Les 28 et 29 novembre avec Les Salons de Choiseul, le lycée Choiseul de Tours proposera pas moins de 28 conférences de haut niveau touchant aussi bien l’histoire, que la littérature, la philosophie , la géopolitique. De nombreux universitaires prêtent leur concours à cette opération. Mais c’est aussi le cas de directeurs de service, di patrons de musées, d’écrivains, d’anthropologues. Enfin, il y a les enseignants : Stéphane Genêt, professeur d’histoire-géo, Sylvie Mercadal, professeure documentaliste et Carol Simonet, professeur d’arts appliqués. Ce sont eux qui ont inventé et construit ce grand projet. Mais pourquoi faire ?
Comment font des enseignants de lycée pour organiser cela ?
Pour les enseignants du lycée, à vrai dire, cela a longtemps consisté en une équipe de 3 personnes: moi-même à l’origine du projet (imaginé lors d’une surveillance de couloir lors des épreuves de bac), Sylvie Mercadal documentaliste (pilier majeur du projet) et Carol Simonet, professeur d’arts appliqués (graphiste de toute la communication que nous avons réalisée “en interne”). Notre petite équipe a pris comme vous l’imaginez, beaucoup sur son temps libre pour organiser cette manifestation. Heureusement, nous travaillons bien tous les trois et en bonne synergie ce qui nous a permis progressivement, d’agréger d’autres collègues intéressés par le projet et qui ont pu proposer des expositions à partir de leurs propres fonds, contacter des personnes intéressantes de leur réseau culturel voire des relations personnelles (c’est le cas notamment de Damien Baldin ou Alexandre Lafon, amis de Nicolas Millet, professeur de philosophie de l’établissement, lui-même intervenant).
L’organisation matérielle, contacter les différents intervenants, rencontrer les partenaires et surtout discuter avec les uns et les autres (voire réduire les tensions éventuelles), tout cela est extrêmement chronophage ce qui explique peut-être que l’évènement soit totalement inédit…
Quand on regarde le lycée Choisieul on voit des bâtiments tout à fait à la périphérie de Tours. C’est un lycée de banlieue. Quelles particularités a le lycée pour permettre quelque chose comme Les Salons ?
L’Histoire du lycée est un peu particulière puisqu’il s’agissait jusqu’en 1972, d’un lycée de centre-ville (le lycée de filles), devenu l’actuel conservatoire. Avec le développement urbain de Tours au nord de la Loire dans les années 70, le besoin s’est fait ressentir de construire un nouveau lycée dans cette partie de la ville (où vivent désormais plus de 40 000 habitants) et cela a justifié le déplacement du lycée Choiseul dans une construction de type Pailleron, rénovée depuis. Ce n’est donc pas à proprement parler un lycée de banlieue (il est clairement dans les limites de la commune de Tours) même s’il est assez excentré. Le lycée est géographiquement dans une situation paradoxale: nous aimons dire qu’il s’agit d’un “lycée campus” entouré de bois et à proximité des champs mais situé dans une zone pavillonnaire, à proximité d’une zone industrielle et commerciale. Le recrutement des élèves se fait depuis le nord de la Loire jusqu’au nord du département de l’Indre et Loire (nous sommes le dernier établissement au nord du département et jusqu’à la limite sarthoise; nous gardons le “limes”) . C’est la raison pour laquelle, très tôt dans l’organisation des Salons, nous avons pensé constituer un maillage culturel autour du lycée en proposant des interventions dans d’autres lieux culturels comme la médiathèque de Tours nord et les cafés historique en Région Centre.
Les élèves sont donc surtout des périurbains, des ruraux, des tourangeaux du nord de la ville et quelques élèves du quartier sensible de l’Europe. C’est une population scolaire plutôt classe moyenne et surtout très mélangée. Nous avons enfin un internat de filles (le lycée est très féminisé, plus de 70 % des élèves) qui permet d’accueillir en particulier les élèves de la série Arts Appliqués et Design de Mode issus de toute la France.
Cette série est une des particularités de l’établissement et elle est un des moteurs du projet puisque les Arts Appliqués réalisent dans le cadre de leur travail pédagogique, la scénographie des salons. Le lycée Choiseul propose aussi en Terminale une formation aux concours d’entrée de Science Po (les élèves vont présenter brièvement chaque intervenant au début des conférences).
Le lycée Choiseul a surtout comme particularité d’avoir en son sein des professeurs dynamiques et conscients de la nécessité de lutter contre un certain évitement scolaire et dans ce but, fédérer les équipes et les énergies autour de la création d’un évènement culturel majeur, tant pour cette partie de la ville que pour montrer le dynamisme du lycée.
28 conférences c’est énorme . Quel public attendez vous ?
Les conférences sont ouvertes à tous après une pré-réservation opérée au sein de l’établissement (à hauteur au maximum de la moitié des places offertes). Le projet s’est conçu dès le départ comme étant ouvert sur l’extérieur. Des collègues d’autres lycées (Grandmont) et collèges du bassin de Tours ont ainsi inscrit leurs classes. Avec notre partenariat avec l’université de Tours, nous attendons bien entendu des étudiants. Enfin, toute personne intéressée peut évidemment s’inscrire et c’est déjà le cas au vu des réservations.
Au total, il y a 2800 places au maximum pour les conférences et nous sommes à l’heure actuelle, à 60 % de remplissage.
