignorance, source de tant de conflits de tant de barbaries.
Qui tombera aux heures sombres, sacrifiés sur l’autel de la rigueur ? Des pauvres comme à Chicago, des handicapés, des migrants ? Les mains tendues de ceux qui, épargnés, ne renonceront pas à poursuivre la course de fond de l’éducation, on les guette, on les choie. Le refus de l’égoïsme, du quant à soi, de la fatalité qui voudrait que l’impossible s’impose, que l’exclusion s’accepte, est une exigence salvatrice. Et de ces initiatives modestes mises ensemble, mises bout à bout nait une certitude, celle que le monde ne s’effondre pas mais se reconstruit. A Nantes la semaine prochaine, au forum des enseignants innovants, c’est ce monde là que nous aurons à voir, un univers où le renoncement ne veut rien dire. Cette année plus encore dans le brouillard de crise qui nous enveloppe, l’innovation que l’on racontera signifiera l’obstination à construire un monde dont les valeurs humaines sont les fondations.
Monique Royer