Combien seront-ils dans les rues aujourd’hui ? Combien resteront dans leur classe ? Combien regarderont la bouteille à moitié vide, combien considéreront la bouteille à moitié pleine ? La profession enseignante est divisée, le dialogue semble rompu, chacun campant sur ses positions, en référence à un passé proche épineux ou en espérant des lendemains meilleurs. Les arguments des uns et des autres échappent à la sphère stricte du rationnel. Les raisons de faire grève ou pas trouvent échos dans les situations personnelles, la recherche d’une reconnaissance, l’impression ou non d’être repoussés dans un retranchement catégoriel, les espérances, les représentations placées dans le métier.
Les uns accusent les autres d’avoir la mémoire courte, les autres soupçonnent les uns de se laisser séduire. Les uns estiment que les réformes sont décidées par des bureaucrates éloignés des réalités du terrain, les autres retrouvent dans les discours officiels leurs propres mots longtemps décriés. Et tous s’appuient sur l’intérêt de l’enfant, un intérêt commun mais dont les composantes divergent. Viennent ensuite les craintes sur l’image d’une profession répondant au sentiment de ne plus être un métier respecté, ancré dans la Cité. Qui a raison, qui a tort ? Les arguments s’entrechoquent sous le regard parfois étonné, parfois solidaire, parfois outré des composantes de l’opinion.
A l’heure de la pause café, le dialogue entre parents d’élèves est tout aussi brouillé. Une maman s’enthousiasme pour les possibilités qu’offrent la réorganisation des journées, des activités nouvelles pour les enfants, des interventions d’acteurs extérieurs dans l’école. Une autre s’inquiète. Que feront les enfants lors d’une pause méridienne allongée alors que la garderie se déroule dans un préfabriqué mal aménagé ? Idéal contre questions concrètes, les différences de vue surgissent aussi de ce qui est vécu localement, de l’importance offerte à l’école dans la politique communale dans l’arbitrage entre les investissements à mener.
Le changement est il possible dans la rupture, dans les fractures. Ecouter les uns et les autres, comprendre les motivations à évoluer en profondeur ou à rester camper sur ses pratiques pourrait être un préalable. Mais comment le faire pour un sujet aussi complexe qui réveille autant d’émotions qu’est l’éducation ? Les réflexions locales pourraient être une clé. Il reste à les orchestrer. Dans une institution vaste comme l’Education Nationale avec autour d’elle des acteurs divers qui interviennent de près ou de loin sur le système éducatif, la tâche est ardue. Bon courage Monsieur Peillon !
Monique Royer