Comment comptez vous utiliser cet événement dans votre enseignement ?
Pour la série Arts appliqués, il fait partie intégrante de l’enseignement des élèves de Terminale et la scénographie du projet correspond au nouveau programme. Certains collègues de matières générales (Anglais, Latin, Lettres), informés du thème assez tôt, ont fait travailler leurs élèves sur le thème global: “la guerre” .En Histoire-Géographie, les conférences sont annoncées aux élèves et les collègues ont inscrit leurs classes suivant les thèmes et les sujets qui correspondent le mieux à leur progression. Certaines conférences vont enfin servir à approfondir des notions étudiées en classe. Par ailleurs, la politique documentaire du CDI prend désormais en compte cet évènement.
La présentation des intervenants par les élèves de la formation aux concours IEP leur permet de participer à un projet culturel et d’approfondir ainsi ce volet du dossier pour Science Po Paris. Les élèves assistant aux conférences peuvent comprendre que l’Histoire est une science vivante, portée par des historiens qu’ils ont la chance de rencontrer; cela leur permet aussi un approfondissement sur des thèmes historiques qu’ils ont étudiés et qui, pour les élèves de 1ère et/ou Terminale, seront au programme de leurs examens. Cela développe aussi chez eux une réflexion transdisciplinaire (Histoire, Géopolitique, Philosophie, Histoire des Arts) et un esprit citoyen par une connaissance approfondie de faits historiques, liés notamment aux conséquences de la guerre.
Pourquoi avoir choisi ce thème ?
D’abord par pur tropisme personnel ! J’ai soutenu une thèse à l’université Paris IV-Sorbonne sur le renseignement militaire de 1740 à 1763; je suis donc un historien des relations internationales, de l’information et du fait militaire.
Ensuite parce que le thème est très présent dans le nouveau programme de 1ère et qu’il nous a semblé suffisamment transversal et transdisciplinaire pour mobiliser toutes les équipes pédagogiques.
Vous êtes trois enseignants à l’origine de ce projet. Qu’avez vous appris en l’organisant ?
Je pense que l’on a appris beaucoup de choses “sur le tas”, notamment dans la conduite de projet. Les nécessaires délais de réalisation, les contraintes techniques, les problèmes financiers, la diplomatie fondamentale, la nécessité de communiquer et les relations avec la presse, autant d’aspects découverts de façon empirique. Nous avons appris aussi à nous méfier de l’enthousiasme de certaines institutions, approchées pour devenir partenaires et qui finalement ne nous soutiennent pas concrètement ou de façon tardive.
Quel accueil avez vous eu des universitaires ? Des parents ?
Les universitaires ont pour l’essentiel été emballés par le projet. En particulier, le département d’Histoire de l’Université de Tours qui cherchait depuis longtemps un moyen de réaliser un pont entre le lycée et l’Université et qui ne trouvait pas de projet concret pour cela. M. Touati, le directeur du département d’Histoire, m’a communiqué une liste de professeurs que j’ai contactés en leur proposant une intervention. Certains n’étaient pas disponibles, d’autres n’ont pas répondu mais la plupart se sont montrés intéressés et disponibles. J’ai aussi envoyé des messages à des universitaires que je connaissais (M. Bois par exemple, était le président de mon jury de thèse) et j’ai aussi écrit –au culot- à d’autres que je pensais intéressants pour le sujet (M. Stora a décliné pour cause d’emploi du temps chargé et M. Crouzet a accepté).
Nous connaissons mal la réaction des parents mais il nous semble qu’ils sont surpris et heureux d’une telle manifestation au lycée Choiseul. Certains se sont inscrits pour des conférences.
Quelle aide de l’éducation nationale ?
Le nouveau DASEN d’Indre et Loire s’est montré enthousiaste lors de la présentation du projet. Toutefois, lors de la mise en place du projet, nous avons regretté l’absence d’aide par l’institution en elle-même. En revanche, nous avons reçu un soutien immédiat de la part de notre chef d’établissement et de l’équipe de direction du lycée (qui nous ont donné les moyens nécessaires au lancement du projet). Michèle Briziou du CDDP de Tours a aussi d’un soutien total et d’une utilité fondamentale pour les conseils en matière de gestion de projet. Le ministre, Vincent Peillon, a été invité par plusieurs biais mais sans réponse pour le moment. Nos IPR respectifs ont montré un soutien bienveillant ainsi que l’IGEN EVS Jean-Louis Durpaire qui nous a adressé ses félicitations. Petite anecdote: le président Hollande que j’ai invité, m’a fait répondre par son directeur de cabinet, qu’il « salue cette belle initiative » et « souhaite que cet événement rencontre le succès qu’il mérite » .
Quelles suites ?
La manifestation devrait être pérennisée et on l’espère, élargie à d’autres partenariats (notamment culturels). Petite information confidentielle (?): le thème de l’an prochain (puisque la manifestation a vocation à être pérennisée) sera: “Les femmes”. On parle aussi de mettre en place à côté des conférences, un salon des livres scolaires à vocation historique/géographique, des formations pédagogiques pour les collègues d’HG basées sur le thème de l’année, un défilé de mode réalisé par les BTS Design de Mode de l’établissement autour du thème des salons etc. On ne manque pas d’idées (mais de temps, d’une communication plus large et d’argent surtout).
Stéphane Genêt