Un établissement scolaire a-t-il vraiment besoin d’avoir un site web ? Cette question que l’on s’est posé en 1995 paraît aujourd’hui d’une naïveté étonnante tant cela semble évident… Et pourtant, à consulter un grand nombre de sites web d’établissements scolaires, on se demande si leur contenu est vraiment nécessaire. Ou plutôt on peut se demander l’intention réelle de ceux qui l’ont conçu. Et pourtant désormais c’est un incontournable. Mais désormais concurrencé par les réseaux sociaux numériques, ce questionnement est de nouveau d’actualité, d’autant plus que les ENT se sont développés offrant aux élèves et à leurs familles les contenus souvent mis précédemment sur le site web.
Pour analyser les choses de manière plus large, il faut poser la question de la diffusion de l’information d’un établissement vers le monde extérieur, ainsi que la gestion de la communication. Tant que les Environnements Numériques de Travail (de toutes sortes) n’ont pas été déployés ainsi que les applications d’accompagnement (notes en ligne, cahier de texte, etc…) il n’y avait, la plupart du temps, que le site web de l’établissement pour afficher l’information. La messagerie électronique, encore peu utilisée pour communiquer était l’autre outil phare. Dès le début des années 2000 des établissements ont vu apparaître les CMS (Content Management System, comme spip, drupal etc…) avec intérêt car ils facilitaient la mise en place d’un site web, et apportaient des fonctions de communication complémentaires. Ainsi la conception d’un site d’établissement était une chose, sa mise à jour en devenait une autre. En effet des personnels non informaticiens (au moins pour la maîtrise du HTML et du FTP) pouvaient participer de manière importante à la vie du site en y ajoutant des informations, en la structurant même dans certains cas. L’arrivée des LMS (Learning Management System), outils d’abord destinés à la formation ouverte et/ou à distance (on dirait hybride aujourd’hui), on a vu émerger d’autres possibilités dont se sont emparés certains établissements.
On a vu ainsi émerger deux pratiques autour des sites web : celles publiques de diffusion large et celles privées réservées à certains membres, principalement ceux de la communauté éducative. D’un coté le site web de l’établissement est passé de la simple transposition de la plaquette à un outil « trace de vie » de l’activité de l’établissement. Cela ne s’est pas généralisé, mais est une possibilité que l’on a vue souvent développée. D’ailleurs aujourd’hui certains considèrent que la partie visible d’un site d’établissement comporte les informations statiques et que les informations dynamiques (mises à jours de manière fréquente) sont réservées aux espaces à accès contrôlé. D’un autre coté, le site web de l’établissement s’est engagé dans une interactivité plus grande et en proposant une possibilité d’échange beaucoup plus grande à ses visiteurs.
Plus récemment, de nombreux établissements ont entamé une réflexion sur l’intérêt d’une ouverture sur les réseaux sociaux. Certains ont ouvert des pages facebook publiques, d’autres des espaces sur linkedin, certains expérimentent des réseaux sociaux à accès contrôlés (Yammer etc…). On peut remarquer que ce sont en premier les établissements enseignants des contenus liés à ces outils qui se questionnent en premier (informatique, tourisme, communication etc…). La multiplication des outils est aujourd’hui parfois gênante. Ainsi un chef d’établissement d’une école primaire a-t-il appris incidemment qu’un parent d’élève avait ouvert un blog au nom de l’établissement scolaire pour assurer le site web de celui-ci, sans que la direction n’en soit avertie, une enseignante étant au courant. La facilité de plus en plus grande d’édition a amené à développer des comportements, des activités qui ont été parfois en dehors du contrôle des responsables. Tout cela concerne la politique globale de l’établissement.
Il faut dire ici un mot des pratiques annexes, développées, parfois dans la « clandestinité » par tel ou tel personnel. Devant une inertie ressentie de la hiérarchie, certains ont développé des activités nombreuses et multiples sur le web (exemple des classes utilisant twitter, ou encore utilisation de plateformes de collaboration). Certes cela dépasse le simple cadre du site web de l’établissement, mais s’immisce dans la politique d’information et de communication de celui-ci, surtout lorsque l’activité développée amène les élèves et leurs parents à utiliser ces moyens en dehors des temps scolaires. Des sites de classes, de profs ou d’élèves ont vite été complétés par des blogs, et maintenant pas des pages facebook. Se pose donc la question de la pertinence et de la cohérence des activités d’information et de communication au sein d’un établissement.
Lorsque l’établissement réfléchit à sa politique d’information, il doit désormais inventorier ces pratiques et tenter d’y mettre du lien. De plus, il doit aussi penser au cadre académique dans lequel il évolue et même au delà. Ainsi l’établissement peut, par l’intermédiaire de telle ou telle personne, tel ou tel groupe, être en lien avec d’autres structures, locales ou non, académiques ou pas. Or ces communications, ces activités nécessitent une réflexion pour qu’elles aient une place juste et cohérente avec l’établissement. Finalement, le site web de l’établissement est en train de devenir un « portail » pas seulement au sens technicien du terme, mais au sens urbanistique du terme : on entre dans l’établissement par la porte, c’est donc une « garantie » pour l’usager d’entrer dans un univers qui est orienté par les finalités associées à l’activité d’enseignement. Le site web de l’établissement devrait donc désormais être repensé en lien avec les autres activités numériques au sein de l’établissement. La partie information de ce site est donc un écho de l’intérieur (contrôlé et sécurisé) vers l’extérieur (ouvert à tous). C’est aussi un écho de l’extérieur vers l’intérieur par le biais de l’attirance de ce qu’il montre à voir et des méthodes qu’il utilise pour attirer les lecteurs, les visiteurs.
Les ENT ne sont-ils pas un danger ? La multiplication des dispositifs numériques au sein de l’établissement pose des questions de suivi. Si l’ENT englobe, à l’instar des SI d’une entreprise, toutes les fonctions et toutes les activités, alors le lien sera technique et donc encadré par les choix faits. Mais si l’ENT n’est qu’un élément d’un kaléidoscope, alors l’ENT n’est qu’une brique d’un édifice dont on a parfois du mal à comprendre l’architecture. Quand on parle d’architecture d’un système d’information, ce n’est pas directement de technique dont on parle, mais bien, comme un architecte, d’une vue d’ensemble qui répond à des besoins et qui ensuite fait des choix techniques, aidé en cela par les techniciens. Malheureusement, force est de constater que dans de nombreux établissements les choses sont à l’envers et l’on est obligé de passer par une phase de « remise à plat » de l’existant, d’inventaire en quelque sorte avant de repenser la place du site web de l’établissement
Bruno Devauchelle