Après la dispute Debbasch, l’affaire Le Deuff enflamme les listes de discussion des professeurs documentalistes. L’enjeu est énorme : savoir si le président du jury du Capes de documentation peut siéger ou s’il faut en changer. En toile de fond, une profession qui s’interroge sur son avenir…
Crise dans le jury du Capes
» Comment peut-on parler de morale en matière d’éducation et faire soutenir à des candidats une épreuve d’éthique de fonctionnaire, quand le jury interne de capes de documentation ne respecte pas les règles élémentaires de nomination », interroge Olivier Le Deuff sur son blog « Le guide des égarés ». Le lieu est bien connu des professeurs documentalistes qui parcourent avec passion les écrits de cet ancien collègue, devenu maitre de conférences à Bordeaux 3. Auteur d’un ouvrage sur « la formation aux cultures numériques », Olivier Le Deuff est un acteur très présent dans les débats de la profession, prenant partie récemment pour le manifeste de la Fadben par exemple. C’est tout ce parcours qui vaut à Olivier Le Deuff de faire partie du jury du Capes interne de documentation.
Mais que se passe-t-il donc dans le jury du Capes de documentation pour qu’on mette en doute son éthique ? Selon O. Le Deuff, le président du jury des Capes interne et externe, l’inspecteur général Jean-Louis Durpaire, n’aurait pas du être nommé à cette présidence car il aurait déjà siégé 5 fois, le nombre maximum fixé par le règlement. « Bonjour le cumul des mandats ! » assène O. Le Deuff en vrai combattant du verbe. Voilà le scandale rendu public : un membre du jury du Capes dénonce l’irrégularité de la composition du jury !
O. Le Deuff croit bon de donner une dimension politique à l’affaire en rappelant que JL Durpaire a été nommé inspecteur sous la droite et en attribuant sa désignation au jury du Capes au patron de la Dgesco, » artisan zélé de la politique de Châtel toujours en place ». En réalité, les présidents des jurys sont choisis par le DRH du ministère..
Crise dans la profession
Consulté par le Café pédagogique, le ministère ne commente pas les propos d’O. Le Deuff. Quant à O. Le Deuff, il justifie son action en arguant du » gel d’une cinquantaine de postes au capes externe l’année dernière » et du développement de « la politique des Learning Centers ».
Présenté par l’institution comme l’avenir du CDI, le Learning center est devenu » centre de connaissances et de culture » en 2012. Il est longuement présenté dans une brochure officielle réalisée par un groupe de travail présidé par JL Durpaire. Dans ce Centre, on pourra » se former et apprendre de manière autonome, en bénéficiant à des moments précis de conseils, d’aide méthodologique ou disciplinaire. Ce nouveau cadre permet aussi au professeur documentaliste d’assurer une formation des élèves à la culture de l’information et des médias en développant les collaborations avec ses collègues ».
C’est cette vision qui est repoussée par O. Le Deuff et une partie des professeurs documentalistes. Ils militent pour l’affirmation de la documentation comme une discipline à part entière avec horaire et programme obligatoires. « La FADBEN dénonce ainsi l’absence d’un véritable cadre institutionnel pour structurer cet enseignement et la non-reconnaissance d’un cadre didactique de référence pour penser les savoirs scolaires de l’information-documentation », écrit la Fadben, association professionelle des professeurs documentalistes, dans son manifeste de 2012. » La FADBEN revendique par conséquent la reconnaissance et la formalisation des contenus d’enseignement qui relèvent du domaine de spécialité du professeur documentaliste « .
Les professeurs documentalistes n’ont été recrutés sur Capes qu’à partir de 1989. Ce corps extrêmement récent a du mal être reconnu comme faisant partie de l’équipe pédagogique dans de nombreux établissements. Cette identité est contestée. Et cette incertitude sur sa place présente et son avenir éclaire le conflit pour la présidence du jury du Capes.
François Jarraud
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